Le weekend-end dernier, le représentant de la société civile à la Commission nationale des droits humains (CNDH) a été désigné. C’est Insa Garba qui a été élu à l’issue d’un processus qui donne à redire à plus d’un acteur de la société civile. A travers cet entretien, Inoussa Saouna Président de SOS-Tabagisme Niger décrypte ce processus.
Niger Inter : Le processus de désignation du représentant de la société civile à la CNDH a suscité polémique et convoitise. En tant qu’acteur de la société civile quelle analyse vous inspire cette actualité ?
Inoussa Saouna : Merci pour cette opportunité de me prononcer sur cette question d’actualité. Effectivement le Samedi 5 juin, le ministère de la justice et celui de l’intérieur ont organisé les élections pour désigner le représentant de la société civile à la CNDH. J’ai été personnellement sur les lieux pour la première fois. Ce que j’ai vu dépasse l’entendement. Ça dépasse tout ce que vous avez vu comme commentaire ou vidéo diffusés. En réalité la société civile nigérienne a été récupérée par un groupuscule d’individus qui n’ont rien avoir avec cette communauté et qui s’en serve allégrement pour placer telle ou telle personne au sein des institutions de la République.
Ils se présentent comme des individus ayant le monopole des organisations et dans tous les domaines de la vie possible dans le seul but de servir d’électorat. Des associations, ONGs et collectifs créés par ses marchands d’illusions à cette seule fin. Imaginez, s’il vous plait, un seul acteur de la société qui est président de dix-neuf (19 ) organisations dont il est seul président ! Un autre a treize organisations ainsi de suite.
Ces personnages nantis avec des organisations fantoches se coalisent et deviennent les faiseurs de rois. Aucune personne, aucune organisation quelle que soit votre expertise et connaissance de la thématique ne peut être désignée sans passer par ses monopoles qui travaillent ouvertement. Parmi ces ‘’magnats’’ de la société civile nigérienne on y trouve même des fonctionnaires de l’Etat.
C’est vraiment une honte. Et les plus grands complices de cette mafia sont des agents du ministère de l’intérieur qui collaborent dans la création de ces organisations satellites sans même respecter la procédure. De mon point de vue, le gouvernement doit s’intéresser à cette question. Si la constitution a permis un espace de représentation de la société civile dans les institutions de la République ce n’est pas une blague. Laisser dans les mains de ses gourous sans activités qui se placent les uns aux autres dans ces institutions juste pour assurer leur survie et faire retour de l’ascenseur aux autres n’est pas acceptable.
SE Monsieur le Président de République Mohamed Bazoum va rencontrer la société civile ce lundi, c’est l’occasion de lui en parler et je connais l’homme il va sans détour demander de rectifier cette situation qui fragilise les institutions au lieu de les renforcer. On le sait, il a déjà une bonne vision pour la société civile. Nous nous devons de l’accompagner pour assainir ce milieu devenu un nid de toute forme d’abus et d’escroquerie.
Ce qui s’est passé ce week-end n’est pas loin des joutes entre partis politiques, c’est quoi en fait l’enjeu de la désignation d’un membre de la société civile à la CNDH ?
Inoussa Saouna : A mon avis, ce qui s’est passé ce weekend dépasse l’entendement et c’est pire que les joutes entre partis politiques.
A ma connaissance il n’y a pas un leader qui a 5 à 10 partis politiques. Mais ici il y a des gens qui ont une dizaine d’organisations. Et Pire ses organisations ne font aucune activité c’est juste pour voter à cette occasion et placer des copains. Et dans cette dynamique il y a une solidarité pour le partage des postes entre les différents détenteurs du monopole. C’est vraiment incroyable ce qui se passe.
L’enjeux selon ce que j’ai compris, il y a des revenus pécuniaires comme salaire, avantages et autres frais de mission dans cette représentation. C’est l’alpha et l’Omega de cette agitation. La question de défense des droits humains ne constitue aucun enjeu. Je précise au passage qu’il existe des candidats porteurs de valeur mais qui n’ont aucune chance face autres quidams qui ont le soutien de la mafia.
Certains candidats n’ont pas accepté les résultats des urnes, quelle leçon avez-vous tirée à l’issue de ce processus ?
Inoussa Saouna : Il semble qu’il y a des candidats qui contestent les résultats. J’ai constaté que les contestations ont commencé avant le vote. Selon les informations, après le dépouillement il a été trouvé dans l’urne 212 bulletins alors que sur les listes d’émargements les représentants des candidats ont coché entre 187, 183 et 181 voilà la première confusion.
Mais avant même le scrutin, les organisateurs avec la complicité d’un candidat ont élagué de la liste électorale toutes les organisations qui peuvent leur être hostile. Plusieurs associations de défense de droits de l’homme comme par exemple Alternative Espace Citoyens ou le MPCR ont été enlevées de la liste électorale au profit de ses organisations fantoches qui n’ont même comme objet statutaire la défense des droits de l’homme. Il faut rappeler que pour la CNDH cette élection concerne uniquement les organisations ayant un objet pour la défense des droits humains ou de la promotion de la démocratie. Mais dans la pratique c’est du fourre-tout. On a laissé voter toute sorte d’organisations, l’essentiel est d’être sur cette liste taillée sur mesure. Je pense en procédant ainsi on ne rend pas service à notre démocratie et on bafoue la question de représentation qui est le résultat de lutte acharnée de la société civile. Avec cette nouvelle génération d’acteurs, la société civile nigérienne se décrédite complètement.
Je souhaite de tout mon vœux la création d’un mécanisme pour assainir la société civile nigérienne qui a un grand rôle dans la défense et la promotion de notre jeune démocratie. La rencontre avec la Président de la République est une grande opportunité pour amorcer cette réflexion.
Propos recueillis par Elh. M. Souleymane