Remaniement ministériel : Entre ajournement et léger réaménagement

Le chambardement en profondeur au sein du Gouvernement n’a pas eu lieu, renvoyé sans doute à une autre échéance. Le Premier ministre, Ali Mahamane Lamine Zeine donné partant, selon de nombreuses sources, s’est ainsi maintenu. Le président de la République, le Général d’Armée Tiani Abdourahmane lui a renouvelé sa confiance.

Au lieu d’un grand changement attendu par une frange importante de l’opinion, c’est un léger réaménagement que le président de la République a opéré au sein du Gouvernement. Quelques figures ont toutefois fait leur entrée dans le Gouvernement, tandis que d’autres se sont vues remerciées.

Au rang des ministres non reconduits, celui en charge de la communication, M. Raliou Sidi Mohamed qui a sans doute fait les frais de ses mauvais rapports avec les médias, ceux-là même qui ont largement été les porte flambeaux de la refondation.

S’ajoute le ministre du commerce, M. Seydou Assoumane dont les résultats attendus de lui n’ont pas répondu aux attentes des populations qui continuent à vivre une cherté sans précédent des produits de grande consommation. L’homme n’a pas réussi à ramener l’ordre au sein des commerçants, à réduire ou stopper la flambée des prix des produits de première nécessité. C’est sous le poids de cette hausse généralisée des prix que les Nigériens ont observé le jeûne du mois de Ramadan.

Dans ce lot des partants, on retrouve aussi la ministre de l’Action humanitaire et de la Gestion des catastrophes, Mme Aissa Laouan Wandarma à qui, l’on reproche des rapports conflictuels avec son staff. Le département ministériel qu’elle a occupé a d’ailleurs été supprimé et ses prérogatives renvoyées au ministère de la Population, de l’Action sociale et de la Solidarité nationale (création).

Autre départ à signaler, celui du ministre en charge de l’Urbanisme et de l’Habitat Salissou Sahirou Adamou. Il a été remplacé par un officier supérieur des FAN, le Colonel Abdoul Kadri Amadou Daouda.

Il est aussi constaté aussi dans ce réaménagement du Gouvernement, plus de « rentrées que de sorties » du fait que certains ministères ont été éclatés.

C’est le cas du ministère de la Santé publique, de la Population et des Affaires sociales qui devient « Ministère de la Santé et de l’Hygiène Publique ». Un autre département ministériel en charge de la Population, de l’Action Sociale et de la Solidarité Nationale a été créé et confié au Professeure Sidikou Ramatou Djermakoye Seyni, nouvelle entrant.

L’ancien ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Culture a également été éclaté avec d’un côté le ministère de la Jeunesse et des Sports avec à sa tête, M. Sidi Mohamed Al Mahmoud, puis d’un autre, le ministère de la Refondation, de la Culture et de la Promotion des Valeurs Sociales dont le portefeuille est confié à M. Ali Ben Salah Hamouda.

A ce niveau, ce sont deux messages forts que le président de la République a bien voulu envoyer à l’opinion. D’abord la place qu’il accorde à la jeunesse avec l’entrée dans le Gouvernement du président du Conseil national de la jeunesse, M. Sidi Mohamed, puis la création d’un ministère qui aura à promouvoir la philosophie politique de la Refondation, confié à un homme qui jouit d’une bonne réputation de probité et d’intégrité au niveau de l’opinion nationale.

C’est dire que c’est à partir de ce ministère et en relation avec le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) et le futur Conseil Consultatif de la Refondation (CCR) que partiront toutes les grandes réformes sociales et culturelles pour impulser une nouvelle culture citoyenne.

Autre message fort, l’entrée de la société civile nigérienne dans le Gouvernement, à travers la personne d’Abdoulaye Seydou, président du Mouvement M62, l’autre branche de la société civile qui partage avec le Front patriotique pour la souveraineté (FPS) le soutien aux autorités militaires de la transition.

Au niveau des militaires membres du Gouvernement, aucun changement notoire. Leur effectif a même été renforcé avec l’entrée du colonel Abdoul Kadri au poste de l’Urbanisme et de l’Habitat. Les deux grands ténors, tiennent toujours leurs postes sans changement, à savoir le Général des corps d’Armée Salifou Mody à la Défense Nationale et le Général de Brigade Mohamed Toumba à l’Intérieur.

A noter que le ministère des Transports et de l’Equipement à lui aussi été éclaté avec d’un côté le ministère des Transports et de l’Aviation Civile, confié au Colonel-Major Abdraman Amadou, et de l’autre, le ministre de l’Equipement et des Infrastructures que dirige le Colonel-Major Salissou Mahaman Salissou.

Ali Lamine Zeine maintenu au Poste du Premier ministre 

À la tête de l’équipe, Ali Mahamane Lamine Zeine reste en place. Il ne bouge pas. Du moins pas pour l’instant. Ainsi, le Premier ministre échappe au signe indien inauguré par ses aînés du Mali et du Burkina Faso qui eux, ont tous été renvoyés par les autorités militaires. Ali Lamine Zeine n’a pas le panache et la force de réflexion d’un Choguel Maiga, ce qui lui a permis de ne pas faire ombrage à la hiérarchie militaire. Il n’est pas non plus prolixe, ce qui lui a évité de commettre des impairs, ce qui a coûté à Apollinaire Joachim kyélem de Tambèla son poste à la tête du Gouvernement Burkinabè.

Le Premier ministre du Niger, Ali Lamine Zeine semble avoir été sauvé par son style fait d’alliance du carpe et du lapin. Mais il pourrait surtout avoir bénéficié de la bonne appréciation de ses amis de la Banque mondiale.

Entre amis, on se rend de petits et loyaux services, comme on dit. Aussitôt après les brouilles du début de la transition, Ali Lamine Zeine a repris le bâton de pèlerin, direction Breton Woods, chez ses anciens partenaires de la Banque mondiale et du FMI. Le contact renoué, le cycle des revues conjointes a repris où Zeine a continué à louer l’excellence de la coopération avec les deux institutions. Tout à la périphérie des discours robustes sur la refondation et la rupture avec les institutions de l’Occident impérialiste, le Premier ministre a gardé la tête froide et a entretenu ses contacts. Et les très bonnes appréciations de sa gestion exprimées par la banque mondiale et qui sont sans doute parvenues aux autorités du CNSP avant le remaniement gouvernemental ont très probablement plaidé en sa faveur.

D’ailleurs, au lendemain du réaménagement du Gouvernement, c’est le Directeur national de la BCEAO Niger qui passe à la télévision nationale (RTN) pour annoncer la normalisation de la situation financière au Niger, la levée des restrictions imposées par son institution et surtout l’annonce des très bons chiffres de croissance établis par la Banque mondiale. Une croissance économique exceptionnelle à deux chiffres. Et surtout une croissance économique qui pourrait se poursuivre encore dans les années à venir. De quoi envoyer Lamine Zeine au ciel. Et s’il n’est pas déjà au firmament, au moins il est maintenu dans ses fonctions. Les autorités de la transition se retrouveraient désarçonnées de limoger un Premier ministre qui afficherait un tel bilan. En attendant que cette croissance économique se traduise dans l’assiette du nigérien, le Premier ministre Ali Lamine Zeine a obtenu une petite rallonge. Une reconduction pour une seconde chance. C’est probablement le sens de cet ajournement de la refonte en profondeur du gouvernement.

Ibrahim Elhadji dit Hima