Alors que le dossier est toujours devant le tribunal militaire et que l’instruction se poursuit, le dossier Bazoum Mohamed pourrait s’en trouver alourdi avec l’attaque armée du samedi 19 octobre dernier sur des positions des Forces et de sécurité du Niger à Assamaka, dans le département d’Arlit, Région d’Agadez. Une attaque revendiquée par le mouvement rebelle de Rhissa Ag Boula, ayant fait plusieurs morts et des blessés civils et militaires.
C’est à travers un communiqué daté du 19 octobre dernier, signé par celui qui se présentait comme son chef d’État major que le FAL a revendiqué cette attaque perpétrée dans la mi-journée sur des postes mixes FAN, Gendarmerie nationale et Police nationale à Assamka.
L’ancien chef rebelle et conseiller en sécurité sous la présidence de Bazoum Mohamed a annoncé son intention à reprendre les armes pour exiger la libération du président déchu, gardé en détention par les autorités militaires, depuis le coup d’État du 26 juillet 2023. Au moment des faits, Rhissa Ag Boula qui se trouvait en mission à l’extérieur du pays s’est vite rallié sur la position de la France qui a demandé au groupe des généraux, auteurs du coup d’État de se rendre et de remettre le pouvoir à Bazoum Mohamed.
Dans la foulée, l’ancien chef rebelle a annoncé la création d’une coordination de lutte armée pour ramener l’ancien président renversé au pouvoir. L’annonce de la création de son front est intervenue alors que le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) déclenchait une procédure de levée de l’immunité de Bazoum Mohamed pour qu’il soit poursuivi en justice pour haute trahison, atteinte à la sûreté de l’État, entre autres accusations retenues contre lui.
L’ancien président renversé est soupçonné aussi d’abriter un holding des réseaux terroristes, alimenté par la France et qui sévit dans la région des trois frontières. L’attaque du samedi 19 octobre dernier vient ainsi corroborer toutes ces accusations de collusion terroristes qui pèsent sur le président déchu, alors même que son dossier est en instruction.
L’échec de la lutte politique
L’intransigeance des deux acteurs, la France et Rhissa Ag Boula, dans cette affaire pourrait compliquer le sort de Bazoum. Elle pourrait surtout l’empêcher de bénéficier des circonstances atténuantes. Alors que l’ancien président bénéficiait, il n’y a pas encore longtemps, d’un peu de sympathie auprès de certains nigériens, l’attaque tragique d’Assamaka qui a coûté la vie à plusieurs personnes civiles et militaires va finir par dresser toute la population contre Bazoum. « Comment en est-on arrivé là ? », pourrait-on s’interroger.
Depuis le coup d’État qui l’a renversé, Bazoum Mohamed est apparu plus, comme une affaire française que nigérienne. C’est la France qui a mené de bout en bout toutes les offensives contre les nouvelles autorités militaires du pays. Alors que les partis politiques sont suspendus, le PNDS Tarayya, le parti de Bazoum Mohamed va se retrouver dans une posture très compliquée avec l’arrestation de ses principaux dirigeants qui tentaient de lancer des mots d’ordre de lutte en direction des militants.
Mais il faut aussi dire que depuis le 26 juillet 2023, c’est l’option d’une lutte armée en dehors du parti PNDS que la France et l’entourage Bazoum ont choisi. La CEDEAO et la base militaire française encore en place à Niamey ont eu cette illusion. La présidence française et l’entourage Bazoum ont pensé qu’ils pouvaient s’en servir pour forcer les généraux nigériens à la reddition. Les partisans de l’ancien président Mohamed Bazoum multipliaient dans le même temps les interventions musclées et les accusations tous azimuts sur des personnalités du parti PNDS.
Même l’ancien président de la République, Issoufou Mahamadou, pourtant mentor de Bazoum Mohamed n’a pas échappé à la campagne d’accusations. Très actif dans une diplomatie silencieuse en direction des militaires et des autorités politiques de la sous région, Issoufou Mahamadou sera accusé de complicité dans le putsch qui a renversé Bazoum.
Le dernier fil d’espoir d’une sortie de crise par le dialogue venait ainsi d’être coupé par l’entourage Bazoum qui ne compte plus que sur la France pour le libérer. Une libération par les armes de la CEDEAO et de la France qui est réduite aujourd’hui aux armes de Rhissa Ag Boula et autres front terroristes. Autant dire que l’espoir s’est beaucoup rétréci.
Même si Rhissa Ag Boula n’est pas le vrai auteur de l’attaque qu’il a revendiqué, il reste que la situation de Bazoum elle, est déjà suffisamment compromise. « En réalité, il ressort que l’attaque est l’œuvre des groupes islamiques et que sa revendication par le FAL (NDLR: Forces armées libres, créé par Rhissa Ag Boula) n’est qu’une maladroite manœuvre d’opportunisme », indique un communiqué daté du dimanche 20 octobre dernier, émanant du Conseil de la résistance pour le renouveau (CRR).
Le CRR est l’ancien groupe de lutte de Rhissa Ag Boula avant qu’il ne soit éjecté, parce que les autres membres du groupe, tous proches de Bazoum, ne sont cependant pas favorables au principe d’une lutte armée. Quoi qu’il en soit, attaque du mouvement rebelle de Rhissa Ag Boula ou d’un autre groupe terroriste de l’obédience française, établi dans le Nord Mali, l’attaque d’Assamaka obscurcit singulièrement l’horizon politique de Bazoum au Niger. Comment Bazoum peut-il compter sur la clémence de la justice nigérienne ? Et comment un jour, Bazoum pourrait rebondir sur la scène politique avec la casquette de chef terroriste ? C’est tout cela qui est entrain d’être compromis avec cette attaque d’Assamaka.
Ibrahim Elhadji dit Hima