La crise que traverse le Niger depuis les événements du 26 juillet 2023 n’épargne aucun secteur d’activité économique. Le secteur de la vente des véhicules d’occasion importés, communément appelés ‹‹ les venus d’Europe ››, jadis florissant, est aujourd’hui au ralenti, en raison des sanctions économiques et de l’embargo imposés par l’instance régionale de la CEDEAO contre le Niger.
Au milieu d’un parc automobile dénommé ‹‹ 100 mètres ››, sis au quartier Banifandou de Niamey, trois jeunes gens, des agents du marketing, assis sur des chaises, causent sans cesse et se régalent autour d’une tasse de thé servi volontiers attendent impatiemment l’arrivée d’un hypothétique client. « Il faut tuer le temps surtout durant cette période de vache maigre où les clients se font rares, du fait de la crise économique qui frappe le pays depuis bientôt sept mois », expliquent-ils.
Même si entre temps, le Niger a annoncé avec le Mali et le Burkina Faso, leur retrait de la CEDEAO, ces agents ne se le cachent pas, « les sanctions économiques prises le 30 juillet 2023, par les Chefs d’État de l’organisation régionale continuent d’impacter durement les activités économiques dans tout le pays, particulièrement dans notre secteur d’activité pour lequel l’essentiel des véhicules d’occasion importés d’Europe qui nous viennent passent par les ports régionaux de Cotonou, Lagos ou Abidjan, entre autres ».
Selon Mamane Sani, qui est un des employés de ce parc d’automobile, les signaux, ces derniers six mois, sont au rouge, et les clients se comptent du bout des doigts. ‹‹ Il n’y a pas de clients comme avant. Même si le client vient, on discute sur le prix d’un véhicule, parfois même le marché est conclu, mais c’est quand il faut sortir l’argent pour payer que la personne se rétracte, et finalement elle renonce à acheter. C’est la situation qui prévaut actuellement dans pratiquement tous les parcs de vente des véhicules d’occasion ››, raconte-t-il d’un air très préoccupé. Puis d’ajouter, tout de même stoïque ‹‹ en tout cas, on s’évertue à survivre en dépit de la baisse drastique des recettes durant cette période de crise ››.
Il explique aussi qu’en raison des sanctions de la CEDEAO, « pour importer un véhicule d’occasion du port de Cotonou vers Niamey, il faut maintenant 5 à 6 jours, chose qui n’était pas le cas avant, où en l’espace de 2 jours, ces véhicules d’occasion sont convoyés vers Niamey à partir de Cotonou ».
Tout cela s’explique bien entendu par le choix du nouveau corridor qui passe désormais par le Burkina Faso, dans un contexte d’insécurité de part et d’autre des frontières burkinabè et nigériennes. « C’est un trajet beaucoup plus long que l’axe Cotonou-Niamey que nos véhicules empruntaient auparavant » se lamente Mamane Sani. Cette situation affecte sérieusement plusieurs centaines de jeunes, employés dans ce secteur d’importation et de vente des véhicules d’occasion. Il s’agit bien de préoccupations partagées par l’ensemble des acteurs, importateurs, propriétaires des parcs automobiles et vendeurs de véhicules d’occasion du Niger. Même si d’aucuns le prennent avec stoïcisme (du fait du destin, disent-ils), la crise, on ne peut plus claire, affecte ce secteur jadis très prospère.
Plus loin, accroupi sur une natte et le regard plongé dans des discussions à n’en point finir avec ses collaborateurs, Adamou Ide dit Madougou, trouvé dans le parc automobile dénommé ‹‹ Parc 68 ›› et dont il est le responsable, se montre plutôt rassurant et se confie à Allah, quant au lendemain qu’il espère meilleur pour le pays, en dépit de l’impact de la crise. ‹‹ C’est une crise qui est arrivée et tout le monde est affecté. On doit supporter, tout en demandant aux autorités du CNSP de nous amener à bon port ››, lance-t-il. Cependant, il en appelle au sacrifice des uns et des autres pour traverser cette période de turbulence dans laquelle le Niger est plongé.
Il s’agit là d’une la crise économique sans précédent qui frappe durement le pays et ce, dans tous les secteurs d’activités, à l’exemple de celui de la vente des véhicules d’occasion à Niamey. Et tout cela se ressent à la fois sur les revenus, mais aussi sur l’importation de nouveaux véhicules d’occasion pour garnir les parcs.
Pour sa part, Harouna Abdoulaye, PDG du Parc Daga-Allah, et conseiller au Syndicat National des Importateurs Propriétaires des Parcs Automobiles et Vendeurs des Véhicules d’occasion du Niger (SYNIPROPAVVON), la crise a fait qu’il n’a pu renouveler son parc automobile. ‹‹ Depuis quelques mois, moi je n’ai pas ramené un véhicule venant de Cotonou. C’est un grand risque maintenant, surtout avec l’insécurité sur le trajet en traversant le Burkina Faso, sans oublier la durée et les taxes qui viennent de s’y ajouter ››, déplore-t-il.
Une situation qui a pour conséquences, entre autres, « une baisse du chiffre d’affaire pour l’ensemble du secteur », d’où cet appel du PDG du Parc Daga-Allah aux autorités du pays afin qu’une solution viable et pérenne soit trouvée à cette situation. Selon les importateurs et vendeurs de véhicules d’occasion interrogés, « pas moins de 30.000 véhicules d’occasion venus d’Europe entrent chaque année au Niger ».
Notons toutefois qu’au plan environnemental, les véhicules d’occasion, indésirables Europe, mais très prisés chez nous, présentent tout de même des risques de pollution dans nos pays.
Selon le rapport 2020 du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), intitulé ‹‹ les véhicules d’occasion et l’environnement, un aperçu global des véhicules utilitaires légers d’occasion : débit, échelle et réglementation ››, avec 40% du nombre de véhicules importés, l’Afrique arrive en première place des régions importatrices de véhicules légers d’occasion au monde. Ledit rapport alerte justement sur les conséquences sur l’environnement de l’exportation de véhicules d’occasion vers les pays en développement, notamment l’Afrique.
Ces véhicules qui, pour certains dépassent la dizaine, voire la vingtaine d’années, sont à la portée de la classe moyenne en raison de leur coût souvent abordable (entre 1.500.000 FCFA et 10 millions de nos francs, selon l’âge et la marque). Mais l’un dans l’autre, les sanctions économiques imposées au Niger impactent sérieusement le secteur de la vente des véhicules d’occasion. Une situation qui n’est pas sans conséquence sur l’économie du pays, surtout en termes de recettes douanières et fiscales.
Koami Agbetiafa