Appel à l’utilisation des milices armées : De la poudre de perlimpinpin !

Les attaques des groupes armées terroristes sur notre territoire provoque une émotion réelle au sein de l’opinion. Ces actions d’éclats ont eu pour effet de réveiller au sein de l’opinion, le désir d’une autodéfense. Ce désir a été exprimé clairement dans la déclaration de communes de la rive droite du fleuve Niger. Cette requête présente, toutefois des dangers bien plus dangereux.

L’utilisation des milices armées par les États, ou leur tolérance, constitue une menace grave pour la stabilité d’un pays et sa sécurité nationale et au-delà, la stabilité régionale. Ces groupes paramilitaires, souvent formés en dehors du cadre légal des forces armées régulières, peuvent devenir une véritable épine dans le pied d’un État.

Bien que certains gouvernements les utilisent dans le but de renforcer leur autorité ou de lutter contre des menaces internes, cette stratégie comporte des risques considérables, comme l’instabilité politique, la violence incontrôlée et la menace sur l’intégrité du système judiciaire. Les exemples démontrant les dangers de cette pratique sont légions.

L’Irak et la montée des milices chiites

Depuis l’invasion américaine en 2003, l’Irak a été confronté à l’émergence de nombreuses milices armées, dont certaines, comme les Unités de mobilisation populaire (PMU), ont joué un rôle majeur dans la lutte contre l’État islamique (EI). Bien que ces milices aient été initialement formées pour défendre l’Irak contre les groupes terroristes, elles ont rapidement échappé au contrôle du gouvernement central. Certaines milices, affiliées à des partis politiques ou à des intérêts sectaires, ont exacerbé les tensions entre sunnites et chiites. La multiplication de ces milices a renforcé la fragmentation du pays, créant un climat de méfiance et de violence permanente.

Le Soudan et les Janjawids

Au Soudan, le recours à des milices armées a joué un rôle majeur dans la guerre du Darfour qui a éclaté en 2003. Les Janjawids, des milices arabes soutenues par le gouvernement soudanais, ont été responsables de massacres, de viols, et de déplacements forcés de populations entières. Leur présence et leur violence ont non seulement exacerbé le conflit, mais ont également plongé le pays dans une situation de chaos et de division ethnique. En 2008, la Cour pénale internationale (CPI) a émis un mandat d’arrêt contre l’ancien président Omar el-Béchir, accusé de crimes de guerre et de génocide, en raison de l’utilisation de ces milices dans le Darfour.

Leur utilisation a montré que les milices privées peuvent rapidement se déconnecter des objectifs politiques de l’État et se transformer en forces incontrôlables, alimentant des cycles de violence sans fin. La situation au Soudan continue de témoigner des dangers d’une telle stratégie.

La Libye et la guerre des milices

Plus proche de nous, la Libye, après la chute de Mouammar Kadhafi en 2011, est devenue un terrain de guerre pour une multitude de milices, dont beaucoup luttent pour contrôler le territoire, les ressources et l’influence politique. L’absence d’un gouvernement central solide a permis à ces groupes d’opérer sans aucune restriction, contribuant à la violence, au chaos, et à l’instabilité persistante. Certaines de ces milices sont financées par des puissances étrangères ou des acteurs privés, et leur loyauté est souvent dictée par des considérations financières ou politiques plutôt que par le bien-être du pays. La situation a ainsi favorisé le trafic d’armes, la traite des êtres humains et d’autres activités criminelles, rendant la Libye presque ingouvernable.

Dans un tel environnement, l’État perd son pouvoir de régulation et ses citoyens sont livrés à la merci de groupes armés aux objectifs souvent contradictoires, rendant l’instabilité nationale chronique.

Au Niger, l’option de la milice pour contrer le vol du bétail au milieu de la décennie 1990 dans la région de Tillabéry et la gestion qui en a été faite ont donné naissance aujourd’hui à un groupe armé non étatique les « Lakurawa ». Ce groupe constitue aujourd’hui une des menaces les plus sérieuses pour la sécurité des populations dans l’ouest du Niger et certains Etats du nord-ouest du Nigéria.

L’armée nationale, seule solution

Les exemples évoqués ci-haut illustrent clairement les dangers liés à l’utilisation ou à l’absence de contrôle des milices armées. Ces groupes peuvent déstabiliser un pays en amplifiant les tensions ethniques et sectaires, en sapant l’autorité de l’État, et en contribuant à l’impunité. Ils rendent la gestion de la sécurité plus complexe, puisqu’ils échappent aux règles et aux mécanismes légaux de contrôle de la violence. De plus, leur présence en dehors du cadre institutionnel fragilise l’État, qui perd son monopole de la force publique, une condition essentielle à la préservation de la paix et de l’ordre.

L’histoire montre que recourir aux milices pour maintenir la sécurité d’un pays ou réprimer des oppositions internes ne mène souvent qu’à l’aggravation de la situation. Il est donc impératif que nos États trouvent des solutions alternatives qui respectent les droits de l’homme et maintiennent la stabilité à long terme, tout en préservant la primauté de l’État de droit.

Oumou Gado