C’est un accueil sobre, sans grand faste qui a été réservé à Hama Amadou, l’autorité Morale du parti politique Moden Fa Lumana, à son arrivée à Niamey, après un long séjour lacunaire dans les pays côtiers, notamment au Bénin où il compte beaucoup de soutiens.
L’information est en effet tombée le lundi 16 septembre dernier, en fin de journée. Les circonstances politiques avec la transition militaire qui a mis les partis politiques en veilleuse ne permettaient pas au patron de Lumana d’avoir un accueil éblouissant de la part de ses militants et sympathisants.
Mais il faut aussi dire que l’ancien président de l’Assemblée nationale et ancien Premier ministre ne voulait pas non plus attirer l’attention des autorités militaires sur lui.
Aussi, est-il convenu qu’il entre sans faire de bruits. D’ailleurs, le contexte même de ce retour à été marqué par des informations des plus contradictoires. Dans un premier temps, les premières informations tombées sur les réseaux sociaux faisaient plutôt cas de l’évacuation de l’ancien Président de l’Assemblée nationale du Niger sur la Turquie où il doit recevoir des soins de santé.
Une société des médias va aussi publier en primeur, sur son site, « Hama Amadou, ancien président de l’Assemblée nationale du Niger vient d’être évacué en Turquie ». En fin de cette même journée du lundi 16 septembre dernier, un proche de Hama Amadou va publier sur sa page ce qui semble être une information de première main : « contrairement à certaines allégations, Hama Amadou a atterri à l’aéroport de Niamey en fin d’après-midi, il est présentement à son domicile ». Mais l’information ne dit rien sur son état de santé, on garde le flou sur cet aspect, car ça peut servir…
Confusion orchestrée ou involontaire ?
Organisée de façon délibérée ou bien résultat d’une absence d’information véritable, cette confusion autour de Hama Amadou n’est pas si mauvaise que cela peut paraitre. Elle peut avoir aussi un bon côté. Elle a joué sur la compassion de la population et aussi dans une large mesure, sur des considérations sanitaires pour toucher à la sensibilité de l’autorité militaire au pouvoir quant au sort de l’ancien Premier ministre. Et du coup, quel juge ou quelle autorité de la transition dans ce contexte pourrait s’intéresser à lui sans paraître quelque peu cruel ou insensible ?
En effet, l’autorité morale du Moden Fa Lumana avait eu, par le passé, des soucis sanitaires et c’est pour des raisons de soins de santé qu’il a reçu une évacuation en France pour y recevoir des soins intensifs. Un séjour sanitaire qui allait se transformer en exil politique parce que Hama Amadou n’est plus jamais rentré au pays et a attendu le coup d’État du 26 juillet 2023 pour revenir.
Même si après un court moment à Niamey, c’est dans la plus totale discrétion qu’il va reprendre le chemin de l’extérieur, mais cette fois pour installer son QG juste de l’autre côté de la frontière du Niger, au Bénin.
Au plus fort de la tension entre le Niger et le Bénin, plusieurs voix se demandaient s’il ne va pas quitter le Bénin pour rentrer au pays, compte tenu de la situation d’animosité qui prévalait entre les deux pays. Il n’en a rien été, Hama a poursuivi son séjour.
Les mauvaises langues ont même dit qu’il conseillait le président béninois Patrice Talon avec qui il entretient des liens d’amitié notoires. C’est pour dire que pour son retour des aventures lacunaires, le patron de Lumana a toutes les raisons de mettre beaucoup de discrétion. Il doit surtout éviter de croiser les regards des autorités militaires du CNSP au vue des incartades posées par le Président béninois qui est parti jusqu’à procéder à l’arrestation et à la séquestration dans les prisons béninoises, des membres d’une délégation de hauts cadres de l’administration nigérienne.
Une posture comme celle-là qu’a eu Hama Amadou en pleine période de belligérance avec le Niger ne peut pas passer sans poser des questions. Des questions embarrassantes que Hama Amadou voudrait bien éviter en rentrant au pays sous les compassions sanitaires de la population.
