Ce n’est pas que le Niger est entrain de créer une classe d’hommes d’affaires à l’image de Bill Gates, non. Ce dont il s’agit, ce sont des Gates. Ce vocable (Gate), à la mode au Niger depuis une certaine période, est surtout à l’usage des hommes des médias, chaque fois qu’il faut créer du buzz ou pour faire sensation. Il suffit d’accoler le suffixe Gate pour obtenir un gros scandale financier. Uranium-Gate, Santé-Gate, Pétrole-Gate, Oriba-Gate, BEPC-Gate… Et ne soyez pas surpris si vous apprenez qu’il y a Gate sur votre nom ou le nom de votre voisin.
C’est juste un jeu des médias. Mais, il est vrai aussi que cet exercice est surtout employé pour accabler certaines hautes personnalités du pays. Des dignitaires de l’appareil de l’État ou des patrons d’entreprises. Tantôt, c’est pour mettre de la pression et faire du chantage. Parfois, pour accabler une figure politique bien en vue. Dans ce dernier cas de figure, il s’agit d’un travail à la solde. Des ristournes sont versées par un client qui désigne un adversaire à abattre. Ce genre de publications fonctionne comme un fake-news et dans ce cas, au même titre que les fake-news, le grand public doit apprendre à détecter les signes caractéristiques pour savoir si on est en présence d’un Gate bidon ou d’un véritable scandale.
Pièces ou indices matériels
Dans un authentique élément de scandale, il y a toujours un document officiel, c’est le fac-similé. Ce document dont un extrait est publié dans l’article est un document comptable, ou une copie d’une pièce du dossier. C’est un document authentique qui est établi ou signé par une source autorisée, l’expert comptable, l’inspecteur d’État, un magistrat, un directeur général, entre autres. Ce document contenu dans une publication lui donne du poids. Il est une pièce à conviction pour les médias.
Témoignage crédible
Un responsable de rang ministériel ou un coordinateur d’un projet, un directeur peut, à travers une déclaration ou un point de presse, rendre publique une affaire. Le témoignage de ce responsable digne de foi, sa déclaration en constitue une source d’authentification. Toute publication ou tout « Gate » ne comportant pas ces éléments cumulés ou au moins un de ces éléments, est un faux Gate, c’est-à-dire une construction virtuelle.
À l’époque, quand la gouvernance des affaires publiques enregistrait ses premières révélations sur des scandales authentiques, c’est toujours avec des documents publiés en fac-similé. De grands médias comme la Roue de l’Histoire de feu STJ, le Républicain du feu Maman Abou ou L’Evénement de Moussa Aksar ont fait leurs choux gras des documents authentiques et officiels obtenus des sources crédibles. Ce qui a permis de révéler des affaires emblématiques comme « Affaire zeinab », « Affaire fonds d’aide à la presse », « Affaire Meba », « Affaire faux marché du ministère de la santé », « Affaire OPVN et don japonais « , « Affaire de faux permis miniers », « Affaire des faux médicaments », entre autres. Il n’existe aucune de ces affaires qui n’ait été documentée par un élément de fac-similé.
Cas d’école
À ce niveau de travail, on peut faire un exercice pratique, un exercice de rapprochement avec les dernières publications des journaux de la semaine. On parle de milliards ou même des tonnes de milliards (ici un premier indice du faux manifeste: c’est quelle unité de compte la tonne de milliards ?) à travers les journaux. Mais cherchez dans ces contenus la trace d’un document de fac-similé ou chercher un témoignage officiel d’une autorité publique, vous n’en trouverez rien. En somme, ces publications ne se distinguent en rien des fake-news ou tout au plus des causeries ordinaires des fadas.
Les origines
Ces publications n’ont aucune matérialité, aucun fondement. Elles procèdent juste par une théâtralisation d’un faux journalisme d’investigation. Le vocable Gate remonte à une vielle affaire des années 80 connue sous le nom de Iran-Gate qui signifie aussi Iran-contra est un scandale qui a éclaboussé l’administration américaine sous Regan, un scandale qui a porté sur la vente des armes à l’Iran par l’Amérique, alors que l’Iran était sous embargo.
C’est un travail laborieux d’espionnage, d’écoute téléphonique et d’investigation qui a permis à un journaliste américain cette révélation retentissante et qui est restée mémorable dans les annales du journalisme. Voilà pour l’origine du Gate que nos médias sont entrain de galvauder à tort et à travers ces derniers temps. Sans faire le travail de recherche, sans les documents en fac-similé, les Gate dans ces dernières publications de la semaine ressemblent plus à un travail à la solde. Ces médias sont beaucoup plus des usines à Gate ou simplement des usines à gaz que de véritables médias d’investigation.
Ibrahim Elhadji dit Hima