L’Alliance pour la Réconciliation, la Démocratie et la République (ARDR) n’aura, finalement, pas tenu longtemps dans sa nouvelle posture de boycott des élections générales de 2016 sous le fallacieux prétexte que la Cour Constitutionnelle (CC), censée valider les résultats, dans sa composition actuelle, ne serait ni impartiale, ni indépendante.
On ne le dira jamais assez, cette décision de l’opposition politique regroupée au sein de l’ARDR, en plus du ridicule qui la couvrait, témoignait de l’absence d’imagination créatrice pour définir une ligne politique cohérente au niveau de cette structure trop marquée par une diabolisation à outrance de l »adversaire en lieu et place d’un débat politique productif et susceptible de faire avancer le pays ! Dans ces mêmes colonnes, nous avions démontré les ressorts profonds qui sous-tendaient la démarche de l’ARDR qui, en réalité, ne voyait plus son avenir dans l’organisation d’élections libres et transparentes en 2016, mais bien dans un raccourci de l’actuel mandat présidentiel en tentant de créer toutes les conditions possibles pour rendre le pays ingouvernable.
Depuis des mois, nous n’avions cessé de percevoir le profond désarroi moral qui s’est emparé des leaders de l’ARDR dont les troupes ne semblaient plus en ordre de bataille, car traversées par des dissensions internes préjudiciables à l’unité et à la cohésion indispensables à toute victoire électorale. Face au rouleau compresseur du régime de la renaissance du Niger auréolé d’un bilan flatteur, il fallait montrer autre chose que ce spectacle désolant qu’offrait une opposition sans âme véritable qui réduisait le débat politique national à de lamentables attaques personnelles gratuites dans lesquelles les Nigériens ne se retrouvaient pas. En même temps qu’elle annonçait son intention de boycotter les futurs scrutins, l’ARDR, paradoxalement, appelait aussi à la formation d’un large front républicain pour soi-disant barrer la route à Issoufou Mahamadou ! Que faudrait-il entendre par-là de la part des gens affirmant qu’ils n’iraient pas aux élections ? Comment un tel front républicain pourrait-il être formé en dehors du cadre électoral qui permet justement des regroupements politiques de ce genre ? A moins d’entendre par cette formule un mouvement insurrectionnel qui sortirait ainsi du cadre légal et démocratique ! Comme on le voit, notre chère ARDR n’est pas à une contradiction près, démocrate la veille, quand cela l’arrange, putschiste le lendemain, le cas échéant ! S’étant alors aperçue de la stupidité de la décision de boycott des élections et du peu d’échos qu’elle a rencontrés au niveau de la communauté internationale, l’ARDR vient d’opérer un revirement spectaculaire la semaine passée en demandant la convocation de la réunion du Conseil National de Dialogue Politique (CNDP). Enormissime surprise quand on sait que depuis plusieurs mois, depuis qu’elle n’avait plus les élections générales de 2016 dans sa ligne de mire, l’ARDR boudait les rencontres périodiques de cette instance de facilitation des rapports politiques entre acteurs politiques ! Seini Oumarou, Mahamane, le parti »Kay na turey » et les autres petits marteaux de l’ARDR genre Ousseini Salatou et Me Souley Oumarou, avaient alors estimé qu’ils n’avaient plus rien à faire au sein du CNDP, rompant ainsi avec une tradition politique qui avait jusque-là bien marché au Niger, car ayant permis de régler, en amont, certaines questions d’importance majeure que le cadre restreint de cet article ne nous permet pas de passer en revue.
Sachez tout simplement que grâce au CNDP, d’avancées majeures avaient été enregistrées dans l’apaisement du climat social, notamment les révisions du Code électoral pour l’adapter aux exigences du moment. Cependant, en dépit de la décision de l’ARDR de snober les rencontres périodiques du CNDP suivant sa nouvelle ligne politique de diabolisation des institutions républicaines, le régime de la Septième République n’aura jamais paniqué ou perdu son sang-froid pour dire que ce n’était plus la peine de continuer à tenir lesdites rencontres au motif que l’ARDR y était absente. Non, toute la classe politique nigérienne ne se réduisait pas à la seule ARDR au point où son refus de siéger au sein du CNDP serait de nature à paralyser le fonctionnement de cette instance ! Autant l’ARDR avait le droit de boycotter le CNDP, autant le reste de la classe politique avait le devoir de continuer à promouvoir le dialogue politique pour l’enracinement de la démocratie au Niger !
