Moussa Aksar Directeur de publication L'Evénement

Moussa Aksar, un journaliste dans l’élite de la presse d’investigation au Niger

Flegmatique et drôle, ce targui d’Agadez est venu à la presse par passion. S’il y a un domaine où il se démarque de ses confrères nigériens c’est bien sûr dans le traitement de l’information sur les questions de sécurité. Il a osé prendre des risques souvent même dans les affaires concernant la grande muette. Avec un carnet d’adresses bien garni, après un séjour à la radio Saraouniya de son ami Moussa Kaka de RFI, il fonda son journal, L’Événement qui a fini par s’imposer comme « un canard » avec lequel il faut compter dans le microcosme médiatique nigérien. En Aout dernier, le Groupe Africain d’Expertise en Communication (GAEC) a décerné à N’Djaména au Tchad, à l’occasion d’une rencontre internationale sur les Médias et la lutte contre le terrorisme dans la zone sahélo saharienne le prix des médias africains pour le leadership et la paix au président Idriss Déby Itno et une distinction à Moussa Aksar. Dans cet entretien, il répond aux interrogations de Niger Inter sur la sécurité, les prochaines élections et aussi l’affaire des bébés importés comme un scoop à son actif.

Niger Inter : Vous venez de remporter le prix africain des médias et la culture de la paix. Quel sentiment vous anime après cette distinction ?

Moussa Aksar : Ce prix constitue un motif de satisfaction pour l’ensemble du personnel de l’Evénement qui travaille inlassablement à donner l’information véritable dans le but de participer au développement du pays. Mais au-delà de ma personne et des journalistes qui composent l’équipe de l’EVENEMENT, ce prix est à l’honneur de la presse nigérienne dans son ensemble. C’est un encouragement à toujours rechercher la qualité dans notre travail qui revêt une importance capitale pour la société.

Niger Inter : Vous êtes l’initiateur du téléthon pour soutenir nos forces de défense et de sécurité. Cette opération avait enregistré un succès retentissant avec près de deux milliards de FCFA collectés. Comment avez eu cette ingénieuse idée ?

Moussa Aksar : L’idée du téléthon est partie du constat que nous avons fait concernant l’importance de la mission dévolue aux forces de défense et de sécurité qui œuvrent de jour comme de nuit à assurer la défense du territoire et à assurer la sécurité des 17 millions de nigériens. Ces éléments des FDS qui sont au front combattent souvent jusqu’au sacrifice ultime contre des forces obscurantistes qui cherchent à détruire notre pays. L’idée nous est venue de participer à notre façon à l’effort de guerre en mobilisant la population et les bonnes volontés afin qu’un soutien matériel soit apporté aux FDS dans ce noble combat pour la défense de la patrie. Nous avons alors pensé à un téléthon qui permettra de récolter des fonds qui seront alloués aux FDS vivants et aux familles de ceux qui ont perdu la vie au combat. L’initiative a été bien accueillie par les médias publics et privés, les professionnels des banques, la fondation Tatali Iyali de la Première Dame Malika Issoufou qui a parrainé l’activité et le Commissariat chargé de l’Organisation des Grands Evénements qui a coordonné le comité mis en place. Les dons ont été spontanés et se sont poursuivis pendant plus d’un mois, ce qui a permis de récolter près de 2 milliards de FCFA qui ont été répartis selon des critères définis par un comité mis en place à cet effet par les FDS.

Niger Inter : Certains esprits avaient vu en cette initiative une faiblesse de l’Etat de ne pas vouloir s’assumer. C’est du moins une critique de l’opposition par le biais de son chef de file. Quel commentaire vous en faites ?

Aksar Moussa : Ces esprits négatifs sont plutôt mal inspirés car ils font feu de tout bois pour dénigrer une initiative dont le but est de renforcer le moral des troupes qui sont au front. Contrairement aux allégations et à l’intoxication actives dont ont fait preuve ces esprits comme vous les appelez, le téléthon n’est pas destiné à collecter des fonds pour acheter des moyens militaires aux FDS. L’initiative revêt plus un soutien moral qu’autre chose. Au-delà des fonds collectés qui vont être bénéfiques aux familles des FDS qui sont engagés sur le front de la lutte contre le terrorisme et ceux qui ont fait le sacrifice ultime pour défendre la patrie, le téléthon a permis de montrer à notre armée que le peuple est solidaire de son engagement à contrecarrer les plans maléfiques du groupe terroriste Boko Haram.

