Guerre commerciale américaine : une décision étriquée vouée à l’échec !

En avril 2025, l’administration américaine a déclenché une guerre commerciale à l’échelle mondiale, portant à un niveau exorbitant de 145% les droits de douane imposés sur les produits chinois exportés aux États-Unis. La partie américaine s’illusionnait en pensant que la Chine, à l’instar de quelques autres pays, courrait à Washington pour capituler. Manifestement, ses calculs se sont avérés désastreusement erronés. Cette décision irrationnelle, en violation flagrante des règles multilatérales, reflète une vision politique aussi myope qu’arrogante et porte en elle-même les germes de son propre échec.

Bien avant l’éclatement de la guerre commerciale, le Financial Times a souligné que la part des importations américaines n’était que de 13% du total mondial, contre 20% il y a 20 ans. En brandissant le bâton tarifaire, qui d’ailleurs ne peut pas inverser la tendance de la croissance du commerce mondial sur le long terme, les États-Unis s’isolent du reste du monde, s’aliénant jusqu’à leurs alliés traditionnels qui défendent le libre-échange et le multilatéralisme. Cette guerre commerciale, par ses objectifs chimériques, ses méthodes grossières et ses conséquences contreproductives, s’apparente à un suicide économique. L’histoire retiendra que Washington aura été l’unique auteur de sa propre déroute.

Sans aucun doute, la guerre commerciale provoquera des perturbations à court terme dans les échanges internationaux et entraînera une baisse du volume commercial – un scénario déjà observé lors de la Grande Dépression du siècle dernier lorsque les États-Unis avaient lancé leur offensive tarifaire. Cependant, à mesure que les pays du monde s’adapteront en établissant de nouveaux mécanismes multilatéraux et des accords de libre-échange hors la sphère d’influence américaine, le commerce mondial pourra poursuivre sa croissance sans Washington. Les États-Unis s’exposeront ainsi à une marginalisation accélérée dans la reconfiguration de la mondialisation, et découvriront à leurs dépens qu’on ne dicte pas les lois de l’économie mondiale par décret.

L’administration américaine espère, par cette guerre commerciale, réduire le déficit commercial du pays et rapatrier la production manufacturière. Or, ce ne serait qu’une illusion. Avec un taux d’épargne historiquement bas et une dépendance excessive des services, les États-Unis importent massivement des biens de consommation. C’est donc la perte de la compétitivité du Made in America et le déséquilibre structurel chronique de l’économie américaine qui sont à l’origine de ce déficit. Paradoxalement, ce déficit, loin d’être un handicap, contribue à contenir l’inflation et à maintenir le pouvoir d’achat des millions de ménages américains.

Pour résorber effectivement ses déséquilibres commerciaux, les États-Unis devraient investir davantage dans l’éducation, l’innovation technologique et la modernisation industrielle afin de rendre le secteur industriel plus compétitif. Mais leur système politique, miné par la collusion entre élites politiques et intérêts financiers, l’inefficacité bureaucratique et la corruption, entrave toute réforme structurelle, d’autant plus que la logique électoraliste à court terme rend impossible l’élaboration d’une stratégie industrielle cohérente en vue de la réforme et de la modernisation du secteur à long terme.

Certes, l’obsession protectionniste de Washington constitue un choc conjoncturel pour l’économie mondiale, mais révèle paradoxalement pour les différents pays du monde une opportunité historique de se libérer de leur dépendance vis-à-vis des États-Unis et de bâtir un nouvel ordre économique plus équitable.

Rien ne saurait empêcher les peuples du monde d’aspirer à la paix, à la coopération et au développement partagé. Avec ou sans les États-Unis, la division du travail continuera de s’approfondir dans le monde, et les pays du monde poursuivront leur coopération sur les chaînes industrielle et d’approvisionnement conformément au principe de la concurrence sur le marché et en recherchant la plus grande efficacité possible. En renonçant à leur rôle de leader, les États-Unis sont devenus un frein à la mondialisation économique.

Par conséquent, il incombe aux pays du Sud Global de faire preuve de courage et de prendre l’initiative de promouvoir une nouvelle vague de mondialisation économique et de libéralisation du commerce. Le moment est venu pour eux de s’affirmer comme architectes d’un nouvel ordre commercial international juste, équitable et inclusif, avec tout leur potentiel en matière de développement et les immenses opportunités qu’ils représentent. Ce qui est non seulement un choix pour faire face aux défis actuels, mais aussi et surtout une nécessité impérieuse pour préserver la paix, la stabilité et la prospérité durables dans le monde.

L’Histoire nous enseigne une vérité implacable : aucun pays ne peut prospérer en se coupant du reste du monde. La mondialisation économique est une tendance irrésistible. La stratégie de l’administration américaine, un contresens historique, fera des États-Unis le grand perdant dans une guerre commerciale qu’ils ont eux-mêmes provoquée. Il est important pour les autres pays du monde de garder la lucidité et de défendre fermement le libre-échange et le multilatéralisme commercial. En renforçant leur coopération et leur coordination, ils s’en sortiront plus forts et l’économie mondiale, plus solide.

Tiemago Bizo