Très tôt, le pronostic de Niger Inter Hebdo a consisté à dire qu’au second tour de la présidentielle, l’on tend vers le scénario de 2004 où presque tous les partis politiques se sont ligués derrière feu Tandja Mamadou laissant Mahamadou Issoufou esseulé, malgré l’alternative de changement que constituait son offre politique, face au président sortant. Son régime était gangréné par la prédation et les Lettres d’autorisation préalable (LAP) puis les Paiements sans ordonnancement préalable (PSOP) du scandaleux gouvernement de Hama Amadou. Mahamane Ousmane va, inexorablement, connaitre cette triste réalité avec le cadeau empoisonné de l’autorité morale de Lumana FA, qui lui a forcé la main pour être le prochain chef de file de l’Opposition nigérienne. Mohamed Bazoum détient le ticket gagnant parce qu’il a su fédérer dans son camp les partis politiques de la MRN, l’APR et bien d’autres par la pertinence de son offre politique qui rime avec stabilité et cohésion nationales.
C’est un truisme que de dire que les esprits sont taraudés en ce moment par les négociations des prochaines alliances politiques dans le cadre du second tour de la présidentielle du 21 février prochain. Mais pour tout observateur averti, ces conventions ne sauraient faire abstraction de la réalité, notamment du contexte et des dynamiques politiques du moment. Pour ceux qui s’intéressent au jeu d’alliances au Niger, l’on retient que les vraies alliances, le ticket gagnant est toujours déterminé par le second tour. A l’épreuve des faits, les leaders politiques, ceux qui décident et engagent les partis politiques ont tendance à mettre en avant les intérêts politiques de leurs formations politiques. Et c’est justement au second tour de la présidentielle que les états-majors des partis politiques jaugent de quel côté se penchent les intérêts du pays et ceux des partis politiques en question. C’est dire que certains bruits savamment distillés par certains vendeurs illusions ou marginaux au sein des partis politiques n’ont aucune emprise sur les décisions politiques qui incombent, en dernière analyse, à ceux qui financent et gèrent véritablement les partis politiques. Le manifeste des illuminés qui circule sur les réseaux n’est qu’un tissu de lamentations et de litanies de certains intellectuels qui ont perdu le sens de la réalité politique.
La Mouvance pour la Renaissance du Niger, gage de stabilité
À propos du contexte politique actuel, il faut dire que la Mouvance pour la Renaissance du Niger (MRN) continue de gérer l’Etat. C’est un fait : jusqu’à preuve du contraire, le MNSD Nassara et le MPR Jamhuriya ont des ministres dans le gouvernement actuel. C’est dire que la coalition qui a accompagné le président Issoufou, depuis son initiative de formation du gouvernement d’union nationale (GUN) est toujours en vigueur, malgré le contexte électoral que le pays vient de connaitre. Cette posture de Jamhuriya et du MNSD peut être décryptée comme une volonté de continuer la gestion de l’Etat dans la coalition MRN. Autrement, ne serait-ce que pour lever l’équivoque, ces alliés du PNDS Tarayya auraient dû notifier la rupture de cette alliance. Du moins de façon provisoire. Ce qui n’est du tout le cas.
Et le plus important à retenir, c’est que l’expérience de la MRN a fait montre d’une garantie de stabilité politique et institutionnelle pour le Niger à la différence de l’offre de Mahamane Ousmane, qui rappelle la cohabitation qui est synonyme d’instabilité, d’incertitude et le chaos. Du moins, dans sa version décrite maladroitement par un député proche de Mahamane Ousmane dans un audio WhatsApp qui fait le buzz. En effet, la cohabitation c’est le souvenir que les Nigériens gardent de son expérimentation à travers le combat de titans qui a opposé Mahamane Ousmane et Hama Amadou en 1995. Une période caractérisée par la guéguerre au sommet de l’Etat où le président de la République peut observer des grèves pour ne pas présider les Conseils des ministres ; et pour le punir de cet acte, le Premier ministre le prive des moyens de fonctionnement. Bref, la cohabitation de ce genre, c’est mettre l’État à terre et faire courir au pays des périls majeurs dont l’instabilité, qui constitue une menace réelle pour notre développement, dans un contexte d’insécurité et de bien d’autres menaces exogènes comme la Covid 19. Disons-le tout net, la cohabitation, comme offre politique de Mahamane Ousmane, est synonyme de conflits de personnes et la négation des valeurs républicaines.