Niger Inter : Vous avez dédié ce prix aux FDS, à la presse nigérienne et au « chef suprême des armées ». Est-ce à dire que le leadership sur les questions de sécurité est bien assumé à ces trois niveaux ?

Aksar MoussaAksar Moussa : Oui, il est incontestable que le leadership est assumé aux trois niveaux que vous avez cités. Ainsi pour les FDS, la mission est en train d’être accomplie avec la maitrise de la situation sécuritaire dans la région de Diffa qui avait été prise pour cible par les terroristes depuis janvier dernier. La sécurité est revenue dans la région de Diffa où l’état d’urgence a été décrété et renouvelé avec des mesures d’accompagnement qui ont porté leurs fruits. Pour ce qui est de la presse nigérienne, elle est dans son ensemble aux côtés des FDS même si certains organes proches de l’opposition ont participé à la propagande contre le téléthon. Mais ce que l’on peut retenir c’est que l’initiative a été accueillie avec ferveur par une écrasante majorité des médias, ce qui constitue la preuve de la prise de conscience des journalistes nigériens sur la gravité de la menace terroriste mais aussi de leur responsabilité sociale. Pour le troisième niveau comme nous signalons, un récent classement de l’agence américaine Global Fire Power (GFP) a placé notre armée à la 10ème place des armées africaines efficaces. Ce qui est tout à l’honneur de notre armée et de son Chef suprême, le président Issoufou Mahamadou qui a tout mis en œuvre pour que notre armée soit dans les conditions qui puissent lui permettre de remplir efficacement sa mission. Les moyens militaires ont été achetés comme jamais auparavant. Des primes et indemnités des FDS ont été augmentées de façon substantielle par la volonté du Chef suprême des armées qui se trouve dans le peloton de tête dans la lutte sous régionale contre le terrorisme.

Niger Inter : Vous dites dans les colonnes du quotidien Le Sahel « Mais le mérite revient surtout au chef suprême des Armées, le Président de la République Issoufou Mahamadou qui a anticipé sur ces événements », pourtant certains reprochent au président de la République de ne s’occuper que de sa sécurité personnelle…

Moussa Aksar : Cette attitude fait partie de la rhétorique habituelle de l’opposition politique qui cherche à faire croire que le Président est plus en sécurité que le commun des nigériens. Ce qui est tout à fait inexact. La sécurité d’un président est extrêmement importante dans tous les pays du monde. N’est-il pas le premier citoyen, celui qui doit gérer tout un pays et administrer toute une population ? C’est tout à fait normal que le Président soit mieux sécurisé car tout le monde a compris dans cette posture de l’opposition des clins d’œil aux forces centrifuges auxquels elle fait des appels de pieds pour mettre fin à un régime démocratiquement élu afin d’assouvir les ambitions de pouvoir de quelques personnes. Mais en même temps que la sécurité du président est importante, autant la sécurité des nigériens est aussi importante. C’est pour cela que le président a anticipé sur l’expansion du terrorisme en appelant la communauté internationale à faire ce qu’il appelle « le service après-vente » en Libye. Il avait rappelé la nécessité d’engager le combat afin de débarrasser la Libye des groupes terroristes qui y ont aujourd’hui trouvé refuge. Et face à l’immobilisme de la communauté internationale, le Président de la République a décidé de mettre le Niger en sécurité à travers des lois de programmation militaire qui ont permis de doter les FDS de moyens conséquents pour la sécurité nationale. C’est pour cela que les actions de Boko Haram n’ont pas eu l’ampleur qu’elles ont eu dans les autres pays.

