C’est autour du thème « un administrateur civil au service du citoyen » qu’une conférence a été animée par l’ancien Premier Ministre nigérien, Mahamadou Danda, le samedi 12 février 2022. L’objectif était la présentation publique de son nouvel ouvrage intitulé ‘’l’Administration civile au service du citoyen et de la défense du bien commun’’, un exercice qu’il a conduit d’une main de maître dans l’amphithéâtre de la Swiss UMEF University – Niger de Niamey, devant un parterre de personnalités faites d’acteurs de la société civile, d’enseignants-chercheurs, de professionnels de l’administration, d’étudiants et de nombreux autres invités.
L’ouvrage autour duquel a été animée la conférence est une œuvre autobiographique qui retrace le « parcours atypique » d’un « administrateur civil au service du citoyen et de la défense du bien commun, de la territoriale au gouvernement ».
Mahamadou Danda a présenté dans cet ouvrage toute l’évolution de sa carrière qui capitalise plus d’une trentaine d’années, celle de l’administrateur civil territorial qu’il était sous le Président Kountché à sa nomination au poste de Premier Ministre sous Salou Djibo en passant par son passage au gouvernement comme Ministre des Ressources Animales et de l’Hydraulique sous le Général Ali Saibou et comme Ministre de l’information dans le gouvernement provisoire du Commandant Daouda Malam Wanké.
L’ex-Premier Ministre dit avoir côtoyé les communautés rurales pendant de nombreuses années. Il l’a indiqué qu’en milieu rural nigérien, « le fait que les populations soient majoritairement analphabètes sous informées et mal informées, fait qu’elles ont peur de l’autorité. Elles se font méfiantes et acquiescent lors des rencontres avec les autorités et les cadres sans toujours être convaincues des propos qui leur sont tenus lors des missions de ces dernières ».
Suivant ce constat, explique Mahamadou Danda, « c’est à l’administrateur territorial de jouer plus à l’animateur et à l’éveilleur de conscience de ses interlocuteurs que de chercher à incarner son statut de commandant s’il veut leur donner l’occasion de s’exprimer en parfaite connaissance de cause et à terme développer en eux des réflexes citoyens et bénéficier de leur pleine adhésion aux politiques territoriales de l’Etat central et à la mise en œuvre efficace des opérations programmées et financées sur le budget de la collectivité territoriale ».
De ce point de vue, l’administrateur civil territorial doit être un homme polyvalent qui doit avoir « plusieurs cordes à son arc », a-t-il souligné. Les cadres formés en administration générale à l’Ecole National d’Administration (ENA) ont ceci de particulier qu’ils possèdent tous cette qualité.
Jusqu’à la fin des années 1980, à l’ENA, les programmes de formation dispensés comportaient « un dosage équilibré des sciences politiques », apprend-on auprès de Mahamadou Danda.
L’ancien Premier Ministre a consacré une large part de son ouvrage sur sa proximité avec les Présidents Kountché, Ali Saibou, et Djibo Salou. Il a à ce propos donné d’amples détails sur comment cette proximité avec ces officiers de l’armée sur qui le destin a confié la gestion du pays, a enrichi son expérience « au sens du savoir-faire et du savoir être ».
D’après lui, les contacts de proximité qu’il a eu le privilège d’entretenir avec le Président Kountché lui ont laissé le sentiment d’avoir eu affaire à « un homme austère, exigeant en tout, c’est-à-dire tant au plan professionnel, social que culturel ». Chez le défunt Chef d’Etat, a laissé entendre Mahamadou Danda, « les hautes valeurs morales des responsables étaient des critères non négociables ».
Si Seyni Kountché est pour le commun des Nigériens un dur, un homme à la mine toujours crispée, Ali Saibou pour sa part, « apparaissait comme un dirigeant au contact facile et convivial dont le regard laisse entrevoir la paix et la tolérance ».
Le Général Salou Djibo est en ce qui le concerne, celui qui « croit facilement ses interlocuteurs, si bien que dès qu’il est déçu, il est intraitable et n’hésite pas à prendre des décisions radicales même si cela devrait compromettre des relations », a précisé l’ex-Premier Ministre.
Passée sa relation de proximité avec les dirigeants militaires, Mahamadou Danda a posé la problématique de la gestion administrative du Niger démocratique. Sur ce plan il a fait le constat amer d’une administration inféodée au pouvoir politique, inefficace, arbitraire et parfois peu soucieuse de la légalité, une administration où les responsables « doivent faire preuve de militantisme partisan ». Celle-ci ne semble plus au service de la population mais de la formation politique au pouvoir. C’est une situation intolérable face à laquelle il propose des solutions acquises suite à de nombreuses analyses et observations par lui faites au cours de ses trente ans de carrière.
C’est d’ailleurs un des objectifs de son ouvrage, celui de partager sa riche expérience « avec ceux des administrateurs civils de tous les corps qui exercent des fonctions d’administrateurs tant au niveau central, territorial que comme conseillers au sein des grandes institutions de l’Etat ou des missions diplomatiques installées au Niger ».
Le livre de Mahamadou Danda est à lire absolument, non pas seulement par les professionnels en charge de la gestion administrative au niveau central, régional et local, mais aussi par tous les Nigériens, car c’est véritablement un grand pan de l’histoire sociopolitique du Niger indépendant qui a été brossé.
Il faut souligner qu’en plus d’être un cadre de l’administration de l’Etat, Dr Danda a servi jusqu’aux plus hauts sommets et a occupé plusieurs autres fonctions comme celles, entre autres, d’analyste politique au bureau de l’Ambassade du Canada au Niger, enseignant associé à l’ENA de Niamey et président du groupe d’experts auprès du CCT (Conseil des Collectivités Territoriales) de l’UEMOA.
Il est titulaire d’un Doctorat de science politique de l’Institut d’Études Politiques (I.E.P) de Bordeaux IV en France et d’une Maîtrise en Aménagement du territoire et Développement régional de l’Université Laval au Canada. Il est aussi diplômé de l’Institut Panafricain pour le Développement en Afrique de l’Ouest et le Sahel (IPD/AOS) et de l’École Nationale d’Administration (ENA) de Niamey-Niger.
Bassirou Baki Edir