Une journée triste. C’est ce qu’on doit retenir du 15 mars dernier où lors d’une violente manifestation à l’appel de certaines organisations de la société civile, 3 personnes ont perdu la vie, à Niamey, consumées dans les flammes provoquées par un incendie. Triste qu’une manifestation annoncée comme pacifique, au départ, se transforme en enfer pour les populations. A certains carrefours, des pneus ont été brûlés comme pour donner une impression de chaos.
Pourtant, le 15 mars est, au plan international, un symbole. Car c’est cette date qui est retenue comme journée internationale des droits des consommateurs. Une journée au cours de laquelle des plaidoyers pertinents devraient être développés pour défendre les consommateurs dans un contexte de libéralisation accrue des secteurs dits marchands.
Au Niger, les consommateurs en ont besoin. Mais force est malheureusement de constater que l’agenda des organisations de la société civile, qui sont dans le débat public, ne porte pas sur cette thématique. Nombre d’entre elles, en raison de la connexion qu’elles ont développée avec des partis politiques, ont perdu leur propre discours, et du coup leur autonomie d’action et de réflexion.
C’est en raison de cette posture que des organisations de la société civile préfèrent les méthodes quasi insurrectionnelles au combat pacifique. A partir de l’instant où les autorités compétentes décident de ne pas autoriser une manifestation en raison des troubles éventuels à l’ordre public ou des consignes sanitaires liées au coronavirus, les organisateurs de la manifestation avaient un choix à opérer : soit reporter leur manifestation soit assigner les autorités en référé.
Non, ils ont choisi l’option du défi à l’autorité en appelant leurs partisans à braver l’interdiction. Car ils ne peuvent exister qu’en défiant l’autorité. Ce qui engage leur propre responsabilité dans les dégâts humains et matériels mais aussi la dégradation des voies publiques qui ont découlé de leur action. Or ils avaient le droit de porter l’affaire devant le juge parce que c’est cela aussi les exigences de l’Etat de Droit et de la démocratie. On ne peut pas attendre des autres qu’ils respectent ces exigences, et s’en soustraire. Une telle démarche aurait contribué à la formation de leurs adhérents sur la nécessité d’utiliser les voies de recours qu’offre la loi si l’on estime que les autorités ont abusé de leur pouvoir. C’est aussi cela l’éducation à la citoyenneté.
Au finish, on se rend compte que les autorités avaient eu raison de ne pas autoriser cette manifestation qui a eu pour conséquence mort d’hommes et troubles à l’ordre public. Elles avaient raison d’interdire de tels regroupements de plus de 1.000 personnes en raison de la propagation de l’épidémie à coronavirus. Comme on le voit, même dans les pays où le système de santé est performant et développé, il est interdit des regroupements de plus de 10 personnes. Cette épidémie n’est pas de la plaisanterie. On comprend maintenant qu’en prenant les mesures du 13 mars dernier, le gouvernement savait effectivement de quoi il s’agissait parce qu’il avait une bonne connaissance du niveau de la menace. On comprend aussi pourquoi les partis politiques de l’opposition, qui avaient soutenu la manifestation, au départ, avaient accepté de se conformer aux consignes sanitaires édictées par le gouvernement. C’était une attitude de responsabilité de leur part qui aurait dû inspirer les acteurs de la société civile favorable aux manifestations. Ce qui nous aurait évité la mort de ces 3 personnes et les importants dégâts matériels causés. Car de toute évidence, la société civile a mille et une occasions pour manifester bruyamment et autant qu’elle le désire tant que les conditions de sécurité publique sont remplies. Du reste, depuis l’avènement de ce régime, elle a eu de nombreuses occasions pour tenir ses marches et meetings, et le pourfendre sans que cela ne donne lieu à quelques représailles que ce soit.
La leçon de sagesse qu’il faut finalement tirer est celle que le philosophe grec Aristote avait donnée : en toute chose, il faut savoir raison garder.
Tiemogo Bizo