C’est ainsi que les autorités de la Septième République, soucieuses avant tout de la préservation de la paix sociale et du dialogue permanent entre acteurs politiques, ont poursuivi normalement leurs travaux au sein du CNDP, notamment l’examen des modifications apportées au fichier électoral existant et la mise en place du fichier électoral biométrique. Finalement, de guerre lasse, s’étant sans doute rendus compte que le Niger pouvait bien avancer sans eux, car nul n’est indispensable s’agissant de la construction d’une nation, les leaders de l’ARDR, la queue entre les pattes, ont fait volte-face et ont décidé de reprendre leur place au sein du CNDP. En effet, à la demande de Seini Oumarou, le président du CNDP, le PM Brigi Rafini, avait convoqué une réunion à son Cabinet, la semaine écoulée. D’après nos sources, tout s’était bien passé à la Primature, les uns et les autres ayant pu trouver un terrain d’entente entre toutes les parties présentes à la réunion, majorité comme opposition. Il faut saluer au passage le retour à la sagesse de l’ARDR qui aurait, finalement, compris que la politique de la chaise vide n’a jamais profité à ses adeptes, car, ne dit-on pas souvent que les absents ont toujours tort ? Avec ce come-back au sein du CNDP de l’ARDR, on peut aisément affirmer que l’opposition politique abandonne son idée de boycott des élections générales de 2016, comme elle en avait l’annonce dans une déclaration rendue publique en janvier dernier. En acceptant de reprendre sa place dans cette instance, l’ARDR se résout à aller aux élections, car au CNDP, l’essentiel des questions qui y sont abordées ont trait aux élections, c’est-à-dire les conditions dans lesquelles celles-ci doivent se dérouler, le fichier électoral, les listes électorales, les cartes d’électeurs la représentativité, à la CENI de toutes les formations politiques agrées au Niger, etc. Or, à quoi cela servirait d’y siéger si l’ARDR persistait et signait dans son refus de prendre part aux futures échéances électorales ? En réalité, la décision de boycotter les élections générales de 2016 n’avait jamais fait l’unanimité au sein de l’ARDR, mais traduisait tout simplement l’angoisse des dirigeants de cette structure devant le dilemme électoral auquel les soumettait le succès éclatant du régime de la renaissance du Niger.
Aussi, il était apparu absurde de la part de l’ARDR d’appeler à la constitution d’un large front républicain pour »barrer la route au Président Issoufou » si cette alliance décidait de ne pas aller aux élections. Dans ces conditions, par quelle manière compterait-elle empêcher la réélection du président sortant ? Comme on le voit, avec une telle démarche, la contradiction de l’ARDR apparaissait aporétique, en termes de dialectique philosophique, c’est-à- dire une difficulté insurmontable qui anéantit toute la logique ontologique sur laquelle repose tout parti politique : conquérir et exercer le pouvoir. Renoncer à ces deux hautes finalités, reviendrait à pervertir la nature et l’essence même des partis. En effet, comme le disposent la plupart des constitutions du monde, les partis politiques concourent à l’expression du suffrage. Par conséquent, les partis politiques devraient être les premiers à exiger l’organisation d’élections. Ce sont les élections qui donnent vie aux partis.
Comme le sang est indispensable à la vie de l’organisme, les élections le sont pour les partis. Les partis politiques grandissent donc par les élections tout comme ils meurent par elles. Malheureusement, l’ARDR, rongée sans doute par le ressentiment comme moteur politique, par son refus de prendre part aux élections, ôte ainsi toute légitimité à son existence en tant que structure politique, pour devenir un simple groupe de pression qui ne chercherait pas à conquérir le pouvoir mais seulement à influencer celui-ci ! Or, les militants de l’ARDR n’ont pas adhéré à cette structure pour cela, mais pour bien être une alternative crédible au régime actuel. Cependant, avec la décision de renouer avec le CNDP, l’ARDR aura finalement compris toute la portée de sa mission qui ne saurait être accomplie que dans un cadre républicain et démocratique !
Zak OPINIONS N° 259 DU 26 MARS 2015