La posture du mauvais perdant constitue la norme dans les processus électoraux en Afrique. Battus à la régulière, très peu de candidats sur le continent font montre de fair-play, en reconnaissant leur défaite. En dépit de l’image de républicain et démocrate attribuée, à tort ou à raison, à SEM Mahamane Ousmane, ce dernier a franchi le Rubicon, en s’autoproclamant vainqueur du second tour de la présidentielle du 21 février dernier, en porte-à-faux avec les résultats proclamés par la Commission électorale nationale indépendante (CENI).
Pourtant, au Niger même, nous avons connu des démocrates qui ont su déroger à cette posture de mauvais perdant en acceptant les résultats des urnes et même féliciter leurs challengers. Parmi ces rares leaders, on peut citer Issoufou Mahamadou deux fois face à feu Tandja Mamadou et Seini Oumarou face à Issoufou Mahamadou. Qu’est-ce qui explique l’aventure ambiguë de l’ancien Président de la République, Mahamane Ousmane ? A qui profite son attitude mi- fugue mi-raisin ?
Nous l’avions martelé dans un décryptage, c’est au premier tour des élections générales que Mahamane Ousmane a perdu la bataille électorale. Tout analyste averti sur les dynamiques politiques au Niger le comprend aisément. Se contentant du cadeau empoisonné de Hama Amadou, le candidat du RDR Tchandji devrait faire contre mauvaise fortune bon cœur. Son offre politique n’ayant pas fédéré les faiseurs de roi à savoir Seini Oumarou et Albadé Abouba, Mahamane Ousmane a d’avance perdu la bataille. Et la descente punitive des fauteurs de troubles chez Seini et Albadé en dit long sur l’idée que l’apport de ces alliés a certainement pesé sur la victoire de Bazoum au second tour.
Un scrutin transparent et régulier
De l’avis de tous, le scrutin du 21 février a été libre, transparent et régulier en dehors des incidents enregistrés à Dargol où il faut déplorer 7 morts après qu’un véhicule de la CENI ait sauté sur une mine. Comme au premier tour de la présidentielle couplée aux législatives, le second tour s’est bien déroulé. La CENI, seule instance habilitée à publier les résultats, avait régulièrement rendu publiques les résultats via les médias publics et son site. Une application de la CENI permet aux citoyens de s’informer, en temps réel, sur les résultats traités et publiés. Les citoyens, militants de tout bord partageaient les résultats via les réseaux sociaux dans un esprit de compétition en espérant gagner, chacun au détriment de l’autre. C’est justement vers la fin de la publication des résultats, lorsque la tendance penche, radicalement, vers le camp du candidat Mohamed Bazoum que la Direction de campagne de Mahamane Ousmane a, dans une déclaration, demandé à la CENI de sursoir à la publication des résultats. Selon Falké Bacharou, un des responsables de la Direction de campagne de Mahamane Ousmane, les résultats publiés par la CENI ne reflèteraient pas la sincérité du scrutin exprimé par les Nigériens. Attitude du mauvais perdant ou dilatoire ? Comment convaincre les Nigériens que la CENI aurait triché en faveur du candidat Mohamed Bazoum ? Comment comprendre l’attitude de l’opposition, qui se délectait des mêmes résultats, lorsque son candidat était en tête, et son procès d’intention contre la CENI, lorsque Bazoum s’est retrouvé en avance, à un certain moment du dépouillement des résultats ? Et, comme pour corroborer sa posture de mauvais perdant, Mahamane Ousmane s’est, contre toute attente, autoproclamé vainqueur avec 50, 30%, en attribuant 49, 70% des suffrages exprimés à son challenger. Sauf que Mahamane Ousmane a déclaré qu’il entend faire recours à la Cour constitutionnelle, pour invalider certains résultats de certaines communes qu’il considère comme frauduleux. Mahamane Ousmane insiste sur le fait qu’il aurait été volé dans certaines communes à Tahoua. Mais face à son dilatoire, il importe de rappeler qu’au premier tour son challenger, Mohamed Bazoum avait eu plus de 650 000 voix tout seul. Au second tout tour, avec l’appui d’Albadé Abouba et Seini Oumarou et aussi les autres leaders de la région de Tahoua, nul n’est surpris du résultat enregistré par Bazoum dans le fief incontestable du PNDS Tarayya. Pourquoi Mahamane Ousmane ne trouve-t-il pas scandaleux ses résultats à Tillabery et Niamey où son allié principal a battu campagne avec des arguments racistes, tribalistes et xénophobes ? Pourquoi Mahamane Ousmane n’a-t-il pas dénoncé les propos haineux tenus en sa présence par Hama Amadou sachant bien que le code électoral ne permet à personne de piétiner l’unité nationale et la République ?
