Le syndicat autonome des magistrats du Niger (Saman) a publié, le week-end dernier, une déclaration pour dénoncer l’immixtion de certaines personnalités dans le fonctionnement de la justice. Le Saman est dans son bon droit quand il s’agit de défendre ses militants. C’est cela la vocation d’un syndicat. Mais ce que certains reprochent à ce syndicat, c’est qu’il monte immédiatement au créneau lorsque des personnalités proches du régime en place dénoncent des travers de certains juges et reste silencieux quand il s’agit d’autres personnes. Il en est des critiques de Hama Amadou sur lesquelles on n’a pas entendu le Saman ou des attaques grossières contre la Cour constitutionnelle, la plus haute juridiction du pays, et ses animateurs par l’opposition. Il y a une sorte de vision manichéenne dans la démarche de ce syndicat.
On se rappelle que le syndicat avait, il y a quelques mois, annoncé que le ministre de l’Intérieur Massoudou Hassoumi sera poursuivi et condamné pour avoir critiqué certains juges comme si lorsqu’on est poursuivi on doit être forcément condamné. Dans sa déclaration, le syndicat a profité pour dénoncer la ligne verte qu’il perçoit comme un instrument visant à faire chanter les juges alors qu’elle a été mise en place, avec la participation des magistrats, pour contribuer à moraliser le secteur de la justice.
Le plus surprenant, ce sont les propos déplacés que le syndicat a utilisés en parlant de certains responsables de l’Etat. Il parle du ministre d’Etat à la Présidence de la République Bazoum Mohamed comme d’un « apprenti sorcier », un « ministre d’Etat sans contenu » ou du gouverneur de la région de Zinder comme d’un « repris de justice », de « complicité tacite du président (NDLR : Président de la République »), d’hommes politiques parvenus au pouvoir « par le hasard de l’histoire »…
Or si ces responsables sont à leurs postes aujourd’hui, c’est par la volonté du président de la République qui est, lui-même, l’émanation de la volonté du peuple nigérien. Il n’y a donc pas de « hasard de l’histoire » dans ce cas, car le choix du peuple n’est pas un hasard de l’histoire. Ne pas l’accepter comme tel c’est ne pas accepter le choix du peuple.
Ce sont là des propos « indécents », pour reprendre une expression du syndicat, qui sont loin de ressembler au Saman, qui doit plutôt faire preuve de retenue et de mesure pour ne pas prêter le flanc à ceux qui doutent de son indépendance. De même, il y a lieu pour le syndicat d’être réactif sur les propos des acteurs politiques de la majorité comme de l’opposition ou de la société civile toutes tendances confondues concernant ses militants sans parti pris. Le syndicat doit travailler à sensibiliser ses militants sur les comportements qui portent atteinte à l’éthique et à la déontologie de la magistrature et se convaincre que l’indépendance du juge c’est y compris vis-à-vis de soi-même, de sa famille et non pas seulement vis-à-vis de l’autorité politique.
Sanda O. ( Le Républicain N°2055 )