« Le ministère français des affaires étrangères déconseille formellement tout déplacement au Niger, à l’exception de la capitale Niamey qui est déconseillée sauf raison impérative ». Cette « décision injuste » d’ériger le Niger « zone rouge », prise par le gouvernement français au lendemain de l’attaque meurtrière du 9 août dernier à Kouré ayant coûté la vie à huit (8) personnes est une aberration.
Selon la version officielle, l’assassinat crapuleux de six (6) français travaillant pour l’ONG humanitaire Acted et deux (2) nigériens (le chauffeur de l’ONG et le guide touristique) a été commis par un groupe d’individus armés non identifiés, dans la réserve naturelle de Kouré qui abrite les dernières girafes de l’Afrique de l’Ouest.
Un acte odieux qui a durement heurté la conscience du peuple nigérien avec à sa tête le président de la République, chef de l’Etat Issoufou Mahamadou qui a qualifié cette attaque de « lâche et barbare », avant de présider un conseil de sécurité, à la suite duquel les départements de Kollo et Balleyara ont été placés sous l’état d’urgence.
Alors que le Niger et ses partenaires engagés dans la lutte contre le terrorisme s’activaient à rattraper les auteurs de cette barbarie ignoble, le gouvernement français aligne le Niger sur la liste rouge des pays dangereux à ne pas s’y rendre absolument.
« C’est une mesure injuste, une double peine pour le pays », a ainsi tweeté, Seidik Abba, journaliste et écrivain nigérien, en réaction à cette décision française. Beaucoup d’autres nigériens ont également réagi face à cette « injustice » du gouvernement français envers le Niger, un pays qu’il exploitait pourtant depuis plusieurs décennies.
« Quelle injustice de faire passer mon Niger en rouge. Au Bataclan et partout dans le monde, personne n’est à l’abri du terrorisme. Nous n’avons pas de marqueur pour peindre la France en rouge, mais nous avons de l’uranium pour apporter de la lumière. Nous avons notre chaleur humaine et notre sens de l’accueil qu’on ne trouve nulle part ailleurs, nous avons notre humanité…», lit-on sur la page Facebook de Macky Kidy Aicha, artiste, réalisatrice et cinéaste nigérienne, fustigeant aussi cette manière de faire de la France.
Maman Gondwana, humoriste nigérien, très connu de part le monde a lui aussi décrié cette attitude du gouvernement français. « Après le Bataclan (130 morts), Charlie Hebdo (12 morts), des attentats en plein cœur de Paris, des dizaines de morts, nous avons compati », se souvient-il. Mais voilà qu’après Kouré (8 morts), proteste-t-il, « les médias et les internautes français se déchainent sur le Niger ». Or, « Paris n’est pas plus sûr que Niamey », dira sur sa page Facebook, Waziri Idrissa, président du PNDS France.
Dans l’ensemble, les nigériens désapprouvent et protestent contre ce « mépris » de la France envers leur pays, le Niger, dont l’essentiel de ses matières premières, notamment l’uranium, est exploité par la France colonisatrice.
« Une ampoule sur trois en France fonctionne avec l’uranium nigérien », indique-t-on. En plus, le Niger est l’un des rares pays en Afrique francophone où les français, en dépit de leur passé colonial, sont accueillis à bras ouverts, bénéficiant même d’une sorte d’« immunité » dans tout ce qu’ils entreprendraient. En plus, l’hospitalité légendaire des nigériens, les français en bénéficient très largement, mais l’inverse n’est pas évident.
Malgré tout, la France, après l’assassinat de six (6) de ses ressortissants, considère aujourd’hui le Niger comme un pays à ne pas s’y rendre, le plaçant dans la « zone rouge ».
Paradoxalement, le Quai d’Orsay ne demande pas à ses ressortissants qui résident chez nous de plier bagages, surtout que dans sa notice publiée le 12 août dernier, le ministère français des affaires étrangères évoque « une menace terroriste très élevée sur le Niger ». Des risques que des mouvements terroristes présents au Sahel conduisent des « opérations à divers endroits au Niger ».
Mais les nigériens, soudés derrière leurs Forces de défense et de sécurité (FDS) ne céderont pas à la panique. Avec ou sans l’assistance des partenaires, notamment la France, ils se battront pour préserver leur souveraineté.
Vilipendé le Niger de la sorte, un pays que la France appelle pompeusement « pays ami », mais qu’elle qualifie de « dangereux », semant ainsi la psychose et le doute dans l’esprit des investisseurs étrangers et tous ceux qui désirent le visiter et découvrir son potentiel de richesses, et ce, à quelques mois de la tenue des élections générales dans ce pays, est impropre et inapproprié. Par cet acte, la France n’a fait que « poignarder le Niger dans le dos ».
Oumar Issoufa