Charte de la refondation : Les militaires gardent la main

Le 26 mars 2025, restera une date chargée de symbole. C’était la nuit du lailatoul qdr ou nuit du destin. C’était aussi ce jour-là que se jouait le destin de la transition politique et du renouveau du Niger.

Après les travaux à l’arrachée des assises nationales qui, en l’espace de 4 à 5 jours, ont peaufiné et dressé des textes et propositions sur les grands axes de la transition en cours au Niger, puis la transmission officielle des conclusions au président du CNSP, l’opinion nationale était toute entière suspendue au choix et décisions qui en seront faits par le Chef de l’Etat qui portait encore fièrement son grade de Général de Brigade.

Les propositions des assises nationales comportaient des mesures élogieuses comme porter le Général Tiani au grade du Général d’Armée, mais aussi des mesures lourdes et très sensibles, notamment sur la durée de la transition fixée à 60 mois, soit 5 ans modulables, selon les termes des conclusions desdites assises. D’autres propositions, tout aussi graves, comme la dissolution des partis politiques avaient été faites.

Le Général Tiani va-t-il aller dans le sens des participants aux assises nationales ou va-t-il imprimer sa vision à lui ? Toutes ses interrogations étaient suspendues en ce jour du destin du 26 mars 2025. Un destin qui, après s’être passé par la dissolution des partis politiques, va prendre forme dans la Charte de la refondation, qui a été promulguée le même jour par le Chef de l’Etat, Tiani Abdourahmane, désormais Général d’Armée et Président de la République du Niger.

La Charte de la refondation qui détermine la nature du régime au Niger et qui a conféré au Général d’Armée Tiani Abdourahmane, le titre du Président de la République était l’élément essentiel de cette journée. Avec sa promulgation, le Niger rentre de plein pied dans une nouvelle République, la 8ème, comme l’avait annoncé par anticipation, la vielle de l’événement, un acteur de la société civile, et grand soutien à la transition.

En effet, dans une des dernières dispositions de la Charte, l’article 78 stipule que « la présente Charte a valeur constitutionnelle ». Elle fait office de Constitution de la République, même si elle n’a pas toute la force et le pouvoir contraignant d’une Constitution.

  • La Charte, une volonté du souverain

Dans sa forme classique, une Charte est un acte du principe, un acte du souverain, du roi qui accorde sa volonté ou son autorisation. En droit moderne, la Charte est ce qu’on appelle un système de droit souple ou flexible, ou du droit mou. Et cela est très explicité dans son article 75 qui dispose que l’initiative de la révision de la présente Charte appartient au Président de la République après avis du Conseil national pour la sauvegarde de la République (CNSP). Le Président de la République peut la réviser, introduire des changements ou en retirer certaines dispositions. Elle ne dispose d’aucun verrou, malléable à volonté.

Le seul verrou qu’elle comporte, c’est par rapport à tout le personnel politique en fuite ou en intelligence avec la France et qui continue à envoyer des salves d’attaques sur le Niger. Tiani avait déjà prévenu, il y a quelques temps de cela, que des mesures seront prises pour qu’ils ne puissent plus jouer aucun rôle politique au Niger.

C’est désormais chose faite. L’article 50 indique que « toute personne ayant soutenu le projet d’agression militaire contre le Niger ou qui a été condamnée pour détournement de deniers publics et d’enrichissement illicite, ne peut jouir du droit de vote ou être éligible que dans les conditions fixées par la loi. L’alinéa 2 du même article dispose aussi que « toute personne inscrite sur le fichier des personnes, groupes de personnes ou entités impliquées dans des actes terroristes ou ayant perdue sa nationalité nigérienne, ne peut jouir du droit de vote ou d’être éligible qu’après sa réhabilitation après une période de privation dont la durée sera fixée par ordonnance.

Le pouvoir du CNSP reconduit

Même si la Charte de refondation consacre l’entrée du Niger dans une nouvelle République, elle va encore trainer les vestiges de la transition. Elle ne supprime pas le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), organe central de la transition. L’article 60 de la Charte, relatif aux organes de la refondation maintient le CNSP aux côtés d’autres institutions, notamment le Gouvernement de la refondation, le Conseil consultatif de la refondation (CCR) qui est à créer, la Cour d’État, la Cour de compte, l’Observatoire national de la communication qui sera créé, l’Observatoire des droits de l’homme aussi. C’est l’article 25 qui fixe les attributions du CNSP. Il stipule que le CNSP est l’instance suprême d’orientation de la politique de la nation. À ce titre, la refondation n’opère aucun changement, le CNSP comme en début de la transition militaire garde son rôle intact. Et ce n’est pas la Cour d’État ou le Conseil consultatif de la refondation qui constate l’empêchement absolu du Président de la République en cas de décès ou d’incapacité, mais plutôt le CNSP. Et conformément aux dispositions de l’article 64, il désigne en son sein, un nouveau Président de la République qui va diriger pendant le reste de la durée du régime.

Comme on le voit, à la lecture de cette Charte, l’armée a voulu d’une Constitution bien souple, très flexible pour manœuvrer à vue et sans contrainte majeure.  C’est toute cette facilité qu’offre la Charte de la refondation.

Un autre aspect qui se dégage de la lecture de ce texte, c’est qu’il ne prévoit nulle part d’Amnesty pour les auteurs du coup d’État. La Charte reste muette là-dessus. Peut-être que cela sera pris en charge dans la rédaction de la future Constitution. Une des missions de la refondation en effet, est de conduire des réformes politiques, économiques, sociales, culturelles, administratives et institutionnelles. La refondation aura aussi à adopter une nouvelle Constitution à la fin qui servira de base pour l’organisation des futures élections générales.

 Ibrahim Elhadji dit Hima