Mohamed Ali, considéré comme l’un des plus grands boxeurs de tous les temps, s’est éteint à l’âge de 74 ans, dans un hôpital de la région de Phoenix, en Arizona, en raison de problèmes respiratoires. L’Américain, qui s’était converti à l’islam, a marqué l’histoire du sport par ses combats épiques, ses multiples titres et ses engagements politiques qui lui ont valu une condamnation.
C’est plus qu’un grand sportif qui s’est éteint dans la nuit du vendredi 3 au samedi 4 juin. C’est une icône du sport qui vient de mourir. Mohamed Ali, multiple champion du monde des poids lourds, s’en est allé à l’âge de 74 ans, avec ses 56 victoires en 61 combats. « Après un combat de 32 ans contre la maladie de Parkinson, Mohamed Ali est décédé », a annoncé son porte-parole, Bob Gunnell.
Boxeur pour corriger un voleur de vélo
Le boxeur est né le 17 janvier 1942 à Louisville, dans le modeste Etat du Kentucky. Il s’appelle alors Cassius Marcellus Clay Junior, des prénoms et noms qu’il abandonnera après sa conversion à l’islam.
A l’âge de 12 ans, le futur Mohamed Ali rencontre Joe Martin, policier et coach de boxe. Le préadolescent fulmine : il vient de se faire voler son vélo et promet une raclée au coupable. Martin suggère alors au gamin de revenir apprendre quelques rudiments de boxe tout d’abord. Ce que le gamin fait. La légende est en marche.
En 1960, à 18 ans seulement, le jeune amateur remporte la médaille d’or aux Jeux olympiques de Rome. Mohamed Ali racontera avoir jeté de rage sa breloque dans la rivière Ohio, quelques semaines plus tard, parce qu’un restaurant réservé aux Blancs avait refusé de le servir. Une histoire jamais vérifiée.
« Aucun Vietnamien ne m’a jamais traité de nègre »
A l’époque, ce sont encore ses exploits sportifs qui font la une des journaux. Passé professionnel chez les poids lourds, Mohamed Ali défie et bat par KO au septième round le champion du monde Sonny Liston, le 25 février 1964. Dans la foulée, celui qui se proclame « le roi du monde » révèle être proche de l’organisation politique et religieuse Nation of Islam. On le voit alors aux côtés des leaders Malcolm X et Elijah Muhammad.
Durant les trois années qui suivent, Mohamed Ali domine sa catégorie. Rien ne l’arrête. Si ce n’est son refus d’effectuer le service militaire. En 1966, il se pose en objecteur de conscience et refuse de prendre part à la guerre au Vietnam, au nom de sa foi et de ses convictions. « Aucun Vietnamien ne m’a jamais traité de nègre », lâche-t-il notamment.
En 1967, il est condamné. Mohamed Ali n’ira pas en prison, mais sa licence de boxeur lui est retirée. Privé de ses titres, il doit attendre 1971 et une décision de la Cour suprême des Etats-Unis pour reprendre totalement le fil de sa carrière.
« Combat du siècle » et rivalité intense avec Frazier
Quelques semaines plus tôt, pourtant, Mohamed Ali est redevenu un pugiliste de premier plan. Le 8 mars 1971, en effet, il défie Joe Frazier, passé maître de la catégorie en son absence. Au Madison Square Garden de New York, Frazier l’emporte aux points, dans ce qu’on surnommera « le combat du siècle ». C’est la première défaite de Mohamed Ali chez les pros.
Pour retrouver les sommets, il se lance alors dans une frénésie de combats qui déboucheront notamment sur une mâchoire brisée face à Ken Norton, en 1973. « The greatest » ayant par la suite pris sa revanche sur Norton et retrouvé son meilleur niveau « Ali-Frazier II » peut avoir lieu. Le 28 janvier 2014, Mohamed Ali s’impose à son tour aux points.
La rivalité entre les deux hommes atteint alors des sommets. Ali, adepte, des bons mots et du « trash talking » (« langage ordurier », ndlr), n’hésite jamais à égratigner Joe Frazier. Les deux en viennent même aux mains, lors d’une émission de télévision. Un troisième combat tournera à l’avantage d’Ali, en octobre 1975.
« Lutte dans la jungle » à Kinshasa
Ils ne sont pourtant plus les seuls au sommet. George Foreman a battu Joe Frazier début 1973. Ce colosse est le nouveau défi de Mohamed Ali. Flairant le bon filon, le promoteur Don King et le chef de l’Etat zaïrois, Mobutu, organisent un combat à Kinshasa. C’est le fameux « rumble in the jungle » (« lutte dans la jungle », ndlr) qui a donné lieu au documentaire When We Were Kings, primé aux Oscars de 1996.
L’événement devient planétaire. Mobutu s’offre un sacré coup de publicité en faisant également venir des artistes comme James Brown, BB King, Manu Dibango, Celia Cruz ou Miriam Makeba, lors d’un festival musical.
Côté ring, inférieur en termes de puissance, Mohamed Ali mise sur la faible endurance de Foreman pour s’imposer. Pendant plusieurs jours, Ali s’entraîne en courant dans les rues de Kinshasa, gagnant un peu plus l’amour des Zaïrois. Ces derniers chantent parfois « Ali boma yé », « Ali, tue-le », en lingala.
Le 30 octobre 1974, Mohamed Ali fait le dos rond sur le ring installé au Stade Tata-Raphaël de Kinshasa. Souvent, acculé dans les cordes, il encaisse une pluie de coups et ripostes par des enchaînements qui minent progressivement son adversaire. Il attend patiemment que George Foreman s’essouffle. Celui-ci s’écroule au huitième round. Ali est au sommet.
Affaibli par Parkinson
Durant les trois années suivantes, Mohamed Ali maintient son règne. Sa fin de carrière connaît quelques couacs. Mais rien de comparable avec le drame qui l’attend. En 1984, on lui diagnostique Parkinson, une maladie dégénérative qui résulte de la mort lente et progressive de neurones du cerveau. Progressivement, celui qui brillait sans égal par son agilité, perd le contrôle de ses gestes.
« The greatest » se retire progressivement de la scène. Ses apparitions sont rares mais elles restent marquantes. En 1991, il se rend en Irak pour convaincre Saddam Hussein de relâcher des otages américains. En 1996, il allume la vasque olympique pour les Jeux d’Atlanta, une ville à la très forte communauté afro-américaine. Quelques jours plus tard, à la mi-temps de la finale du match de basket entre les Etats-Unis et la Yougoslavie, Mohamed Ali reçoit une médaille d’or en remplacement de celle, disparue en 1960. L’ex-boxeur l’embrasse délicatement. Les basketteurs américains viennent l’enlacer avec affection et respect. L’Amérique acclame alors celui qu’elle a longtemps adoré détester. Et inversement…
RFI.fr