Mahamane Ousmane : une offre politique d’instabilité
C’est dire combien l’offre politique de Mahamane fait planer l’instabilité sur le pays. Qui plus est, les partis politiques ne sont pas prêts à aller aux élections de sitôt pour la simple et bonne raison que les élections coûtent cher au pays et aux partis. C’est dire qu’au regard de l’impasse que constitue l’offre de Mahamane Ousmane, les partis politiques comme le MNSD Nassara et le MPR Jamuhuriya ont de bonnes raisons de poursuivre et consolider leur alliance avec le PNDS Tarayya, plutôt que de s’engager dans une aventure sans lendemain. Et même certains partis de la Cap 20-21 pourraient invoquer la stabilité pour rejoindre le camp de Mohamed Bazoum en se démarquant des pêcheurs en eaux troubles qui érigent la cohabitation ou l’instabilité en programme politique. En d’autres termes, l’offre politique de Mahamane Ousmane ressemble, à bien des égards, à un mirage loin de fédérer les formations politiques qui ont le vent en poupe. C’est donc sans aucune surprise que les partis de la Mouvance pour la Renaissance du Niger (MRN) et de l’Alliance pour la République (APR) vont contribuer l’œuvre de construction nationale et, par ricochet, garantir la stabilité des institutions et du Niger. Mohamed Bazoum a la chance de présenter aux Nigériens une offre politique pertinente sans risque de tensions et de guéguerre inutiles.
Le cadeau empoisonné de Hama à Ousmane…
Très certainement après cette euphorie d’avoir empêché le coup KO, Mahamane Ousmane et Hama Amadou feront face à la réalité. Une triste réalité pour leur camp, en ce sens que le jeu politique est loin d’être en leur faveur. En effet, en perdant les élections locales et législatives, la marge de manœuvre du candidat Mahamane Ousmane est assez réduite, pour la simple raison que, dans le jeu d’alliances dans le cadre du second tour, il se trouve dans un dilemme cornélien : faut-il s’engager ou désister face à la réalité politique du terrain ?
Le candidat Ousmane va affronter le second tour très affaibli par la perte des législatives et locales, la prééminence d’un allié encombrant qui n’inspire plus confiance aux éventuels alliés à démarcher mais aussi et surtout par la vacuité de son offre politique à savoir la faiblesse des ressources à promettre aux alliés pour le second tour. Nous sommes sur le terrain politique, nul besoin d’euphémisme pour dire les choses qui se présentent crûment.
Au moment où Mahamane s’embourbe dans une confusion totale à faire deal avec les formations politiques, son adversaire Mohamed Bazoum brille par la cohérence de ses promesses. En effet, au moment où plus d’une formation politique se demande s’il faut négocier avec Ousmane ou Hama Amadou, Bazoum se trouve en très bonne posture. Bazoum fera des propositions concrètes à ses alliés au moment où Ousmane va verser dans la spéculation et le balbutiement.
A la guerre comme à la guerre, le PNDS Tarayya et la coalition Bazoum 2021 ont acquis la majorité au parlement, le gouvernement sera essentiellement sous l’emprise du PNDS. C’est dire que, politiquement parlant, avec Bazoum, l’on est loin du marché de dupes que pourrait constituer l’offre de Mahamane Ousmane dont la volonté se réduit au bon vouloir de Hama Amadou. Quoi de plus normal, puisque la force politique entre les deux est telle que Hama Amadou dispose de 19 députés alors qu’Ousmane n’en a que 7 !
Hama, un allié encombrant
On l’aura compris, Hama Amadou constitue l’obstacle majeur qui a fait de Mahamane Ousmane un candidat clivant et méfiant aux yeux des autres leaders politiques. Tout se passe comme si le combat de Mahamane Ousmane se réduit à la seule cause de Hama Amadou. Ce qui en soi ne rassure guère les éventuels alliés.
Qui plus est, à bien comprendre certains communicants du tandem Ousmane/Hama, leurs éventuels alliés doivent souffrir d’attendre que Mahamane Ousmane dissolve l’Assemblée nationale, s’il est élu, puis organiser des élections anticipées, ensuite, rebeloter pour, enfin, réviser la loi fondamentale et, ainsi, réduire le nombre des députés de 171 à 113 membres. Les « choses » se présentent sous cet angle, à en croire le député Issaka Manzo, dans l’audio évoqué plus haut. En d’autres termes, négocier avec Mahamane, dans ce sens, revient à marchander du poisson dans l’eau. Un véritable casse-tête chinois. Et que dire de l’intérêt du pays qui a besoin de stabilité face aux défis sécuritaire, de la Covid 19 et aussi de développement ?
En substance, il va sans dire qu’au second tour, Bazoum a des éléments de langage et des arguments plus pertinents que Mahamane Ousmane. Le débat se posera aux Nigériens en ces termes : la stabilité versus l’incertitude ou le chaos. Et au détriment de Mahamane Ousmane, les Nigériens ont encore en mémoire la puanteur de la cohabitation dont le même Ousmane et Hama Amadou étaient les principaux acteurs. Quelle ironie du sort, que ce soit encore les deux hommes qui voudraient nous forcer à la rumination de ce passé peu glorieux où d’aucuns ont même déchanté de la démocratie elle-même !
De tout ce qui précède, la tendance des alliances, au second tour, rappelle bien la situation de 2004 où le président Issoufou a fait face presque seul à Tandja Mamadou après que les Mahamane Ousmane l’ont roulé dans la farine. En 2021, Mahamane Ousmane et son allié principal Hama Amadou avec quelques aigris bras cassés risquent de savourer ce sort réservé au PNDS Tarayya en 2004. Just wait and see !
Elh. M. Souleymane
Niger Inter Hebdo N°006