Moustapha Barké : La malédiction du pétrole

Au mois d’août 2023, quand le premier gouvernement de la transition militaire au Niger est formé, un nom a retenu l’attention au sein de l’opinion nationale: Moustapha Mahamane Barké. Pour cause, il s’est retrouvé à la tête d’un super ministère. À lui seul, il cumulait trois portefeuilles et pas des moindres, l’Énergie, le Pétrole et les Mines.

Trois secteurs hautement stratégiques, des ministères clés de la toute première importance. Tout le contraire de ce que ses amis politiques de Lumana Fa pouvaient qualifier de « coquilles vides ». Et quand il s’est assis à la table du conseil des ministres, c’est un véritable pacha que les Nigériens ont découvert sur le petit écran de leurs postes téléviseurs.

Ses images qui passaient et repassaient, le caméraman faisant des zooms sur celui qui passe pour la personnalité gouvernementale la plus courtisée, parce que c’est lui, Barké, qui est le pourvoyeur des ressources avec ses trois départements ministériels clés. Tout cela auréolé d’un autre prestige, Moustapha Barke est l’ami du tout nouveau Premier ministre, Ali Mahamane Lamine Zeine. Mais Barké c’est aussi un notable du parti Lumana, et c’est aussi un ami intime de Hama Amadou, de son vivant « Autorité morale » de Lumana.

C’est cette amitié empreinte d’une grande confiance au sein de l’establishment Lumana qui s’est illustrée par la responsabilité qui lui a été confiée aux dernières élections générales de 2021 où il était Directeur national de campagne de l’Alliance Lumana-RDR/Tchanji.

À ses côtés, il y avait aussi un certain Bana Ibrahim, qui faisait office de responsable communication de la campagne électorale Lumana. C’est tout ce monument de Lumana qui avait pris place dans le premier gouvernement de la transition du CNSP à la tête d’un super ministère. Ce qui pouvait lui ouvrir une autoroute vers des ambitions politiques toujours plus grandes.

Le faisceau des suspicions

Depuis le 13 janvier dernier, l’ancien patron du pétrole est passé entre les mains de la justice et attend d’être fixé sur son sort. Après son interpellation, l’ancien ministre du pétrole est déposé dans une maison d’arrêt et une information judiciaire est ouverte sur sa gestion. Depuis son incarcération, aucune communication officielle n’a précisé les faits qui lui sont reprochés.

Cependant, des indiscrétions qui ont été réunies par les médias font cas d’un faisceau de malversations financières graves ainsi que des pratiques délictuelles. On parle notamment d’un marché d’un million de dollars qu’il aurait attribué à son propre fils. Il y a aussi la découverte d’un compte en son nom à Dubaï et qui devait recevoir les virements des opérations frauduleuses ou de corruption. On évoque à ce titre une commission de 1,5 million de dollars qui serait issue des négociations de prêt de 400 milliards de dollars accordés par la CNPC au Niger. D’autres indiscrétions font cas des milliards de francs CFA d’un important trafic frauduleux du carburant sur le Tchad et le Soudan. Les mêmes sources mentionnent aussi ce rendez-vous dans la plus grande discrétion du ministre Barké avec la société Zimar à Lomé au Togo, une rencontre qui n’a revêtu aucun cachet officiel et qui aurait permis des discussions pour défendre les intérêts de cette société aux contours flous.

D’autres éléments pourraient entrer en ligne de compte, notamment cette affaire ébruitée qui fait cas d’une commission d’un million de dollars pris sur chaque chargement de bateau sur le terminal béninois de Semé.

La marque de l’audace

Qui l’eut cru ? Dans ce contexte de transition où les autorités militaires du CNSP s’arcboutent à gérer avec parcimonie les maigres ressources financières d’un pays sous embargo, qui pouvait penser qu’un responsable ministériel se permettrait de se rendre coupable de détournement ? Il faut de l’audace. Mais depuis la mise en place du gouvernement en août 2023, certains milieux n’ont pas manqué de s’interroger sur la justesse du choix de porter Barké à la tête de trois portefeuilles ministériels, à savoir l’Énergie, le Pétrole et les Mines. C’est peut-être un peu alerté sur la situation, que le CNSP, par un réaménagement ministériel, va le délester du portefeuille de l’Énergie et celui des Mines confiés à deux nouveaux ministres qui ont fait leur entrée dans le gouvernement.

Si aujourd’hui ces soupçons de malversations se confirmaient, ils vont confirmer par le même coup, la réputation de Moustapha Barké, les « affaires ». Le culot ou l’audace dans les malversations, le désormais ancien ministre du pétrole n’en manque pas. Depuis le premier mandat de l’ancien Président Tandja et à travers différentes administrations, le nom de Moustapha Barké est apparu sur toutes les commissions d’assainissement et de lutte contre la délinquance financière.

A 11 mois seulement de son passage dans le gouvernement d’une transition militaire très rigoriste, il s’est retrouvé au centre d’un vaste réseau d’affaires. Quel aurait été le sort des ressources financières du Niger si son équipe est arrivée au pouvoir en 2021, alors qu’il était le Directeur national de campagne de l’Alliance Lumana-RDR/Tchanji?

 Ibrahim Elhadji dit Hima