Le cerveau présumé de la tentative du coup d’Etat manqué du 31 mars 2021, le capitaine Sani Gourouza, officier en service à la Base aérienne N°101 de Niamey est passé aux aveux devant le tribunal militaire. Il a reconnu les chefs d’accusation contre lui à l’occasion du procès ouvert le 13 décembre dernier. Pour le moment, le procès est suspendu en attendant la décision de la Cour Constitutionnelle, appelée à statuer par les avocats de la défense sur la constitutionnalité du Tribunal militaire, apprend-on.
Sous le coup d’un mandat de recherche internationale lancé par les autorités nigériennes, le désormais tristement célèbre capitaine Gourouza a été déniché au Bénin voisin. Il a ensuite été extradé au Niger et remis aux services compétents par les autorités. Les arrestations se sont poursuivies dont celle de deux colonels. Les chefs putschistes étaient déposés à la prison de haute sécurité de Koutoukalé et certains co-auteurs et complices à la prison civile de Niamey jusqu’à cette date fatidigue pour la manifestation de la vérité devant le tribunal militaire.
L’Etat du Niger reproche au capitaine Sani Gourouza et ses complices d’avoir tenté, dans la nuit du 30 au 31 mars 2021, de s’emparer du pouvoir, au moment où le pays s’apprête à connaitre sa première alternance démocratique. A la suite de cet événement, une enquête judiciaire a été ouverte pour connaitre toute la vérité autour de ce quatrième coup de force manqué contre le régime d’Issoufou Mahamadou.
« En dix ans, nous avons dû faire face à quatre tentatives de coup d’Etat dont la dernière, en date, est intervenue dans la nuit du 30 au 31 Mars 2021, il y a à peine 48 heures », a souligné le président de la République sortant, Issoufou Mahamadou, dans son message à la Nation du 1er Avril 2021. Une conspiration qui intervint dans un contexte politique tendu où l’opposition contestait l’élection du nouveau président de la République, Mohamed Bazoum.
Les faits sont sacrés…
« Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude », dit-on. C’est du moins ce qu’on pourrait reprocher aux officiers conspirateurs du putsch manqué du 31 mars 2021. L’on entend çà et là des supputations tendant à justifier la théorie du complot ourdi à l’encontre des militaires arrêtés dans le cadre des investigations en cours pour instruire le dossier. Mais des sources concordantes, il n’y a aucun doute que ces soldats sont victimes de leur propre turpitude dans leur tentative de déstabilisation des institutions de la République. Face au tribunal militaire, le cerveau du putsch a reconnu les faits. L’on attend la suite des révélations. Ce qui place en mauvaise posture les uns et les autres, tous ceux qui auraient joué un rôle dans le cadre de cette forfaiture.
Ceux qui voudraient faire croire à la théorie du complot ont tendance à reprocher aux autorités de vouloir diviser pour mieux régner. Il y a des plus légers, à l’image d’un certain Kaocen Maiga qui a tenu un discours truffé d’antivaleurs dont lui seul a le secret. C’est indécent de rapporter ici ses propos, en ce sens que l’armée nigérienne est une institution républicaine. N’est-ce pas contreproductif que les plus hautes autorités de la République s’abaissent à traiter de façon discriminatoire les officiers, au regard de leur attachement aux valeurs républicaines ?
Dans le sens de la théorie du complot, on peut lire le Mondafrique qui publie le 19 mai 2021, l’article ‘’Niger, le Président Bazoum décapite l’armée’’. De façon tendancieuse, comme toujours sur le Niger, il est écrit : « Alors que les menaces terroristes se multiplient, le président Bazoum, à peine élu, coupe les têtes au sein de l’armée nigérienne ». C’est pour parler des arrestations de certains officiers pris dans le cadre du coup d’Etat avorté du 31 mars 2021 que ledit article a été publié par ce média.
