Mohamed Bazoum : La face cachée

« Le pouvoir rend fou, et le pouvoir absolu rend absolument fou », disait John Emmerich Dalberg, historien britannique. Une phrase qui pouvait expliquer dans une certaine mesure, l’attitude de l’ancien président Mohamed Bazoum. Grand rhétoriqueur, philosophe de formation, Bazoum est bien connu du public nigérien pour son talent oratoire qui plus que toute autre vertu, a été son principal capital politique. Mais l’usage abusif de cette aisance oratoire ne va pas sans conséquence. À telle enseigne qu’un grand connaisseur du microcosme politique nigérien a dit de lui : « avec Bazoum au pouvoir, ne craignez pas la tyrannie, mais craignez les escapades verbales ».

Le faux démocrate

Avant d’être au pouvoir, l’homme était en effet connu pour ses écarts de langage. On ne pouvait pas se frotter à lui sans en recueillir une flopée d’insultes les plus insupportables. Tout au long de son parcours à l’opposition, beaucoup de responsables politiques en ont fait les frais. Le vieux Bagalam, un notable de la Cour du sultan de Maradi et militant du parti PNDS-Tarayya, qui pouvait avoir l’âge de son père en a aussi fait les frais. A la fédération PNDS de Dosso, c’est encore Bazoum qui sera à la pointe pour détruire Sabo Saidou, un membre notoire du parti rose. Sans Etat d’âme, il connaîtra sa déchéance du parti des mains de Bazoum, le bulldozer. Cette aisance oratoire est en fait une arme pour la destruction. Si bien qu’au sein du parti, Bazoum va arracher sa liberté de ton, il va s’émanciper de toutes considérations pour se donner toutes les libertés pour humilier et outrager. Quitte au Président du parti Issoufou Mahamadou de jouer tout le temps à la réconciliation et à l’apaisement. Si Bazoum passe dans son élan destructeur, la diplomatie d’Issoufou Mahamadou doit passer pour placer les pansements.

Les magistrats du SAMAN en savent quelque chose. Ils ont aussi essuyé la rhétorique destructrice de Bazoum. Tel un enfant gâté du PNDS, il n’a d’égard pour personne. S’il casse, le patron du parti doit reconstruire. Et cette liberté de ton va aussi se tourner contre le père spirituel. Au lendemain de l’élection d’Issoufou Mahamadou à la présidence de la République aux élections de 2011, la première scène politique, c’est une envolée verbale de Bazoum contre Issoufou Mahamadou qui a choisi Brigi Rafini pour être Premier ministre. Bazoum ne ménagera pas sa colère contre le président nouvellement élu. Et pendant longtemps, il aura une attitude de rejet à l’endroit du Premier ministre Brigi Rafini. On ne peut pas avoir été un bon démocrate et avoir l’intolérance que Bazoum a eu avec tous ceux qui avaient contrarié son plan. Et c’est cette contradiction poussée à l’extrême qui a débouché sur son impertinence avec sa garde présidentielle qu’il avait pris l’habitude d’arroser copieusement d’insultes grossières jusqu’au jour fatidique du 26 juillet 2023. Là encore, l’enfant gâté du PNDS a voulu que la diplomatie de Issoufou passe pour arranger la casse. Mais sur le coup, ça n’a pas marché.

Le faux amour

Il y avait une vidéo de Bazoum qui avait beaucoup circulé pendant la période de sa campagne électorale. Comme un derviche tourneur, il sautillait et virevoltait en l’air en criant que « personne n’aime le Niger mieux que lui, personne ». Une vidéo aux allures d’une vraie transe ou d’une ivresse. Tout de blanc vêtu, il jurait que personne, personne n’aime le Niger mieux que lui Mohamed Bazoum. Pourtant, au lendemain du 26 juillet 2023, il avait voulu que le président Issoufou, le PNDS Tarayya et tous les partis alliés viennent s’immoler sur le goudron pour demander son rétablissement dans ses fonctions. Il a voulu que tout le Niger se sacrifie pour lui. Et le refus du PNDS, le refus d’Issoufou Mahamadou d’accepter de se sacrifier pour l’enfant gâté Bazoum va se retourner vers la France qui doit venir le sortir des griffes de Tiani. Pour cela, un plan d’attaque miliaire sera peaufiné entre Bazoum, la France et la CEDEAO. Mohamed Bazoum qui avait encore l’usage de ses téléphones avait lancé la demande au Président français Emmanuel Macron. Personne n’aime le Niger mieux que lui et voilà que Bazoum met en balance son pouvoir contre la stabilité du Niger. Et même lorsque la menace militaire a échoué, Bazoum et son groupe de soutien ont, à travers les sanctions de la CEDEAO, misé sur la famine et l’effondrement du Niger pour revenir au pouvoir.

Le faux intègre

Il voulait consacrer son mandat à lutter contre la corruption, il annonce un bon paquet de dossiers et de responsables politiques en prison dans le cadre de la lutte contre la corruption. Mais là aussi, c’est de la poudre aux yeux, de la ruse et du leurre pour détourner l’attention. Même s’il n’est pas dans le crime organisé, il faut dire que Bazoum a un rapport très particulier avec l’argent. La chute de son pouvoir va mettre à nue la supercherie. L’opinion découvre médusée que tout le business du pétrole était sous le contrôle des membres de sa famille et les parents de sa femme. La ruse a bien joué, il a jeté en pâture quelques pauvres hères sur la place des débats d’une société civile complice pour mettre à l’abri l’entreprise de prédation familiale.

Mohamed Bazoum, c’est toute cette face cachée, ce jeu de la simulation pour cacher les côtés sombres de l’homme politique.

 Ibrahim Elhadj dit Hima