Leçons de la crise burkinabè…

La mésaventure du général contre-révolutionnaire alias Gilbert Diendéré met en évidence une vérité irréfutable : lorsqu’un peuple est véritablement déterminé à faire aboutir ses légitimes aspirations personne ne peut l’arrêter. Les putschistes sont pour l’instant au regret de leur forfaiture en attendant que leur sort soit fixé par le tribunal du peuple et de l’histoire.

C’est assez surréaliste de vivre ce que les burkinabè ont vécu. Un moment historique. Le peuple et son armée (loyaliste) viennent d’administrer un cinglant échec aux usurpateurs de la volonté générale. Non sans sacrifices, ce retentissant exploit est de nature à inspirer les autres peuples africains.

Il y a du travail et de la matière pour les historiens au Burkina Faso. Certes les choses auraient été catastrophiques si les acteurs avaient suivi leurs passions. Mais comme l’enseignent les grands maîtres en leadership : plus les sacrifices sont énormes plus culminant et éclatant sera le succès. Cela est vrai pour un individu comme pour un peuple.

Le peuple burkinabè vient d’en faire l’expérience de la plus belle manière. Après un moment de très fortes émotions, enfin une très belle victoire. Comme nous l’écrivions récemment, Diendéré avait créé les conditions de son autodestruction. Et c’est la meilleure façon d’en finir avec ce fauteur de troubles pour la transition burkinabè.

Nous tirons de cet épilogue ( ?) de la crise du pays des hommes intègres au moins trois leçons :

1 La vertu du dialogue

Il faudrait noter que malgré des ratés la médiation de la CEDEAO conduite par Macky Sall et Yayi Boni n’a pas démérité. Ils ont pu relativement temporiser la situation même si comme toute œuvre humaine leurs propositions n’avaient trouvé l’assentiment des burkinabè.

Et on comprend aisément que la prise de position de l’armée loyaliste pour le peuple y était pour quelque chose dans le durcissement du ton de la société civile et même du président Kanfando réputé être fin diplomate. La fronde de Cherif Sy – le leader du parlement de transition – aurait-elle inspiré le président Kafando ? Ou bien l’euphorie de la population et de son armée à en découdre avec les putchistes ?

Toutefois, à défaut de faire amende honorable, la CEDEAO a eu l’opportunité de se reprendre car l’exemple burkinabè lui a assené à deux reprises une leçon : ce que le président du Niger a appelé « les aspirations du peuple » comme « fil conducteur à la CEDEAO ». C’est dire que désormais cette Organisation doit faire montre de plus de vision et de rigueur dans le traitement des affaires de la Communauté.

2 L’importance d’une autorité morale incontestable

Le rôle joué par l’autorité traditionnelle burkinabè, le Moogho Naaba est un bel exemple de régulation dans la vie d’un pays. Comme dirait Aristote « il faut savoir s’arrêter ». Si les militaires loyalistes et le RSP devaient passer par les armes pour la solution à cette crise, nul doute que ce pays allait s’embraser.

Mais grâce au moogho naaba qui a joué le rôle angulaire dans le dénouement de cette crise, l’incendie a été évité de justesse. Ce faisant, ce pouvoir traditionnel est resté fidèle à lui-même car les historiens retiennent que : « Dans l’histoire burkinabè, le Mogho Naba, représentant du soleil, était grandement vénéré. » Et l’actuel mogho naba vient de prouver au monde entier qu’il est fidèle au royaume des ancêtres.

Le sens d’efficacité de sa médiation et la confiance de tous à l’endroit de ce chef vient de combler les insuffisances de vertu dialogique de la démocratie sous nos cieux. Et ce rôle vient de sauver le pays d’une remise en cause de ses institutions et de son économie. C’est dire qu’il faudrait partout en Afrique explorer cette voie très sûre pour le règlement des conflits comme un modus vivendi palliatif à la crise de confiance dans le pays .

3 Les limites des armes

« Le plus gros tort a été de faire ce putsch, parce qu’aujourd’hui, lorsque l’on parle de démocratie, on ne peut pas se permettre des actions de ce genre. Enfin, cela s’est passé. Nous avons su que le peuple n’était pas favorable à cela, c’est pour cela que nous avons tout simplement abandonné. » Ainsi s’exprimait, à son corps défendant, le chef des putschistes, Diendéré.

Cela signifie que le printemps burkinabè a de beaux jours devant lui. Et ce, parce qu’il est véritablement l’émanation du peuple. En d’autres termes, la révolution burkinabè n’est pas une imposture. Elle est plus que jamais en marche même si le risque de récupération par des « forces du mal », pour parler comme Michel Kafando, n’est pas exclu.

Et c’est pourquoi la pomme de discorde à savoir la disqualification des anciens dignitaires devrait être consommée comme étant une volonté du peuple souverain à la quête d’une voie originale pour son émancipation car comme dirait l’autre, on ne résout pas les problèmes avec ceux qui les ont créés.

Et pour joindre l’utile à l’agréable, nous pensons que le moment est enfin venu pour connaitre la vérité sur la disparition de deux illustres fils de ce pays : Thomas Sankara et Norbert Zongo. Si c’est justement la phobie de ces révélations qui a amené les renégats du RSP a posé leur acte de désespoir alors leurs consciences doivent accepter l’évidence : 27 ans de mensonges d’Etat « ça suffit ». L’heure de la Vérité a sonné. Il faut simplement accepter le verdict de l’histoire.

Ainsi en sauvant la transition burkinabè, il faut aussi sauver les aspirations de ce peuple qui inspire à un véritable changement. On le sait, le dur est à venir : en dernière instance, la logique révolutionnaire du peuple burkinabè saura-t-elle faire bon ménage avec les impératifs de la démocratie libérale ? That’s the question.

Elh. M. Souleymane