Comme prévu, la journée de ce jeudi 9 Février 2023 a été consacrée au ministère public pour adresser ses réquisitions au tribunal militaire après les séances d’auditions des accusés, prévenus et témoins. Les avocats commenceront leurs plaidoiries à partir du lundi prochain. En substance, après le rappel des faits, les commissaires du gouvernement ont requis les peines de 30 ans, 20 ans, 10 ans, 5 ans, 2 ans et simples relaxes aux accusés selon le niveau de responsabilité des uns et des autres. Mais avant de rendre public leurs réquisitions, le parquet a motivé, cas par cas, les raisons qui corroborent la responsabilité de chaque accusé.
Le ministère public a rappelé le contexte sécuritaire qui caractérise notre pays. Face au terrorisme, « un phénomène dangereux qui a causé la mort de plus de 1200 personnes, dont 700 civils et 500 militaires », a déclaré le commissaire du gouvernement. Il a précisé que dans la répartition des rôles pour faire face au terrorisme, les forces armées nigériennes et les forces de sécurité intérieures ont payé un lourd tribut.
« C’est dans ces circonstances dramatiques que traverse notre nation, qu’un groupe d’officiers inconscients, mus par un esprit sectaire et une ambition dévorante, des hommes à qui la loi et le règlement militaire font obligation d’obéir aux autorités, des hommes dont le devoir, l’honneur, la raison d’être, est de servir leur pays ont conçu un projet funeste, organisé une conjuration et monté une conspiration », a martelé le commissaire du gouvernement.
Selon lui, c’est ainsi que qu’après plusieurs rencontres, des rendez-vous furtifs et clandestins, après avoir trahi la confiance des hommes placés sous leurs ordres, ces individus ont nuitamment attaqué le Palais présidentiel, siège de la plus haute institution de notre République en voulant prendre le pouvoir par la force. Ils ont ainsi trahi le peuple nigérien, violé les devoirs militaires envers la nation en retournant les armes payées par le gouvernement sur l’impôt des nigériens contre les dirigeants élus par le même peuple, a soutenu le commissaire du gouvernement.
Pour le ministère public, il ressort des débats que ce groupe d’officiers et leurs complices ont une culture limitée, des jugements expéditifs, des prétentions issues d’une vision déformée de la réalité. Par leurs actes séditieux, ils mettent en péril le fonctionnement de l’Etat, la discipline des forces armées. Ils ne sont pas aptes à comprendre les alliances géopolitiques nécessaires à la survie de notre pays. La réussite de leur aventure aurait entrainé un désastre national, a dit en substance le commissaire du gouvernement. Pour lui, ‘’un coup d’Etat est plus dangereux que le terrorisme. Un coup d’Etat fait le lit du terrorisme, il en est un allié objectif’’.
La motivation des putschistes serait purement matérielle et mesquine, selon le ministère public. « Soyez convaincus que vous ne jugez pas, ici des hommes qui ont une ambition pour leur pays. Vous jugez ici des hommes dont la motivation est purement crapuleuse ».
Selon le commissaire du gouvernement, l’enquête préliminaire de la gendarmerie a permis d’établir certains faits constants et incontestables. C’est ainsi que certains prévenus ont reconnu les faits et d’autres ont renoncé à leurs dépositions. Il y en a même qui courent toujours.
S’agissant des accusés, le ministère public a distingué plusieurs groupes. « Le premier comprend les militaires qui ont participé à l’opération ainsi que leur chef, l’ex colonel-major Hamadou Djibo, qui a cautionné et ordonné l’attaque ». Cet officier serait en intelligence avec le Lieutenant Abdramane et le Capitaine Gourouza Sani Saley. En décrivant le complot, le commissaire du gouvernement a exposé le déroulement des faits : les différentes rencontres, le recrutement des hommes, les moyens utilisés, les dates de l’opération jusqu’à l’assaut du Palais présidentiel et ses conséquences.
Le second groupe est aussi dirigé par le colonel-major Hamadou Djibo qui est, selon le ministère public le véritable cerveau de la conspiration, celui qui a inspiré, encouragé et activement recherché des renforts d’Almahaou, de la zone 7 à Dosso, de la zone 1 à Tillabery pour la réussite du projet de déstabilisation des institutions.
Et le troisième groupe est constitué de l’ex Général Seydou Bagué et du colonel de la garde nationale Na Allah. « L’ex Général Seydou Bagué, auteur de propos subversifs, à caractère politique, indigne de sa position d’officier général commandant de l’Armée de Terre, a trahi la confiance placée en lui par le Président de la République, chef suprême des armées, qui l’a nommé à cette position éminente », a dit le commissaire du gouvernement qui a précisé que l’ex Général a activement cherché à recruter des militaires pour préparer un coup d’Etat avant d’être dénoncé par le Colonel-major Maman Sani Kiau, ex commandant d’Almahaou.
Après son réquisitoire, pour une bonne administration de la justice, le ministère public a considéré que les charges à l’encontre des accusés Ousmane Ibrahima Cissé, Mourtala Seydou Diori, Inoussa Issaka Chantali et Issa Na Allah ne sont pas suffisamment solides. Par conséquent, ils doivent profiter du bénéfice du doute.
Le ministère public a requis 30 ans d’emprisonnement ferme pour les cerveaux du putsch (Colonel-major Hamadou Djibo, Capitaine Gourouza Sani Saley, Lieutenant Abdrahamane Morou, Adjudant Adamou Seyni dit Adams, Adjudant Mahamadou Halidou dit « Étudiant »), 20 ans pour l’adjudant-chef Amadou Boureima dit Papa, Moussa Hamadou (mécanicien Momba), 10 ans pour Hamani Mounkaila, Ibrahim Abdou, Hamadou Oumarou, Salif Kaka, Boubacar Garanke, Me Ibrahim Djibo, 5 ans pour le Général Seydou Bagué, colonel Major Aboubacar Oumarou Dan Azoumi dit Lion, deux ans pour un groupe d’officiers de la base 101. Les autres ont bénéficié de la relaxe ou de la requalification des faits (les sous-officiers et soldats innocemment embaqués dans le projet) pour blessures et coup avec armes. Le ministère public a requis la prison à vie aux accusés fugitifs.
Selon un juriste contacté par nos soins, le parquet a été clément à l’endroit des accusés en ce sens qu’en cas d’attentat à la sureté de l’Etat c’est l’emprisonnement à vie ou la peine capitale. La peine maximale requise par le ministère public est de 30 ans.
Avant de lever la séance, le Président du tribunal a appelé, un an à un, les accusés pour recueillir leurs avis sur les réquisitions du ministère public. En substance, certains ont pris acte, d’autres demandent la clémence ou la sagesse du tribunal. Le Général Seydou Bagué a dit qu’il prend acte. ‘’Je n’ai rien à dire’’, dira le colonel-major Hamadou Djibo. Gourouza Sani Saley a déclaré : « Je prends acte et je demande la miséricorde d’Allah ». A la question du président du tribunal à Gourouza de préciser sa pensée, il a répondu qu’il demande la clémence du tribunal. Pour sa part, le Lieutenant Abdrahamane Morou a dit : « Je prends acte et je me remets à Dieu ».
Rendez-vous est pris pour lundi prochain pour les plaidoiries et …. arguties des avocats de la défense.
Elh. M. Souleymane