Mais malgré tout, il faut admettre que l’attitude de Mahamane Ousmane jure avec la posture de son allié principal, alias l’autorité morale de Lumana FA, Hama Amadou pour ne pas le nommer. Les partisans de ce dernier se sont adonnés à des actes de vandalisme, occasionnant deux morts, des atteintes à la liberté des citoyens et des saccages de biens publics et privés. Plus de 400 personnes arrêtées dont Hama Amadou, l’ancien chef d’état-major général des Forces armées nigériennes, Moumouni Boureima dit Tchanga, le candidat du parti UDFP Sawaba au premier tour, Djibril Baré, le président de Lumana FA d’obédience Hama Amadou, Tahirou dit Park 20, et le Secrétaire à la communication dudit parti, Tondi Gaweye, apprend-on des sources policières.
Le dilemme cornélien de Mahamane Ousmane…
Plus d’un républicain se demande jusqu’où ira Mahamane Ousmane. Dès l’annonce du ralliement de Hama Amadou et de son Lumana à la candidature de Mahamane Ousmane, les observateurs avertis ont vite fait d’alerter l’opinion publique sur le stratagème de Sieur Hama Amadou, qui vise à préparer la contestation des élections ou disons la chienlit dans le pays, dans le but de se remettre en selle. Il n’a jamais d’ailleurs caché son projet de remise en cause de l’ordre républicain tout au long du déroulement du processus électoral. Le ministre de l’intérieur, Alkache Alhada, dans une conférence de presse, la semaine dernière, avait si bien répertorié ses propos et le mode opératoire auquel il entend recourir par basculer l’ordre républicain avant même la tenue des élections.
Très tôt, sur votre journal en ligne Niger Inter, nous avions régulièrement dénoncé l’attitude non dialogique de l’opposition face au processus électoral. Nous avions, très tôt, alerté l’opinion publique que l’opposition aurait un autre agenda. Sinon comment comprendre son absence non seulement à la CENI mais aussi sa tentative de saborder toutes les initiatives qui visent à asseoir un dialogue avec la majorité ?
Mais c’est au moment décisif de la tenue des élections que les Nigériens ont découvert le pot aux roses à savoir le véritable agenda de l’opposition qui se résume à la disqualification du candidat du PNDS Tarayya, Mohamed Bazoum. C’était cela le serment de Hama Amadou réitéré par Lumana FA, notamment lorsqu’il martela que celui qui va l’empêcher de candidater à la présidentielle sera lui-même empêché. Pour ce faire, Hama Amadou a ourdi un vaste complot, en impliquant une partie de la classe politique, en dépit de leur option fallacieuse de panafricanistes et progressistes.
Echec à l’invalidation de la candidature de Bazoum
Cette conspiration, qui s’avère un fiasco, a consisté à convaincre les candidats à l’élection présidentielle de se constituer en coalition, pour obtenir de la Cour constitutionnelle l’invalidation de la candidature de Mohamed Bazoum. Un débat honteux, sur fond d’antivaleurs où nos hommes politiques ont prouvé aux Nigériens qu’ils sont assez ‘’civilisés’’ pour s’abaisser dans une posture aussi hasardeuse qu’irrationnelle. La fin justifie les moyens, dit-on en politique. C’est après moult tentatives et rejets de leurs requêtes par la Cour constitutionnelle que, finalement, les super Nigériens ont décidé, sur le tard, à battre campagne, face au candidat du PNDS.
En bon calculateur, Hama Amadou a jeté son dévolu sur Mahamane Ousmane, en dépit de ses engagements avec les autres leaders, notamment Ladan Tchiana, candidat du parti Amen Amine, Ibrahim Yacoubou, porte-drapeau de son parti, MPN Kishsin Kassa, et consorts. Dans une posture de fauve blessé, le petit jeu de Hama Amadou a consisté à flirter avec Mahamane Ousmane qui pourrait mettre Zinder à contribution, afin de donner à la contestation éventuelle des élections un cachet national. Mais, à l’épreuve des faits, la mayonnaise n’a pas pris, pourrait-on dire. Les populations de Zinder n’ont pas basculé dans la déraison comme à Niamey et ses environs. Mahamane Ousmane n’a pas donné de mot d’ordre dans le sens de semer la chienlit, en s’attaquant aux biens publics et privés. D’aucuns disent autant qu’en 2011 et 2016 Mahamane Ousmane a rejeté les mots d’ordre de violence, autant en 2021 il pourrait être constant et légaliste. C’est dire qu’il y a des limites objectives dans l’exécution de l’agenda insurrectionnelle de Hama Amadou, tendant à créer une crise post-électorale. Pour le moment, le regard des Nigériens est rivé sur l’attitude de Mahamane, le jour où la Cour constitutionnelle aura tranché ce différend qui l’oppose à Mohamed Bazoum. En un mot comme en cent, Mahamane Ousmane fait face à un dilemme cornélien à savoir le difficile choix entre la vertu de la constance, le port des oripeaux de la violence et … l’image d’un ancien chef d’Etat iconoclaste.
Elh. M. Souleymane