Nationalisation de la BIN : une bonne nouvelle pour l’économie nigérienne

Frilosité ! Tel est le mot qui revient souvent lorsqu’on interroge une part importante des porteurs de projets au sujet de la perception qu’ils ont vis-à-vis des banques commerciales.

L’une des raisons à cela réside notamment, dans le traitement « peu courtois » qui leur serait réservé ainsi que le refus quasi-systématique à leurs demandes de financement, compromettant au passage la concrétisation de leurs projets. Pourtant, ce ne sont pas les liquidités qui manquent ! Simplement, les exigences des banques sont telles qu’elles finissent par freiner, voire décourager les génies locaux dans leur volonté d’exprimer tout leur talent et potentiel pour contribuer à la quête de souveraineté, qui est devenue, par ailleurs, le mantra des autorités depuis plusieurs mois.

Pour autant, doit-on faire preuve d’indifférence ? Quand on sait que les plus persévérants parmi les porteurs de projets n’hésitent pas à plier bagages pour se rendre là où l’herbe semble plus verte ? Notamment, en Côte d’Ivoire, au niveau de la sous-région, où encore mieux en Occident, pour profiter d’un environnement plus favorable ?

Autrement dit, doit-on laisser la frilosité du système bancaire encourager la fuite de cerveaux qui, selon diverses études, est très préjudiciable pour une économie comme la nôtre, en raison des pertes de compétences ? Face à ces interrogations, les autorités semblent prendre la mesure de la gravité de la situation et décident d’agir en conséquence pour inverser la tendance.

Et l’une des mesures concrètes traduisant ce changement de cap est la nationalisation récente de la Banque Islamique du Niger, un établissement qui était majoritairement détenu par la Banque Islamique de Développement (BID) et sa filiale Tamweel Africa Holding, pour mieux accompagner les acteurs économiques locaux, à l’image des entrepreneurs et porteurs de projets.

Un choix qui devrait être payant

La nationalisation de la BIN reflète la volonté des autorités nigériennes de renforcer leur contrôle sur le secteur bancaire et s’inscrit également dans une stratégie économique visant à renforcer les institutions financières locales. Le fait que la Banque Islamique du Niger rejoigne le giron public serait une bonne opération pour l’Etat et pourrait s’avérer comme un choix stratégique pour le pays, ce, pour deux raisons essentielles.

D’une part, la BIN ne cesse de s’illustrer dans le paysage bancaire nigérien ces dernières années en réalisant notamment, de très belles performances. En effet, au terme de l’année 2022, dernières données disponibles sur le site de l’institution, elle a enregistré une croissance de 35% du total bilan, 31% des ressources clientèle et 37% des emplois à la clientèle avec un produit net bancaire qui est l’équivalent du chiffre d’affaires pour les entreprises qui a progressé de 19%.

En outre, il s’est dégagé pour le même exercice, un résultat net bénéficiaire de 1 020 millions de FCFA contre 317 millions de FCFA enregistré en 2021, selon le Rapport annuel d’activités 2022. Cette croissance ne devrait pas ralentir au cours des années à venir en raison du potentiel immense que représente le marché nigérien et de la place considérable qu’occupe la religion dans les choix opérés par de nombreux concitoyens au quotidien.

Les offres des produits de financements et d’investissements conformes aux principes et règles de la finance islamique proposées par la BIN sont, en effet, susceptibles d’intéresser davantage de nos concitoyens qui se sont jusque-là montrés rétifs aux offres des banques « traditionnelles ».

D’autre part, la quête de souveraineté affichée par les autorités passe nécessairement par le renforcement du bras financier de l’Etat pour soutenir les secteurs clés de notre économie à travers notamment un meilleur accompagnement des entreprises publiques et / ou privées, à chaque étape de leur développement en crédit, en garantie, en aide à l’innovation et en fonds propres.

Ce faisant, la BIN, qui vient d’être nationalisée, peut jouer ce rôle en agissant, par exemple, en appui des politiques publiques conduites par l’Etat pour contribuer à rendre l’économie nigérienne dynamique et compétitive.

Cependant, dans un pays où les scandales sont légion et la faillite de la BDRN continue encore de hanter les esprits, les autorités doivent veiller à ce que la gouvernance de l’institution soit exemplaire. Ainsi, la BIN, qui opère selon les principes de la finance islamique, pourrait jouer un rôle crucial dans l’économie nigérienne et la nationalisation précédemment évoquée pourra être utilisée comme levier pour le développement du pays.

 

Adamou Louché Ibrahim

Economiste

@ibrahimlouche