« Un objet littéraire non identifié », dira Jean-Pierre Olivier de Sardan dans sa préface au recueil de l’ouvrage intitulé « 25 lettres au président Mohamed Bazoum ». Une sorte de grande messe des obligés de la France ou de ce qui reste du carré des fidèles à la politique française. Outre l’ancienne Directrice générale de RFI, Geneviève Goëtzinger, l’égérie de cette initiative et l’ethno-anthropologue français Jean-Pierre Olivier de Sardan qui sont dans leur rôle de la protection des intérêts français, on y découvre des hommes politiques pour l’essentiel africains et de l’espace francophone.
Un fil rouge réunit les signataires de ces lettres. C’est leur attachement ou leur servitude à la France. Beaucoup ne connaissent pas Bazoum, ou ne connaissent pas le Niger et le régime démocratique que Bazoum administrait. Mais ils avaient été sollicités, coachés et démarchés par l’égérie de cette action, l’ancienne journaliste Geneviève Goëtzinger qui elle-même, confesse qu’elle ne connait pas suffisamment Bazoum.
C’est à partir des échanges téléphoniques qu’elle a eus avec Bazoum quand il avait encore l’usage des téléphones que le contact a été établi, et que l’ancienne patronne de RFI a repris du service. Pour le compte de Bazoum ? Pas très sûr, mais plus vraisemblablement pour les intérêts de la France. Sur la feuille des signataires, et en tête de la liste, Pascal Affi N’Guessan, candidat ivoirien aux prochaines élections présidentielles.
Homme politique ivoirien très francophile. Sa cellule communication politique est gérée par la française Geneviève Goëtzinger. Autres signataires, Mamadou Ismaël Konaté, ancien ministre malien en exil en France, Oumar Mariko, homme politique malien également en exil en France, Tieman H Coulibaly, ou encore kamissa Camara, tous des anciens ministres maliens. On y découvre encore d’autres amis de la France comme Francis Laloupo ou le centrafricain Martin Ziguélé, chroniqueurs politiques très présents sur la chaîne du service public français RFI.
On y trouve aussi des auteurs nigériens, bien sûr de l’entourage de Bazoum, comme kiari Liman Tinguiri ou encore le duo Ali Sékou Maina et Hamid N’gade qui ont co-signé une lettre. Aucun acteur politique ou de la société civile du Niger résidant au pays n’a été sollicité dans cet ultra activisme de la journaliste française. Tous, comme dans une sorte de casting bien travaillé, ont souligné le courage héroïque de Bazoum qui a refusé de donner sa démission aux autorités militaires qui l’ont renversé depuis le 26 juillet 2023.
Le piège français
Bazoum ne s’en sortira jamais. Il est pris au piège du jeu de la France. Tout ce branle-bas, on l’aura aisément compris n’est plus pour la cause de Bazoum ou du jeu de la démocratie. il s’agit tout simplement d’un prolongement de l’action de la France qui a besoin d’un prétexte pour continuer à s’accrocher au Niger. Et Bazoum Mohamed est le client tout indiqué. La France ou tout au moins le Gouvernement Macron s’est approprié l’affaire Bazoum comme une affaire française.
Et à défaut de pouvoir déployer son assaut militaire initial pour frapper le Niger, le président français Emmanuel Macron va continuer à mener une sorte de guerre de harcèlement contre les autorités militaires de la transition nigérienne. Harcèlement suivant deux terrains d’action: sur le plan mediatico-diplomatique et aussi par l’emploi des agents subversifs pour créer la confusion et le désordre au Niger.
Le livre de Geneviève Goëtzinger a vocation à construire l’image d’un résistant, un homme politique droit et attaché aux valeurs de la démocratie, une icône. Tous ceux à qui Geneviève Goëtzinger a donné la parole ont exactement marché dans ce casting pour construire un Mandela du Sahel. Une construction virtuelle qui colle avec l’ego de l’homme politique, très attaché à l’image du héros et du mythe du surhomme. Cette construction est un jeu, une ruse de la France pour faire de Bazoum, un instrument ou plutôt un objet de son action politique contre un régime qui lui échappe, compromettant d’importants intérêts stratégiques.
Dans cet imbroglio franco-français, il n’y a aura qu’un seul répit pour Bazoum pour espérer sortir du jeu de la manipulation, c’est la démission de Macron qui, ces derniers temps, fait face à une opposition politique qui le pousse vers la sortie pour sauver ce qui reste de la France.
Ce sont en effet des responsables politiques des divers bords politiques, de la droite comme de la gauche qui appellent de plus en plus à sa démission pour sortir la France de l’effondrement dans lequel la politique de Macron la jetée.
La France a aujourd’hui tout perdu. Bafouillée sur la scène internationale, lâchée par ses partenaires européens, chassée de son ancien pré-carré africain, la France s’accroche à ses ressources uranifères du Niger comme à une bouée de sauvetage. C’est tout ce qui reste à Macron qui joue sa dernière scène politique: Bazoum. Avec dans le rôle d’acteurs quelques derniers survivants de la France-Afrique.
Ibrahim Elhadji dit Hima