Les équipes ont joué
Si son arrivée a été entourée d’une totale discrétion, il reste toutefois que le comité d’organisation a fait le boulot. Les équipes ont préparé des publications qui ont pavoisé tout son passage, des gros tapages médiatiques à grands renforts de fake news comme il les aime. De gros titrages sur des soi-disant « affaires de malversations financières » concernant des adversaires politiques mais qui, en réalité, n’ont aucun début de sources.
Des histoires qui ne relèvent d’aucun dossier judiciaire, aucune investigation de police, aucun audit. Bref, des « affaires » tirées par les cheveux et qui ont tout juste le mérite de brouiller les choses, d’entretenir un halo de suspicion sur des adversaires traditionnels, particulièrement l’ancien président de la République, Issoufou Mahamadou, considéré comme la bête noire de Lumana, le monstre hideux à abattre par tous les moyens.
Cela fait des années que Hama Amadou tente de l’écarter du paysage politique depuis l’époque du MNSD, mais en vain. Le PNDS-Tarayya a continué son ascension jusqu’aux victoires électorales de 2011 et 2016 pour les deux mandats d’Issoufou Mahamadou et 2021 pour le passage du témoin à Bazoum Mohamed, candidat du même parti politique que Issoufou Mahamadou.
Mais la crise profonde entre les deux personnalités, Issoufou et Hama, remonterait à la fameuse affaire des « coquilles vides ». Quand le parti Lumana a quitté la majorité au pouvoir au motif que le gouvernement du PNDS ne lui accordait que des ministères « coquilles vides », selon les termes même des dirigeants de ce parti, c’est-à-dire, des ministères où il n’y a pas opportunité d’affaires.
Dans le cas d’espèce, les coquilles vides font plutôt allusion au ministère de la santé publique qu’un proche de Hama Amadou a perdu. C’est quelque temps après la révélation d’un grave scandale intervenu au sein de ce ministère avec un faux marché public que le gouvernement a entrepris un réaménagement ministériel au terme duquel un membre éminent du Moden Lumana a été débarqué du ministère de la santé publique.
Depuis, les équipes Lumana travaillent à chercher la revanche. Le Lumana tente ainsi de réussir une prouesse inédite: faire passer Issoufou Mahamadou en dépit de tous ces succès salués au plan national comme à l’international pour un piètre politicien qui a échoué partout. Et dans le même temps, présenter Hama Amadou comme un champion du développement du Niger. Comment faire? La question reste posée.
Les deux mandats d’Issoufou Mahamadou à la tête du pays sont jalonnés des grands ouvrages, des réalisations d’infrastructures importantes, des équipements dans l’ensemble des régions du Niger, la relance de la production économique qui prend forme, etc. Un bilan élogieux qui a valu à Issoufou une reconnaissance mondiale et au plan de la gouvernance le prix Mo Ibrahim. Et l’ancien président de la République du Niger est sollicité de partout sur la scène internationale.
De l’autre côté, sur ses deux mandats, le gouvernement du MNSD de Hama Amadou peut se targuer d’avoir réalisé deux ouvrages majeurs, le goudron de Dan fulani sur fonds propres et le programme de 100 classes, 100 cases de santé sur financement PPTE (pays pauvres très endetté), une initiative de la banque mondiale.
Quid alors du budget national ? A quoi a-t-il servi durant les dix années de la gouvernance MNSD ? La question est d’autant plus aiguë que sous la transition du Général Salou Djibo, plusieurs voix ont appelé à l’audit du Trésor national. Toute la bataille médiatique des équipes Lumana vise à inverser ce rapport. Avec quelle chance de succès, avec quelle magie ? On attend de voir. Déjà dans ce mano à mano, l’autre adversaire d’Issoufou Mahamadou a déjà jeté l’éponge. Mahamane Ousmane fait profil bas. Lui n’a fait que quelques deux ans au pouvoir avant d’être renversé. Depuis, Mahamane Ousmane tente désespérément de se défaire de cette désastreuse campagne qui le tourne en dérision, menée par un acteur public qui a mis une cagnotte citoyenne à celui qui citera une seule réalisation faite par Mahamane Ousmane sur l’ensemble du territoire national.
Ibrahim Elhadji dit Hima