Niger Inter : Vous avez cité plus haut le classement de Global Fire Power, un institut américain de sondage qui vient de classer notre armée 82ème dans le monde et 10ème en Afrique. Selon vous qui suivez les questions militaires depuis quelques années qu’est-ce qui explique une telle performance de notre armée qui vient même avant l’armée tchadienne ?

Moussa Aksar: La bravoure des éléments des forces de défense et de sécurité du Niger a dépassé le cadre de nos frontières. Les troupes nigériennes sont régulièrement sollicitées dans le cadre des opérations de maintien de la paix des Nations Unies. En réalité, au-delà de l’équipement militaire sans cesse croissant, le militaire nigérien a une combativité reconnue sur le théâtre des opérations. Il suffit de demander la preuve aux militaires tchadiens qui sont engagés avec nos troupes contre Boko Haram. La combativité des FDS du Niger s’est forgée non seulement à travers les formations dispensées, mais également des expériences de combats lors des différentes rébellions armées qui ont touché le pays. Enfin, du point de vue de l’organisation, notre armée est digne des grandes armées du monde. Les militaires américains qui ont travaillé avec ceux du Niger dans le cadre du Pan Sahel Initiative (PSI) de lutte contre le terrorisme et le crime organisé et dans le cadre des opérations sous régionales conjointes comme Flintlock ont apprécié la capacité opérationnelle de notre armée. Même si notre armée n’est pas la mieux équipée, même si notre armée n’a pas le plus grand effectif en Afrique, il n’en demeure pas moins que son efficacité est reconnue par des services spécialisés.

Niger Inter : La question de Boko Haram constitue une préoccupation majeure dans notre sous-région, êtes-vous optimiste quant au délai de trois mois accordé aux militaires nigérians par Buhari pour venir à bout de cette secte qui a fait montre de capacité de lutte sur plusieurs fronts ?

Moussa Aksar : Le délai de trois mois me parait très court pour venir à bout de Boko Haram. Du reste, le Président vient d’achever ses 100 jours au pouvoir et le groupe terroriste est toujours là et actif malgré le fait indéniable que sa capacité de nuisance a été réduite. Les localités que la nébuleuse occupaient ont été reconquises une par une. C’est pour cela qu’en lieu et place des opérations d’envergure, Boko Haram est en train de multiplier les attentats kamikazes qui constituent plutôt des signes de faiblesse. Mais avec la mise en place progressive de la force multinationale sous régionale, Boko Haram va vivre ses derniers instants dans les prochains mois.

Niger Inter : Une autre préoccupation d’actualité qui peut être liée à la sécurité, c’est l’organisation des prochaines élections dans notre pays. Etes-vous optimiste quant à un accord pouvoir/opposition dans l’optique d’une élection apaisée au Niger ?

Moussa Aksar : Toutes les conditions sont réunies pour que les élections se déroulent dans de bonnes conditions. L’opposition est représentée dans les instances d’organisation des prochains scrutins à savoir le Comité du fichier électoral biométrique (CFEB) et la Commission électorale nationale indépendante (CENI). L’opposition a des exigences qui ne sont pas raisonnables concernant l’organisation des prochaines élections notamment concernant le chronogramme électoral. Mais comme la CENI l’a rappelé, le chronogramme annoncé tient compte des délais légaux pour les mandats des élus, et les questions financières. Toute modification du chronogramme reviendrait à raccourcir les mandats des élus locaux ce qui constituerait une violation de la constitution. Mais tout accord qui ne violerait pas la constitution est souhaitable entre les deux parties. Mais au vu des exigences extravagantes de l’opposition, je suis loin d’être optimiste car j’ai l’impression que l’opposition ne veut même pas participer aux élections à cause des problèmes internes auxquels font face les partis politiques qui la composent et qui la prédisposent à une déroute certaine.

Niger Inter : Quel commentaire faites-vous de la récusation de la Cour Constitutionnelle par l’opposition nigérienne ?

