L’année 2023 a tiré sa révérence pour laisser place à 2024. Elle nous laisse le souvenir de nombreux événements, tant sur le plan social, économique, sécuritaire que politique. L’année 2023 a particulièrement été marquée par un évènement majeur qui a provoqué un véritable séisme dans l’histoire sociopolitique du Niger. Alors que le pays était frappé par de nombreuses attaques terroristes, pendant qu’à Niamey la routine habituelle de l’action gouvernementale ne présageait rien de notable et que sur le front social régnait un calme plat, le 26 juillet 2023, le pays se réveilla avec un coup d’État qui va occasionner un bouleversement majeur dans la géopolitique internationale.
Pour les militaires qui viennent de s’installer au Palais Présidentiel, la situation sécuritaire précaire du pays est à elle seule une raison suffisante pour justifier leur action. Une situation qu’ils entendent bien régler.
La majorité des citoyens nigériens, d’accord avec eux, se jeta dans la rue pour les soutenir. Puis, c’est le sentiment anti-français, longtemps accumulé par les nigériens qui s’accentua. Le changement de régime qui venait de se produire était alors une bonne occasion de faire éclater ce sentiment.
Au nom du soutien aux militaires qui viennent de débarquer le président Mohamed Bazoum de son fauteuil, les manifestants s’attaquèrent à tout ce qui est représentatif de la France, le bouc émissaire tout trouvé qui est au début et à la fin des malheurs qu’ils estiment vivre. L’ambassade de France fut attaquée. Elle a failli même être incendiée. Il faut dire que beaucoup d’évènements semblent avoir concouru à cette explosion de colère contre la France au Niger.
En effet, la France est, non seulement le pays colonisateur du Niger avec tout ce qui va avec en termes de brimades, de pillage de ressources, des travaux forcés et du racisme. Elle est aussi celle qui, de tout temps, s’implique dans la politique intérieure du pays, fait main basse sur ses ressources, sème souvent l’insécurité via des supplétifs à elle, etc.
Contre la France, les nigériens reprochent son incapacité à mettre fin aux attaques terroristes qui endeuillent leur pays et la soupçonnent même de les entretenir au lieu de les combattre. Sur ce plan, ils gardent en mémoire les attaques d’Inatès, de Chinagoder, de Tillia, etc, attaques qui ont fait plus de 200 morts en moins de deux mois (10 Décembre 2019 et janvier 2020).
A cette époque, le président français n’a rien trouvé que de convoquer les Chefs d’État du G5-Sahel à Pau pour, d’après lui, « clarifier leur position » face à la montée crescendo du sentiment anti-français dans la région du Sahel.
Ce qui, pour beaucoup de nigériens, semble être un paternalisme sans nom dont la conséquence a été de contribuer à renforcer davantage leur mécontentement vis-à-vis de la France. Pendant ce temps, les attaques se multipliaient et aucune solution n’est proposée que l’augmentation des troupes françaises, américaines et européennes sur notre sol.
Autre fait marquant, dans la sous-région ouest-africaine du Sahel, les coups d’État au Mali et au Burkina Faso, deux pays malmenés par le terrorisme et membres du G5-Sahel. Face à la pression de leurs peuples, les militaires au pouvoir dans les deux pays prirent la résolution de dénoncer les accords de défense contractés avec la France.
Malheureusement, plutôt que de rentrer dans leur pays, les troupes françaises qui ont été sommées de quitter les deux pays ont été redéployées au Niger. La coupe est alors pleine et une sourde colère s’empara des nigériens qui n’attendent que la moindre étincelle pour la faire éclater.
En dehors du contingent français qui atteignait 1500 hommes, se sont aussi installés au Niger, des militaires allemands, américains, belges, italiens et d’autres hommes déployés au nom de l’Union Européenne.
Tout ce monde en armes se déplaçait sur la terre africaine du Niger sans que le problème numéro un du pays n’ait un semblant de solution : l’insécurité va crescendo et les acteurs terroristes imposent aux populations des déplacements forcés, le paiement d’importantes sommes en guise d’impôts, le vol de bétail, les assassinats ciblés et des massacres massifs.
Plus personne ne comprend ce qu’en réalité font toutes ces troupes dans le pays. Le 26 juillet 2023, lorsque le Général de Brigade Abdourahamane Tiani, chef de la Garde Présidentielle a pris le pouvoir, l’occasion est alors toute trouvée par les nigériens pour faire éclater au grand jour, leur sentiment anti-français.
Un sentiment qui n’est pas seulement lié à la seule présence de l’armée française dans le pays, mais lié aussi à l’exploitation de la seule ressource qui fait la célébrité du Niger dans le monde, à savoir l’uranium.
Pendant plus d’une cinquantaine d’années, la France exploitait cette ressource à moindre coût dans le pays. Et à cause de ladite ressource, des Chefs d’État nigériens ont été renversés par des coups d’État pour avoir réclamé la revalorisation de son prix : Diori Hamani en1974 et Tandja Mamadou en 2010. Dans l’imaginaire des nigériens, la France aurait suscité tous ces coups fourrés pour exploiter à sa guise la ressource. En outre, l’uranium nigérien alimenterait à plus de 30% les centrales nucléaires françaises mais le Niger reste un pays très pauvre, avec un faible taux d’accès à l’électricité.
La célèbre route de l’uranium qu’empruntent régulièrement les camions qui transportent cette denrée est déliquescente, mal entretenue et impraticable par endroits. En plus de tous ses aspects de la relation France-Niger, il faut souligner cette attitude d’Emmanuel Macron, le président français, qui, plutôt que de chercher une solution pacifique au problème qui vient d’être posé par le changement anticonstitutionnel du pouvoir au Niger, a convoqué un conseil de défense dans son pays comme si le Niger est un territoire français ou une colonie française.
Il est allé jusqu’à menacer d’intervenir militairement dans le pays, refusant de faire rentrer son ambassadeur, alors que celui-ci est déclaré persona non grata au Niger. Un bras de fer qui a abouti à la dénonciation des accords de défense liant le Niger à la France.
Bénéficiant du soutien de la population, les militaires au pouvoir dans le pays contraignirent le président Macron à retirer ses troupes basées au Niger. En rappel, les tous derniers soldats français ont quitté le sol nigérien pour rejoindre l’Hexagone le 22 décembre 2023.
Pendant tout le temps qu’ils étaient dans leur base de Niamey, les jeunes nigériens se sont relayés à l’entrée de l’Escadrille, les privant d’accès à la nourriture et autres biens de consommation.
La France est pour les nigériens le pays qui, aussi, manipule les dirigeants africains de la CEDEAO et de l’UEMOA. C’est elle qui les aurait incités à fermer les frontières de leurs pays avec le Niger, à imposer un embargo financier au pays, à le priver d’électricité et d’autres biens de première nécessité et à le menacer d’une intervention militaire afin de rétablir le président déchu, Mohamed Bazoum, sur son fauteuil et rétablir l’ordre constitutionnel.
Tout cela n’a pas empêché au Niger et à son peuple de rester debout et fermes dans leur volonté de conquérir leur souveraineté. Tout cela n’a, pas empêché aussi au Niger de mieux combattre le terrorisme jusqu’à affaiblir celui-ci. Dans l’ensemble, le nombre d’attaques terroristes et leur envergure ont beaucoup baissé depuis l’avènement du CNSP au pouvoir.
Bassirou Baki