Condamné à un an de prison ferme dans l’affaire « bébés importés », Hama Amadou n’a pu recouvrer sa liberté qu’à la faveur d’une « remise gracieuse de peine », décidée par l’ancien président de la République, Issoufou Mahamadou, dans le cadre de la lutte contre la propagation de la Covid-19. Cette libération avant date n’a nullement effacé à Hama Amadou, les « effets » de sa condamnation, assortie de la perte de ses droits civils et politiques. Et au regard du droit en vigueur au Niger, Hama Amadou est inéligible à vie.
Raison pour laquelle, sa candidature aux élections présidentielles de 2020/2021 avait été invalidée par la Cour constitutionnelle, en application de l’article 8 du Code électoral. Aux termes de cette disposition : « Ne peuvent être inscrits sur la liste électorale : – les individus condamnés définitivement pour crime et non réhabilités ; – les individus condamnés définitivement pour délit à une peine d’emprisonnement ferme égale ou supérieure à un (1) an et non réhabilités ; ceux qui sont déclarés en faillite et ayant fait l’objet d’une condamnation pour banqueroute frauduleuse et non réhabilités ; – les internés et les interdits…… ».
En d’autres termes, au regard du droit en vigueur au Niger, Hama Amadou est inéligible à vie. Tous ceux qui ont eu à purger une peine d’emprisonnement d’une durée égale ou supérieure à un an ne peuvent s’inscrire sur la liste électorale, s’ils le font on les radie à vie.
En son temps, apprend-on, Hama Amadou se serait battu, à l’occasion de l’élaboration du Code électoral, pour le maintien de cette disposition en l’état. Il en paie aujourd’hui les frais de cette disposition qui a mis fin à sa carrière politique.
Selon les praticiens du droit, « le Code électoral nigérien n’a pas prévu des inéligibilités limitées dans le temps. Sauf révision du Code, cette inéligibilité est permanente ». Dure est loi mais c’est la loi, disent les juristes.
Aujourd’hui encore, Hama Amadou est toujours en conflit avec la loi. Accusé par la justice d’avoir incité aux violences postélectorales qui ont suivi la proclamation des résultats du second tour de la présidentielle du 21 février 2021, l’autorité morale du Moden Fa Lumana risque une nouvelle condamnation. Pour rappel, ces violences ont fait à Niamey deux morts, de nombreux innocents blessés et des dégâts matériels importants causés sur des biens publics et privés.
Conscient donc de la forte probabilité d’être à nouveau condamné par la justice, Hama Amadou fait profil bas pour attirer la sympathie du président de la République, Mohamed Bazoum, qu’il n’a eu pourtant de cesse à attaquer, et de façon violente, pendant la campagne électorale passée.
Bien que le Chef de l’Etat ait dit constaté de lui-même que « l’homme a adopté un comportement raisonnable et qu’il ne se livre pas à des déclarations politiques », cela m’entame en rien la procédure judiciaire engagée contre l’autorité morale de Lumana et toutes les personnes arrêtées pour leur présumée implication dans les violences postélectorales de février dernier.
D’ailleurs, la justice attend impatiemment le retour de Hama Amadou comme il s’est engagé lui-même dans la demande qu’il a adressée aux autorités pour obtenir l’autorisation d’aller se soigner en France. Il s’était engagé de regagner le pays après 15 jours pour se remettre à la disposition de la justice. Depuis lors, Hama Amadou qui n’est pas à son premier coup, n’a toujours pas regagné le Niger, à plus forte raison, son lieu de détention.
Il joue toujours les prolongations, une façon pour lui de pouvoir négocier en couloir, une liberté provisoire ou même l’abandon des charges pour échapper à une nouvelle condamnation.
Dans cette démarche, ils sont nombreux, ses amis politiques, les communicateurs de Lumana et assimilés, à se mouiller le maillot, à travers une campagne de charme à l’endroit du président de la République, Mohamed Bazoum. Leur stratégie consiste à amadouer le Chef de l’Etat pour l’amener à s’ingérer dans les affaires judiciaires et à violer le principe de la séparation des pouvoirs ainsi que son serment coranique de respecter et faire respecter la Constitution. S’ils réussissent leur plan, celui de parvenir à faire tordre le coup à la loi, ce sont eux-mêmes qui reviendront à la charge pour accuser le Chef de l’Etat de parjure. Un piège politico-judiciaire que Bazoum saura éviter très facilement.
D’ailleurs, comment négocier une « exfiltration judiciaire » d’un prévenu, alors même qu’il n’a pas été jugé ? N’est-ce pas là un cas de rupture d’égalité des citoyens devant la loi ? Un tel scénario ne doit en aucun cas être toléré. Il faudrait que force reste à la loi.
L’argument que les partisans de Hama Amadou mettent en avant pour lui « quémander » une issue heureuse est contreproductive dans un Etat de droit où tous les citoyens son égaux devant la loi. L’autorité morale de Lumana n’est pas le seul à être devant la justice dans ce dossier relatif aux violences postélectorales de février 2021. Il ne peut donc à lui seul bénéficier d’un traitement de faveur au risque de créer une insécurité judiciaire pour l’ensemble de la population. Quand on s’engage consciemment à poser un acte répréhensible devant la loi, le bon sens voudrait que celui qui l’a commis en tire toutes les conséquences. Il faudrait que les uns et les autres assument leurs forfaitures. C’est une posture anti républicaine de vouloir opposer les citoyens les uns contre les autres. Cette posture est inacceptable de la part d’un homme qui a dirigé le pays au sommet.
Mais à vouloir trop abuser d’un peuple, l’on finit par se casser la figure. C’est cela le destin de Hama Amadou. Le rêve de la prison au palais s’avère être une chimère, une vue de l’esprit au grand dam de ceux qui ont cédé au chant des sirènes.
Quelle triste fin de carrière politique pour ce politicien qui aurait dû mieux faire ! Un adage populaire ne dit-il pas qu’on ne « récolte que ce qu’on a semé » ?
Oumar Issoufa
Niger Inter Hebdo N°41