Les Africains devraient suivre avec une attention particulière ce qui se passe en Grèce

Les Africains devraient suivre avec une attention particulière ce qui se passe en Grèce. Car l’Afrique a été et [est encore] un bon terrain d’expérimentation des politiques d’ajustement structurel (qui changent de nom pour le besoin de la tromperie) que les Grecs rejettent aujourd’hui.

Le référendum grec ne serait-il pas une manœuvre de départ qui ne viserait rien de moins qu’une sortie de l’Euro? Peut-être. Mais honnêtement, je suis très surpris par la réaction de certains de mes frères qui saluent la victoire du « Non » dans ce référendum. Je ne comprends pas pourquoi les gens s’agitent. Certes la démarche mérite d’être saluée. Oui. Le peuple s’est exprimé. Mais sur quoi? Et qu’en est-il vraiment dans les faits?

Les Grecs n’ont pas voté NON contre un système qui fabrique la misère, tout en enrichissant les riches. Ils ont simplement dit « NON » aux propositions des créanciers internationaux d’Athènes lors du référendum. Au fond, ce que les Grecs demandent, c’est non pas la fin du système cannibale qui ronge leur pays, mais bien la réforme des politiques d’austérité. En d’autres termes, on est contre les dérives du diable mais pas le diable lui-même.

Ce qui veut dire que les négociations avec les bandits de la Troïka vont se poursuivre… sur de « nouvelles » bases. Avec ce référendum, le premier ministre grec Alexis Tsipras s’est lavé les mains. Si les choses se corsent demain, ce serait de la faute du peuple qui a dit NON aux mesures d’austérité, mais OUI à la poursuite des négociations. Avec tous les risques que cela comporte. Une chose est sûre en tout cas, la spirale de la misère dans ce pays ne s’arrêtera pas, aussi longtemps que les dirigeants grecs ne prendront pas les grands moyens, comme l’ont fait les Argentins au début des années 2000. En effet, pour tirer leur pays du chaos, ils ont opté pour la manière forte : ils ont rompu avec les institutions financières occidentales ─ qui n’ont d’ « internationales » que le nom ─ comme le FMI et la Banque mondiale, et ont suivi leur propre voie de sortie de crise. Les résultats ont été au-delà des espérances et les mêmes bandits du FMI, qui menaçaient les Argentins au tout début du bras de fer, sont revenus proposer leur service…

Ce qui est valable pour les Argentins l’est aussi pour les Grecs et les Africains qui, malheureusement, ont choisi de privilégier la voie de la facilité (en continuant de négocier avec les metteurs en scène des misères) à celle de la raison et du sacrifice pour se tirer des griffes de voyoucrates des IFI (institutions financières internationales).
Comme j’ai eu à le dire dans un précédent post, ou on choisit de dealer avec le diable ou on s’en éloigne. On ne peut pas vouloir l’argent du diable en prétendant ne plus vouloir du diable lui-même. Signe de temps qui ne trompe pas : le coriace ministre des Finances grec, Yanis Varoufakis, est sur le siège éjectable. Sa démission aurait été jugée opportune par le Premier ministre Tsipras en vue de la conclusion d’un accord avec… la Troïka. Vous avez aimé Buenos-Aires du début des années 2000, vous allez adorer Athènes 2015.

 

Source: Patrick Mbeko

Oeil d’Afrique