Moussa Aksar : C’est encore un des comportements anti-démocratiques de l’opposition politique. Celle-ci récuse la Cour constitutionnelle pour des prétextes fallacieux alors que cette Cour est la plus démocratique qui soit dans le sérail des cours constitutionnelles africaines voire mondiales. En effet, sur les 7 membres qui la composent, seul un est désigné par le Président et un autre par le Président du parlement. Et l’actuel représentant du Président du parlement avait été désigné par l’ancien Président de l’Assemblée nationale Hama Amadou devenu opposant farouche à Issoufou Mahamadou. Les autres membres sont nommés par les associations des droits de l’Homme, le barreau, les enseignants chercheurs des universités, les magistrats. Dans certains pays comme la France et le Sénégal qui sont cités comme des exemples démocratiques, tous les membres de la Cour sont nommés par le Chef de l’Etat. De plus, les membres de la Cour sont inamovibles selon la constitution. A travers la récusation, l’opposition demande au magistrat suprême de violer la constitution en prenant un acte grave pour la démocratie nigérienne. Dans tous les cas, il n’a aucun moyen pour satisfaire cette exigence de l’opposition. Cette récusation est tout simplement grotesque et ridicule et témoigne des intentions de l’opposition de ne pas participer aux prochains scrutins. Mais le prétexte est mal trouvé.

Niger Inter : Face au contexte actuel de notre pays entouré partout par de foyers d’insécurité (Mali, Libye, Nigeria) avez-vous un appel aux nigériens sur ces périls majeurs ?

Moussa Aksar : L’appel que nous lançons est celui de l’unité face à ces périls qui sont à nos portes. On peut avoir des divergences d’ordre politique. Mais quand il s’agit de la sécurité nationale, la politique politicienne a des limites à ne pas franchir. Le seul combat qui vaille est celui de la défense de la Nation. Donc nous appelons les nigériens à l’unité face aux menaces sécuritaires.

Niger Inter : L’EVENEMENT est le journal qui a révélé pour la première fois l’affaire dite des bébés importés. Pouvez-vous nous dire un peu plus sur votre investigation à propos de ce scandale?

Moussa Aksar : Nos investigations nous ont permis de mettre à jour un vaste réseau de trafic de bébés en provenance du Nigeria avec des ramifications au Bénin, au Burkina Faso et au Niger. Notre enquête nous a permis de retrouver des noms de certaines épouses de hautes personnalités dans ce trafic odieux. C’est suite à nos révélations que la justice s’est saisie de l’affaire qui a abouti à l’arrestation de plusieurs personnes dont l’épouse de l’ancien Président du parlement Hama Amadou. L’affaire est aujourd’hui entre les mains de la justice qui poursuit son travail pour la manifestation de la vérité.

Niger Inter : pourtant d’aucuns pensent que le babygate n’est qu’une machination politique et que L’Evénement a été instrumentalisé pour atteindre le président Hama Amadou. Que répondez-vous?

Moussa Aksar : L’accusation est trop facile. Elle a pour but de cacher une ignominie que constitue le trafic d’enfants. Le fait que l’épouse de l’ancien Président du parlement fasse partie des personnes soupçonnées n’est qu’une malheureuse coïncidence. Nous vous rappelons que ce ne sont pas moins de 17 personnes qui sont dans le collimateur de la justice concernant cette affaire dont un ministre allié du Président de la République. L’ancien Président du parlement traine déjà assez de dossiers scabreux comme l’affaire du fonds d’aide à la presse de 2001, l’affaire MEBA, les Lettres d’autorisation de paiements (LAPS) et autres paiements sans ordonnancement préalables (PSOPS) accordées à des opérateurs économiques sous sa primature et d’autres malversations décelées par des inspections d’Etat. L’affaire des bébés importés n’est qu’une affaire criminelle dans laquelle l’épouse de Hama Amadou est soupçonnée d’être impliquée. Mais les partisans de Hama Amadou et lui-même tentent de prouver que c’est une affaire politique comme si l’infraction n’est pas répréhensible au regard de la loi. Du reste pour se disculper, il aurait dû se présenter suite à la convocation de la justice au lieu de prendre la fuite comme il l’a fait, sans gloires, sans ambitions politiques réelles.

Réalisée par ELH. MAHAMADOU Souleymane