Mme DAN DOBI Hassana Boubacar Gaoh est députée nationale, membre de la Commission des finances et budget, Présidente du Réseau parlementaire Banque mondiale/FMI, Vice-présidente du groupe d’amitié Niger-Suisse-Belgique et membre du Réseau des femmes parlementaires. Sur le plan professionnel, elle est titulaire d’une maitrise en gestion, d’un Master 2 en Finance-Contrôle-Audit et un DESS en Finance islamique. Elle est députée élue à Niamey au titre du PNDS-Tarayya. Dans l’entretien qui suit, elle décrypte la condition de la femme nigérienne, ses défis et propose des pistes pour faire bouger les lignes.
Niger Inter : Quelle est la signification du 13 Mai pour vous ?
Mme Dan Dobi Hassana Gaoh : Chaque année, le Niger célèbre le 13 Mai, la journée nationale de la femme nigérienne en commémoration de la grande marche des femmes en 1991 pour la revendication de plus de représentation féminine dans le comité préparatoire de la conférence nationale souveraine. Pour moi cette journée est une occasion pour les différentes structures en charge de la promotion de la femme de « célébrer » la femme nigérienne à travers des actes de sensibilisation, de plaidoyer, de solidarité surtout avec les femmes rurales, de retrouvailles et de réjouissances entre femmes. Cette journée a donc pour objectif de promouvoir les droits socio-économiques de la femme nigérienne quel que soit son statut social, politique et économique, en vue de son autonomisation. Aussi cette journée est une occasion d’appuyer les initiatives des femmes en vue de promouvoir leur savoir- faire.
Niger Inter : Avant d’être députée, vous étiez cadre de banque. Selon vous, quels sont les défis pour une femme dans l’administration ?
Mme Dan Dobi Hassana Gaoh : Le principal défi auquel les femmes sont confrontées au travail est le manque d’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Cela dit, les femmes sont toujours confrontées aux attentes de la société concernant les rôles familiaux. Elles sont plus susceptibles de faire face à des interruptions de travail pour des raisons familiales. Il existe aussi des doutes portés sur les compétences techniques des femmes. En début de carrière les jeunes femmes embauchées n’ont pas toujours un travail à la hauteur de leur compétence et ces doutes se sentent même quand les femmes montent dans la hiérarchie, par exemple en 2008, j’ai eu une promotion au niveau de mon service, quelques mois après quand mon Directeur est rentré dans mon bureau et a constaté un changement positif dans le service et m’a dit ceci : « pourtant on m’a dit que tu ne pourras pas… ». Il y’a aussi le maintien des normes masculines de gestion du temps de travail, le manque de diplômes d’études supérieures permettant aux femmes d’accéder à des postes de responsabilité, les difficultés de mobilité géographique pour raison familiale, les pesanteurs socio –culturelles et religieuses, enfin certaines femmes font face aux harcèlements sexuels qui les limitent dans leur ascension. .
Niger Inter : D’après votre expérience, comment booster la participation politique de la femme nigérienne ?
Mme Dan Dobi Hassana Gaoh : Pour booster la participation politique de la femme nigérienne, trois leviers doivent être actionnés. Sur le plan politique, il faut réellement une volonté politique qui passera d’abord par l’élaboration des calendriers des réunions au sein des partis politiques en adéquation avec des contraintes familiales, ensuite par le respect et l’application effective des conventions, des lois et des règlements en faveur de la femme et enfin par une éducation politique des femmes.
Sur le plan socio-culturel, il faut agir sur les pesanteurs qui constituent un véritable obstacle à la participation politique de la femme, garantir un environnement politique exempt de discrimination et de violence envers les femmes, promouvoir l’alphabétisation et le maintien de la jeune fille à l’école car les femmes doivent avoir un niveau intellectuel supérieur pour prétendre à certains postes de responsabilité, avoir un soutien total de leurs maris et enfin assurer une solidarité et une cohésion entre les femmes. La femme doit s’organiser pour harmoniser ses activités politiques avec les obligations familiales tout en faisant attention aux considérations socio-culturelles et religieuses.
Sur le plan économique, il faut promouvoir l’autonomisation financière de la femme à travers une inclusion financière et vulgariser la santé de la reproduction.
Niger Inter : On constate que la participation de la femme à l’économie est faible au Niger. Comment inverser la tendance selon vous ?
Mme Dan Dobi Hassana Gaoh : On constate que la participation de la femme à l’économie est faible au Niger car les efforts de la femme pour le développement du pays ne sont pas comptabilisés, pourtant elles sont présentes dans tous les secteurs économiques, surtout dans l’économie informelle. Pour renforcer la participation de la femme à l’économie, il est nécessaire d’améliorer d’abord le système éducatif et permettre la scolarisation des femmes, sans instruction les femmes ne pourront pas prendre part pleinement au développement du pays. Ensuite il faut renforcer la capacité des femmes à exercer une activité génératrice de revenu (AGR), faciliter l’accès des femmes aux micro-crédits avec des conditions souples et flexibles, former les femmes en vie associative et renforcer le leadership féminin et enfin impliquer les maris dans l’identification du projet depuis l’idée d’entreprise sinon le projet ne va pas loin.
Interview réalisée par Elh. M. Souleymane