A la veille du 13 mai, date qui correspond à la journée nationale de la Femme nigérienne, une question continue de susciter de débat au sein de la société : comment booster davantage l’autonomisation de la femme de nos jours au Niger ? Quand on sait que dans la quête de l’éradication de la pauvreté et de la réalisation de la croissance économique durable dans le pays, les contributions à parts égales entre les femmes et les hommes sont essentielles.
Dans la plupart des sociétés africaines, il est généralement reconnu que les hommes et les femmes diffèrent du fait de la nature des activités qu’ils exercent, l’accès aux ressources et le contrôle de celles-ci, et la participation à la prise de décisions. L’Afrique est la seule région du monde qui peut s’enorgueillir du fait que les femmes sont plus susceptibles de devenir entrepreneurs que les hommes (Campos et coll. 2019), et les femmes africaines contribuent pour une grande part (40 %) au travail agricole sur l’ensemble du continent (O’Sullivanet coll. 2014).
Toutefois, l’exemple de réussite de l’Afrique en termes de représentation féminine dans la main d’œuvre est étouffé par d’importantes disparités entre les genres en termes de revenus, selon la Banque Mondiale (2020). Et le Niger n’y échappe guère à ce mode de fonctionnement qui parait « injuste »! Cependant, contrairement à certains de ses voisins, le Niger continue d’œuvrer pour mettre fin à cette « injustice » et tendre vers une meilleure autonomisation de la femme dans divers domaines.
A titre de rappel, « l’autonomisation des femmes fait référence à la capacité des femmes à prendre des décisions et à influer sur des résultats qui les affectent directement ainsi que leur famille. Elles peuvent alors avoir de plus grandes aspirations, faire en sorte que leur voix soit entendue et avoir plus de choix » (La Banque Mondiale, 2019). Si l’instauration de la journée nationale de la femme dans les années 1990 a constitué une étape importante dans l’émancipation de la femme nigérienne et permis d’obtenir des avancées ces dernières années en matière de promotion du leadership féminin et la participation politique des femmes, l’autonomisation économique des femmes a encore du chemin à faire! Comme en atteste le taux de participation au marché du travail des femmes qui est relativement faible (69 %) par rapport à celui des hommes (92%) en 2019, selon la Banque Mondiale.
Cette différence serait en partie imputable à certaines normes sociales qui contraignent les opportunités économiques des femmes dans le pays. Pourtant, l’émancipation économique des femmes est fondamentale non seulement pour le renforcement des droits des femmes, mais aussi pour leur permettre d’avoir le contrôle de leur vie et d’exercer une influence sur la société.
En outre, il s’agit d’un moteur puissant pour l’accélération du développement car l’autonomisation des femmes sur le plan économique peut apporter de la croissance économique et accélérer la réduction de la pauvreté.
Des avantages indéniables
Il y a plusieurs avantages qu’un pays peut tirer de l’autonomisation économique des femmes. En voici cinq (5), sans doute non exhaustifs, confirmés par de nombreuses études : 1) Plus, il y a de femmes au travail, plus l’économie prospère ; 2) Si l’on éradiquait toute forme de discrimination envers les travailleuses et les cadres de sexe féminin, la productivité des travailleurs pourrait faire un bond de 40% ; 3) On a pu constater dans différents pays que l’augmentation de la part des revenus du ménage, gérée par les femmes, influence les dépenses d’une façon bénéfique pour les enfants, qu’il s’agisse de revenus propres ou de transferts d’argent ; 4) L’analyse de données de 219 pays couvrant la période 1970-2009 a montré que la mortalité infantile était réduite de 9,5% pour chaque année de scolarisation supplémentaire des femmes en âge de procréer ; 5) Entre 1970 et 1990, 4,2 millions d’enfants ont dû leur survie à une meilleure éducation des femmes.
Six pistes à explorer pour booster l’autonomisation économique des femmes
Les experts de la Banque Mondiale, dans leur rapport « Africa’s Pulse » d’octobre 2020 (Africa’s Pulse, No. 20 (Octobre). Washington, DC : La Banque mondiale. Licence : Creative Commons Attribution CC BY 3.0 IGO), ont identifié six approches politiques clés, susceptibles d’aider les Etats à augmenter les possibilités de revenus pour les femmes et donc à même d’avancer l’autonomisation économique des femmes dans les pays africains : (a) le renforcement des compétences appropriées, (b) l’allégement des contraintes de capital, (c) la sécurisation des droits fonciers, (d) l’accès des femmes au marché du travail, (e) la prise en compte des normes sociales qui limitent les opportunités économiques pour les femmes, et (f ) la stimulation des capacités de la prochaine génération.
La transposition et l’adaptation aux réalités locales (nigériennes) de ces mesures, sans doute non exhaustives et qui ont produit par ailleurs des résultats probants dans certains pays du continent, pourraient sans doute permettre de s’attaquer efficacement aux principales contraintes inhérentes à l’autonomisation économique des femmes, libérer leur potentiel non atteint et accélérer la croissance économique et la réduction de la pauvreté au Niger. Chose que semble prendre conscience le gouvernement, sous la houlette de S.E.M. Bazoum Mohamed, avec l’accélération de la mise en œuvre de la Stratégie nationale d’autonomisation économique des femmes.
Adamou Louché Ibrahim
Economiste
@ibrahimlouche
NIGER INTER HEBDO numéro 109 du 09 mai 2023