LA DIASPORA NIGERIENNE AU CŒUR DES ENJEUX POLITIQUES

Ce texte du Dr Abdoulaye HASSANE DIALLO est une réflexion, un témoignage voire une autopsie du processus d’érection de ce qu’on appelle aujourd’hui Haut Conseil des Nigériens à l’Extérieur (HCNE). Délégué à la Conférence Nationale Souveraine et ayant joué un rôle d’avant-garde, il nous raconte les péripéties qu’a connu ce projet. Il s’interroge encore sur le pourquoi la mise en œuvre de cette initiative et notamment le vote des nigériens à l’extérieur nous a pris tant de temps. A Niger Inter nous pensons que cette approche dithyrambique de la question de la diaspora nigérienne, tout comme «l’ étrange destin » de l’auteur, se veut un rappel d’un moment de notre histoire. L’histoire du Niger.

Cela fera bientôt 24 ans 1991- 2015 , que la Conférence Nationale Souveraine a tenu ses assises à Niamey au Niger. En effet, ayant débuté le 29 juillet 1991, elle se terminera le 3 Novembre 199I. Elle aura duré en tout et pour tout 3 mois et 3 jours. Parmi les actes historiques qu’elle a eu à prendre, il y a un qui concerne les doléances de la Diaspora.

Ce fut l’acte XXIII qui consacre la création des structures de ces derniers , en vue d’aboutir à un Haut Conseil. Pour nous qui étions à ces assises , au nom des Nigériens de l’Extérieur comme Délégués , cela représente beaucoup de choses et surtout pour cette population éparpillée dans le monde et jusque-là abandonnée à elle-même.

En prenant l’acte XXIII , la Conférence Nationale Souveraine répondait ainsi à une interpellation que les 28 Délégués des Nigériens de l’Extérieur , avaient adressé à ces 12O4 Délégués Nigériens qui représentaient le peuple Nigérien. Ainsi, cette Diaspora disposait désormais d’un outil Constitutionnel qui lui permettait de s’impliquer dans la Gestion des affaires du pays qui était jusque-là l’apanage de ceux vivant sur le Territoire National. Un droit que son titre de citoyen lui confère.

II fallait réparer cette injustice qui mettait le pays en porte-à-faux avec des citoyens vivant à l’Extérieur . Ce que je n’ai cessé d’appeler la moitié de notre pays. Telle avait été la volonté des 28 délégués de la diaspora qui s’étaient déplacés pour assister à cette rencontre nationale ,une réunion de famille. ll a fallu que la DIASPORA se défende, argumente pour amener ceux qui n’ont jamais connu un exil forcé ou voulu, à accepter cet acte .

Mais, nous reconnaissons que certains parmi les Conférenciers nous ont soutenus dans notre folle mais noble aventure qui était de reconnaitre les droits de la diaspora en lui consacrant une structure dont elle seule peut définir les contours et les aboutissants . Et nous sommes reconnaissants et non redevables. Parmi les groupes qui nous ont soutenus il y a les étudiants de l’Union des scolaires nigériens (USN) dont certains noms me reviennent en mémoire : Ardo LAMIDO, à l’époque des faits étudiant délégué à la CNS, le célèbre KAKA Doka … et beaucoup d’entre eux.

Je retiens parmi les supporters de notre projet, Mr ISSOUFOU Mahamadou alors Président du PNDS et aujourd’hui Chef d’Etat de notre pays. Nous avons également en mémoire Mr HAMA Amadou du MNSD, feu Moumouni Adamou DJERMAKOYE encore délégué du MNSD, Mr Mahamane OUSMANE président de la CDS RAHAMA.

Nous retiendrons également Mr MAROU Ali , Mr Adamou ALHERI, Idi Omar ANGO, le Sage et patriote parmi les patriotes, le Commandant Ousmane DANGALADIMA qui a consacré toute sa vie au service de la Nation, de la justice et la Liberté et naturellement à !a cause de l’Afrique . II a connu un long séjour à l’extérieur, exilé comme beaucoup d’autres à cause de ses idées politiques et sans oublier les terribles geôles politiques de son pays le Niger ; notre frère Bello TIOUSSO ( Paix à son âme) et dont le nom en Peul signifie courageux.

Nous rendons un hommage mérité aux deux principaux organisateurs de la Conférence Nationale Mr RABIOU Daouda et son collègue Laouali MOUTARI qui ont apporté une importante contribution dans la réalisation de notre projet. D’ailleurs au début de notre plaidoyer, nous n’avions pas été compris. Tout s’est arrangé après grâce à ceux qui nous ont rapidement donné un coup de main.