Pour parler des « têtes coupées » au sein de la grande muette, Mondafrique a cru utile de citer des noms : « L’ancien chef d’état-major de l’armée de terre nigérienne, le général Seydou Badié, relevé récemment de ses fonctions, a été arrêté le week-end à Niamey dans le cadre de l’enquête sur la tentative de coup d’Etat du 31 mars dernier. Avant lui, le chef des opérations à l’état-major général des armées nigériennes, le colonel-Major Amadou Djibo qui avait été arrêté dans le même cadre, tout comme le Commandant de la zone de défense de Tillabéri, partie du territoire nigérien se trouvant dans la zone dite des trois frontières ».
Mais ce journal n’est pas à son premier coup d’essai en parlant de l’armée nigérienne. La Rédaction du Mondafrique a même eu le culot de suggérer que l’armée serait « l’ultime arbitre des élections de 2021 ». Le journal de Nicolas Beau a dit des choses assez graves sur l’armée nigérienne. C’est inacceptable. Le droit d’informer n’autorise pas un média ou des journalistes à s’immiscer dans la gestion d’une armée, notamment en évoquant des questions sensibles comme le tribalisme ou le régionalisme. Mais le personnage est bien connu et l’opinion publique nigérienne a depuis belle lurette compris son petit jeu. Ils sont assez lucides (au Mondafrique) pour faire croire au monde que le contexte d’insécurité serait synonyme d’immunité à ceux qui ont tenté de déstabiliser l’Etat et ses institutions. Les auteurs ou conspirateurs du coup d’Etat avorté, n’en déplaise à la Rédaction du Mondafrique, seraient pris sur la base des faits qu’ils ne sauraient nier, ajoutés à la dénonciation faite par certains de leurs complices. Et aujourd’hui, contre toute attente, le cerveau du putsch est passé aux aveux.
Les vraies raisons du coup d’Etat avorté
A l’annonce de ce putsch manqué du 31 mars 2021, d’aucuns ont cru à une machination du pouvoir. Malgré l’arrestation des officiers déserteurs de l’armée, il y en a encore des esprits sceptiques. Mais pour les esprits rationnels, l’on ne saurait nier les faits. Et les faits sont têtus notamment lorsque les auteurs du putsch eux-mêmes seraient passés aux aveux.
Ils seraient arrêtés sur la base des faits irréfutables, apprend-on. Ces officiers auraient cédé au chant des sirènes sur la nationalité d’origine du Président Mohamed Bazoum. Les raisons essentielles pour justifier ce putsch étaient de dire à l’opinion publique que Bazoum ne serait pas nigérien d’origine et qu’il ne serait pas également le Président élu. L’objectif du coup d’Etat, c’était également d’empêcher l’investiture programmée du nouveau Président de la République élu, le vendredi 2 avril 2021, dans l’optique d’une vaine tentative de remettre les pendules à zéro.
C’est dire que les menaces de certains leaders, pendant la campagne électorale, ont eu des effets au sein de la grande muette. Certains chefs des opérations imprudents ont été manipulés pour détourner les hommes et les armes de leur objectif dans le seul but de remettre en cause l’ordre constitutionnel.
C’est dire que l’affaire du coup d’Etat manqué du 31 mars 2021 est loin d’être une fiction. Il y a des faits et des actes posés par des hommes nommément identifiés. Ces derniers doivent assumer leur responsabilité. Ceux qui ne se reprochent rien sauront se défendre de façon contradictoire au tribunal militaire ou un autre tribunal après avis de la Cour constitutionnelle. Loin d’être une circonstance atténuante, le contexte d’insécurité qui prévaut actuellement au Niger pourrait être plutôt une circonstance aggravante pour ceux qui ont tenté lâchement de déstabiliser l’Etat et les institutions de la République. Face à l’évidence, les exceptions d’inconstitutionnalité du tribunal militaire soulevées par la défense n’est qu’un répit pour les putschistes. La Cour constitutionnelle avait déjà apprécié cette question par le passé, apprend-on. Elle ne saurait se dédire.
Elh. M. Souleymane
Niger Inter Hebdo N° 93 du mardi 20 Décembre 2022