C’est connu de tous, le plus grand ennemi de la révolution, c’est la confusion. Il n’y a point de révolution qui n’a pas été confrontée au risque de la confusion. Confusion dans sa mission, confusion au sein des acteurs qui sont entrain de la conduire. Le Mali, le Burkina Faso et le Niger ne font pas exception à cette tragique règle.
Depuis les évènements du 26 juillet 2023 avec le putsch contre le régime de Bazoum Mohamed, le mot d’ordre dans tous les discours, c’est la révolution. Et les acteurs politiques reconvertis acteurs de la société civile, organisés en soutiens aux autorités militaires du CNSP, organe militaire à la tête de la transition, multiplient les appels en direction des responsables militaires, sollicités pour rester au pouvoir le plus longtemps possible.
Cela en dépit du discours-programme des responsables de la transition. Le prétexte à cette option est tout trouvé, c’est la refondation. Au Niger comme dans les autres pays de l’Alliance des Etats du Sahel (AES), la refondation est le mot à la mode, c’est l’équivalent de la révolution. La transition doit faire un travail de grosses réformes des institutions de la République, elle a besoin du temps, prétextent les activistes qui appellent les militaires à prendre tout le temps qu’il leur faut.
Des positions qui sont en porte à faux avec les orientations des responsables militaires de la transition. Au Niger, à différentes occasions, le Chef de l’État, le Général Abdourahamane Tiani a fixé le cap de la transition. Il a donné le contenu de la mission de la transition: mettre de l’odre dans les organes de l’État, conduire des réformes nécessaires avant de passer la main à travers des élections de sortie de la transition qui ne doit pas aller au delà de trois ans. Pourtant, à la marge de cette vision des autorités de la transition, les activistes vont se mettre en branle, insufflant des éléments de confusion pour brouiller le jeu.
Ils vont tenter de corrompre moralement les responsables militaires de la transition. Cela en les inondant des louanges : « les militaires sont plus compétents et plus intègres que les civiles », « les militaires sont plus vertueux », « ils aiment le pays plus que les civiles », « les réformes à mener sont des grandes réformes qui requièrent beaucoup de temps », etc.
Ce sont là autant de compliments et d’éloges tenus par les activistes pour amadouer les militaires. Le jeu perfide est de créer une confusion dans la mission, de perturber les orientations de la transition et de la dévier de ses objectifs. Ce parasitage de la transition est en cours au Niger, mais aussi au Mali où il a déjà coûté le poste au Premier ministre Choguel Maïga. Les manipulateurs avaient réussi à dresser les autorités militaires contre lui.
Au Burkina Faso, le jeune capitaine travaille à consolider son pouvoir qui, chaque jour, enregistre des menaces venant des réseaux de Paul Henri Damiba, établis entre Lomé et Abidjan. Mais la menace de la confusion est toujours en embuscade.
Au Niger le jeu de la confusion qui pourrait brouiller l’agenda de la transition est surtout l’œuvre de deux categories d’acteurs.
Les damnés de la démocratie
On peut ranger sous cette rubrique, les acteurs politiques qui n’ont jamais eu les faveurs des électeurs. Des dirigeants des partis politiques qui ont presque été humiliés par les élections et qui ont là, l’occasion inespérée de prendre leur revanche ou de faire un pied de nez à la démocratie. Le leader du parti des panafricanistes, Abderrahmane Oumarou, constitue une affiche de premier choix dans ce sens. Avec ses 0.43% aux dernières élections présidentielles de 2021, il ne peut rien attendre d’un processus électoral démocratique.
Si depuis cette débâcle, il s’est résolument converti comme révolutionnaire panafricaniste, c’est pour surfer sur les idées des panafricanistes Kemi Seba, Nathalie Yamb ou encore Franklin Niyamsi qui lui redonnent une seconde vie politique : une révolution panafricaniste qui rejette coup sur coup ce qu’ils appellent les deux formes de l’impérialisme occidental et arabe.
La démocratie est rejetée comme une valeur imposée par le colonisateur mais aussi les religions chrétiennes et musulmanes qui sont des apports de l’occident et de la civilisation arabe. Récemment, au cours d’une manifestation organisée à l’appel d’une synergie des organisations de la société civile, Abdourahamane Oumarou a exprimé tout son rejet de la démocratie en appelant les autorités militaires à rester au pouvoir. Alors qu’il n’a développé aucune doctrine politique ou idéologique, les positions exprimées par Abdourahamane ne peuvent pas encore être rangées dans les grands classiques de la révolution, mais plutôt dans la confusion de la révolution.
Il n’y a pas encore longtemps, il a été rejoint par l’ancien candidat aux présidentielles, le président de l’ORDN Tarmamouwa, lui aussi un autre frustré des élections qui s’est rabattu dans la société civile.
Les orphelins de la politique
La deuxième catégorie d’acteurs dans le brouillage de la transition ou de la révolution portée par la transition est majoritairement constituée des militants cadres du parti Lumana. Tant que l’autorité Morale était encore sur le terrain politique, ils pouvaient espérer jouer un rôle de premier plan sur la scène politique. Classé invariablement parmi les trois grandes formations politiques du paysage politique national, le Moden Lumana avait fondé de grandes espérances après le putsch du 26 juillet 2023. Au terme d’une transition la plus courte, le parti avait toutes chances d’enlever le pouvoir à travers des élections. Mais la disparition subite de Hama Amadou a créé un très grand bouleversement du casting.
Les militants sont devenus moins optimistes, voire défaitistes dans la perspective des élections. La perte de leur candidat les a plongés dans une forme d’orphelinat politique sans aucune perspective de victoire électorale. Les Bana Ibrahim, Maikoul Zodi n’ont plus aucune autre alternative que de jouer aux prolongations de la transition. Ils soutiennent les autorités de la transition mais ne soutiennent pas le programme de la transition. Là aussi, on est en plein dans la confusion de la révolution.
Aujourd’hui, la plus grande menace qui plane sur les processus au Mali, au Burkina ou au Niger reste la même : la confusion. Le succès des révolutions en cours dépendra de la fermeté et de la vigilance des autorités militaires à lutter contre cette menace de parasitage des transitions.
Ibrahim Elhadji dit Hima