Nous n’oublions pas Mr CHEFFOU Amadou, ( Oumarou SIDIKOU et DIOULDE Laya Paix à leur âmes).Nous avions eu aussi l’appui de MAI MANGA Boukar . SEM BAKARY DJIBO Président du SAWABA, un grand combattant, un des plus grands hommes politiques Nigériens et Africains qui fut parmi les tout premiers à nous donner sa caution. Pour cette personnalité qui a été à la pointe du combat contre le système colonial la pensée unique et fin politicien et qui passera une grande partie de sa vie en exil, nous disons grand merci et paix à son âme !

Merci à tous et à toutes celles qui ont tout fait pour faire aboutir notre doléance : la Création du Haut Conseil des Nigériens de l’Extérieur. La diaspora nigérienne leur sera éternellement reconnaissante. Néanmoins, au début, nous avons senti une certaine résistance de la part de ceux qui n’avaient pas encore saisi l’importance et les enjeux de notre initiative. Naturellement c’était la première fois qu’ils ont officiellement entendu parler d’une Diaspora qui existe bel et bien et qui a toujours tout donné à son pays. Cela depuis la nuit des temps. Mais aussi de la part des diplomates Nigériens ( Affaires Etrangères ) qui pensaient que notre structure allait se substituer à la Diplomatie classique.

II a fallu que je m’explique avec mes collègues délégués de la Diaspora dont Mr BATOURE délégué des Nigériens résidents au Togo. Chacun d’eux a donné le meilleur de lui-même. Ce qui a permis à la Diaspora d’être organisée et de jouir de tous ses droits en accomplissant tous ses devoirs. Nous n’oublierons pas le vieux WACHA délégué de la diaspora de l’Arabie Saoudite (paix à son âme ! ) et de la grande Hadjia déléguée des Nigériens de la grande Jamahiriya Arabe Libyenne et les autres.

Le Soudan où réside une importante colonie était représenté également Nous avons passé le clair de notre temps à expliquer en français et dans toutes les langues nationales la viabilité de notre projet. La définition d’une structure constituée par notre diaspora qui a toute sa place dans un pays qui est le sien , le nôtre : le Niger. Evidemment c’était pour la première fois qu’une tribune était dressée au nom de la diaspora qui parlait en son nom.

Et pour la petite histoire pendant que nous nous tiraillions à la Conférence Nationale Souveraine, le MALI en suivant notre dossier sur la diaspora avait tout de suite créé son Haut Conseil des Maliens de l’Extérieur sans attendre 2O ans après. Et aujourd’hui les Maliens sont en très en avance sur nous.

II a fallu aussi se retrousser les manches pour rectifier une grosse erreur. En effet, il y a eu un quiproquo au sujet de la création de notre structure. Un matin, le Présidium de la Conférence avait rédigé, selon l’acte XXIII le texte qui nous consacrait un Conseil des Nigériens de l’Etranger mais , l’après-midi, j’ai pris l’acte et suis allé protester auprès du Présidium pour dire ceci : « Pourquoi vous vous appelez Haut Conseil de la République et pourquoi pas un Haut Conseil des Nigériens de l’Extérieur ? » J’ai ajouté à l’adresse de SABO Saidou, qui était au Secrétariat du Présidium que « nous n’accepterons pas un Conseil des Nigériens de l’Extérieur et que c’est un Haut Conseil ou rien ».

Et sur place, en présence de HABIBOULAYE et de Marou Ali , le grand orateur du monde Rural ALIO qui nous soutenaient d’ailleurs, que l’Acte fût rectifié et en lieu et place d’un Conseil nous avons été dotés d’un Haut Conseil des Nigériens de l’Extérieur. Et toujours pour la petite histoire SANOUSSI TAMBARY Jackou disait, parlant de la Diaspora ainsi que beaucoup d’autres acteurs de la Conférence Nationale disaient « Nigériens à l’Etranger » et c’était moi qui avais mis un terme à cela en disant au cours de la plénière qu’il s’agit des Nigériens de l’Extérieur et non de l’Etranger. Ainsi ,fut créé sur papier le Haut Conseil des Nigériens de l’Extérieur.

Au cours de cette Conférence qui durera 3 mois et 3 jours ( de Juillet à Novembre) on débattra de tous les sujets sans tabou .Et cela chaque jour. Le première préoccupation des Conférenciers était surtout de briser la pensée unique. Afin de donner la parole au peuple sinon, c’est d’ailleurs le peuple qui donnait la parole à travers ses Délégués qui ne partaient pas de main morte en disant haut et fort ce que chaque citoyen ressentait et pensait dans son âme et dans sa chair : être libre de ses pensées, du choix de sa religion, de ses sensibilités politiques, de ses sentiments donc la libre expression comme Homme libre et indépendant dans une République démocratique et laïque.

