Le gouvernement béninois a décidé de lever, temporairement, le blocus imposé à l’exportation du pétrole nigérien via le port de Sémè au Bénin, annoncé le 8 mai 2024 par le président Patrice Talon dans une déclaration. Ce début d’exportation du brut nigérien place désormais le Niger dans le cercle des pays africains producteurs de l’or noir.
La levée de l’interdiction d’embarquer du pétrole nigérien intervient après une séance de travail entre le gouvernement béninois et une délégation chinoise. Face à la presse, le ministre béninois de l’Energie a annoncé que « le Bénin autorise de façon ponctuelle et provisoire le chargement du premier navire dans ses eaux ». Cette autorisation d’embarquer « ne suffit pas pour lancer l’exploitation normale » du pétrole brut nigérien, a-t-il souligné.
Quelques jours plutôt, l’exportation du brut nigérien via le port de Sémè, situé entre les villes béninoises de Cotonou et Porto-Novo a fait l’objet d’un bras de fer entre les deux pays. Lequel faisait suite à la déclaration du président du Bénin, Patrice Talon, d’interdire l’embarquement du pétrole du Niger. Une décision en réaction au maintien de la fermeture de la frontière terrestre, côté nigérien, entre les deux pays. En réaction à la déclaration du président béninois, le Premier ministre du Niger, Ali Mahamane Lamine Zeine, a justifié cette fermeture de frontière « pour des raisons de sécurité ».
Pour rappel, en application de la décision prise par la réunion des chefs d’Etat et de gouvernement de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), suite aux évènements du 26 juillet 2023, intervenus au Niger, le Bénin a fermé ses frontières avec le Niger. Malgré la levée de cette interdiction, le Niger a maintenu sa frontière terrestre fermée avec le Bénin. « Nous avons souverainement décidé de garder notre frontière fermée avec le Bénin », a dit le Premier ministre Ali Mahamane Lamine Zeine dans un point de presse. Car, a-t-il poursuivi, « sur le territoire du Bénin, il y a des bases françaises » et « sur certaines d’entre elles, on entraîne des terroristes qui doivent venir déstabiliser notre pays», a-t-il expliqué.
Le Niger s’est en effet lancé dans la reconquête de sa souveraineté nationale, laquelle s’est traduite par la demande du départ des forces étrangères de son territoire, notamment les français et les américains. Le maintien de la fermeture de la frontière terrestre avec le Bénin intervient dans ce sens. Sauf que cette décision des autorités nigériennes a été mal perçue par la partie béninoise qui semble saisir l’opportunité de l’exploitation du pétrole but nigérien ce, malgré les accords signés entre les deux parties.
Pour encadrer l’exportation du pétrole du Niger via le Bénin, une dizaine d’accords, dont un accord bilatéral entre la République du Niger et le Bénin, un autre accord bilatéral entre la République du Bénin et la Chine et même un accord tripartite ont été signés. En avril dernier, la CNPC, en charge de la construction et de l’exploitation du pipeline d’export Bénin-Niger et les autorités nigériennes avaient signé un accord pour la commercialisation de l’or noir.« Mais tous ces accords ont été violés par les autorités béninoises », a dénoncé le Premier ministre du Niger dans une conférence de presse animée le samedi 11 mai 2024.
La médiation chinoise
Face au durcissement de ton entre Niamey et Cotonou, la Chine, qui exploite le pétrole nigérien depuis 2011, a initié une médiation. C’est ainsi qu’une « délégation chinoise a eu une séance de travail avec le gouvernement béninois ». La même délégation se serait rendue à Niamey pour trouver « une issue à ce bras de fer entre le Bénin et le Niger », rapporte DW.
Selon RFI, Patrice Talon a reçu en audience, le mercredi 15 mai à Cotonou, « le directeur général de la société chinoise CNPC, accompagné de quelques collaborateurs ».
La médiation chinoise a vraisemblablement porté ses fruits puisque la levée de l’interdiction d’embarquer le pétrole nigérien aurait été obtenue « après une séance de travail entre le gouvernement béninois et une délégation chinoise », apprend-on. En fait, l’exportation du pétrole ne profitera pas seulement qu’au Niger. Elle profitera aussi au Bénin qui percevra des droits de transit et des recettes fiscales par quantité de pétrole exporté mais aussi à la Chine qui a investi pour les activités d’exploitation et la construction du pipeline Niger-Bénin.
Défi de transparence
Avec la levée, « provisoire », de l’interdiction d’exporter le pétrole nigérien via la station terminale de Sémè, le Niger devient pays exportateur du pétrole. Le pipeline Niger-Bénin, long de 2000 km, dont 675 sur le territoire béninois, devait produire environ 90 000 barils de pétrole par jour et créer plus de 2000 emplois. Ce qui aura une valeur ajoutée pour l’économie nigérienne.
Il reste cependant à relever le défi de la transparence dans l’exportation de l’or noir pour lequel le Niger a débuté par « une expérience unique » à travers l’activité de raffinage.
Almoustapha Aboubacar