Les étapes de l’évolution du Haut Conseil des Nigériens de l’Extérieur
La candidature de nombreux nigériens de l’Extérieur au poste de Premier Ministre à la Conférence Nationale et l’élection de CHEFFOU Amadou à ce poste était un signe précurseur à une future implication de la diaspora dans la gestion des affaires nationales.

Aussitôt après, la prise de fonction du premier ministre de la première transition, Mr CHEFFOU Amadou qui fût élu par Cinq groupes sur Sept à la Conférence Nationale, un Chargé de Mission se verra attribué la mission d’aller informer les Nigériens de l’Extérieur des décisions de la Conférence Nationale Souveraine.

Ce Chargé de Mission auprès du Premier Ministre était le Délégué de la Diaspora de France en l’occurrence le Dr Abdoulaye HASSANE DIALLO (votre serviteur), sur lequel s’était porté le choix des Délégués de la Diaspora. Naturellement cette mission devrait revenir à un Nigérien de l’Extérieur mieux indiqué pour expliquer à ses Frères de l’Extérieur dont il était Délégué et porte-parole des 28 délégués de la diaspora.

Une mission qui avait eu un début d’exécution pour m’être rendu effectivement dans certains pays qui sont le Mali, le Burkina-Faso, la Côte d’Ivoire et le Cameroun et naturellement la France où nous nous sommes acquittés de notre mission qui consistait à sensibiliser et informer cette population de leurs droits au Niger et de la création d’un Haut Conseil en son nom.

Une structure apolitique qui serait créée par eux et pour eux. Mais, même si la structure en tant que telle est apolitique les acteurs sont des citoyens et la diaspora est également composée des citoyens qui sont libres de leurs pensées, du choix de leurs sensibilités politiques. Donc en tant que citoyens d’un pays indépendant ils sont libres d’adhérer à la formation politique de leur choix et même d’en créer si la nécessité s’impose. Parce que les Nigériens sont comme tous les citoyens du monde.

Nous avons constaté dans un deuxième temps la création d’un Ministère des Nigériens de l’Extérieur dont SANOUSSI Jackou TAMBARI, fût le titulaire du portefeuille. Et au sein de la Direction des Nigériens de l’Extérieur dont Mr KONATE Ibrahim assumait le titre de Directeur, j’occupais le poste du Directeur de la Gestion des Affaires Générales des Nigériens de l’Extérieur. Là également nous avons eu à effectuer quelques missions avant la suppression du Ministère. Ministère qui sera rattaché à celui des Affaires Etrangères et de la Coopération comme à l’origine.

Dans une troisième étape, il a été créé une Direction des Nigériens de l’Extérieur au Ministère des Affaires Etrangères. En 2004 les délégués de la diaspora s’étaient réunis à Niamey au cours d’un Forum pour la mise en place d’un Haut Conseil des Nigériens de l’Extérieur en vertu de l’acte XXIII de la Conférence Nationale Souveraine.

L’ultime étape

Le Haut Conseil ayant été mis en place , il revient effectivement à nos compatriotes d’accomplir leurs devoirs civiques disons tous leurs devoirs afin de disposer comme nous l’ avions dit à la Conférence Nationale Souveraine d’un quota au Parlement , d’une représentation diplomatique et surtout de quelques fauteuils de Ministres. Pour que soit acceptée cette suggestion , nous avons été amenés à donner des raisons qui ont convaincu les délégués à la Conférence. Nous nous sommes expliqués sur cette question en convaincant notre auditoire de la nécessité que la diaspora puisse avoir un œil à l’Assemblée Nationale, au sein du Gouvernement et au niveau diplomatique.

A l’Assemblée par exemple là où on décide de lois et au niveau du Gouvernement les Nigériens qui y siègeront ou qui seront nommés pourront non seulement défendre la cause de la diaspora mais aussi ils pourront servir de Conseil dans un domaine qu’ils maîtrisent plus que des techniciens.
La diaspora est plus habilitée à donner de points de vue sur son sort et sur le pays. Ainsi, nous aurons deux visions qui vont se compléter au profit de tout le monde, donc de la diaspora et surtout du pays d’origine. lls pourront effectuer des missions pour rencontrer leurs compatriotes, contribuer à des jumelages des Villes, comme nous l’avions suggéré dans nos plaidoiries à la Conférence Nationale Souveraine.

Contribuer à mieux et bien faire connaitre notre pays et à échanger dans un Bulletin de Liaison entre le pays et cette population vivant à l’Extérieur. Cela aussi à travers des Conférences et l’organisation des Foires et d’échanges entre notre pays et l’extérieur pour faire davantage faire connaitre les richesses de notre grand et beau pays. Parce qu’ils ont fait et font beaucoup pour le pays , malgré leur éloignement et certaines tracasseries qu’ils subissent du fait de vivre à l’étranger. IIs n’ont jamais cessé de consentir d’énormes sacrifices. IIs apportent et investissent au pays mais, ils ont besoin d’une légitimité Nationale pour cela. De la considération également.

LA LEGITIMITE

Nous avons eu 24 ans pour organiser les Nigériens de l’Extérieur. Depuis , si nous regardons, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts tant disque nous avons vu défiler combien de régimes, de pouvoirs, militaires et civils pour ne pas dire autant de Transitions ?Nos divers pouvoirs dont les représentants étaient bel et bien à la Conférence Nationale Souveraine, n’ont pas daigné effectué ce travail : celui de recenser la population de la diaspora pour l’amener à participer aux diverses consultations électorales auxquelles l’actuel pouvoir les convie dans les prochains mois si tout va bien. Et la question que nous ne cessions de nous poser est celle qui consiste à se demander

pourquoi durant tout ce temps rien ou presque rien n’a été fait pour faire avancer le dossier ?
Pourquoi c’est le Chef de L’Etat actuel qui prend sur lui toute la responsabilité de mettre en place une décision de plus de 20 ans ? C’est un courage politique qu’il faut lui reconnaitre même si on critique à tort ou à raison le peu de temps qui reste pour recenser et organiser des élections au niveau de la Diaspora. C’est tout de même bizarre que ce soit celui qui a accédé au pouvoir après plusieurs Présidents ?

Personnellement je ne trouve pas de réponse. Mais , quel qu’en soit le motif, la raison ou les raisons des uns et des autres, nous disons bravo et bonne chance à notre Diaspora qui assumera désormais son propre destin. C’est une avancée significative pour nous tous et un pas de plus vers la construction Nationale, le développement et l’édification de notre continent.

Et d’ailleurs, comme dit l’adage « mieux vaut tard que jamais ». Nous remercions la Presse qui nous avait accompagné dans notre folle aventure au cours de la Conférence Nationale Souveraine. Je tiens d’ailleurs à remercier beaucoup de confrères dont Harouna YAYE , rompu aux arcades du métier de journalisme que je salue avec respect ainsi que Amadou Boukary et Boureima ALI et d’autres qui m’avaient interviewé ainsi que mes collègues délégués de la Diaspora aussi bien dans la salle du stade du 29 juillet que sur leurs plateaux de Télévision.

Aujourd’hui encore , nous souhaitons toujours que les médias continuent de soutenir la cause de cette diaspora. Nous gardons encore ces cassettes de nos interventions au cours de cette CNS et qui nous rappellent bien plus que des souvenirs. Avec le recul cela vaut son « PESANT d’OR » La jeune génération pourra s’en inspirer pour écrire l’histoire de son pays, nous l’espérons.

Quant à nous , nous demandons aux uns et autres de considérer que les Nigériens de l’Extérieur sont loin d’être du bétail électoral et comme toujours , ils assumeront avec honneur, courage, dignité et nationalisme les futures fonctions qu’ils auront à exercer et des responsabilités à assumer.

Nous souhaitons également que les opérations de recensement se déroulent correctement dans l’ensemble des pays où se trouvent nos compatriotes afin qu’aucun Nigérien ne soit ni omis ni écarté au profit des petites querelles politiques des chapelles qui ont parfois entaché les consultations électorales. Même s’il est vrai que le Niger a toujours organisé des élections crédibles et justes.

Et même si notre pays n’est pas les Etat-Unis d’Amériques où à l’élection de Georges BUSH fils, il a fallu compter et recompter à la main avant de connaitre qui a battu qui ? Nous devrons éviter des querelles stériles pour donner à ce scrutin toute sa légitimité dans toute sa grandeur. Parce que nous sommes tous concernés. Mieux vaut s’entourer de toutes les précautions parce que ce serait une première au Niger .Nous demandons à tout le monde d’apporter un soutien à cette sage et honorable décision de faire voter nos parents de l’extérieur. Rien de plus noble.

Nous ne cesserons d’interpeller la Majorité et l’opposition afin qu’elles accordent leur violon au profit de l’intérêt national. Et cela pour l’histoire et parce que les pouvoirs se succèdent mais que la Diaspora sera toujours là pendant que le Niger , notre pays ,restera toujours debout au milieu de ses fils et de ses filles.

Dr Abdoulaye HASSANE DIALLO