Peut-on imaginer une démocratie sans partis politiques ? C’est difficile, nous semble-t-il. Car selon notre charte des partis politiques, ces derniers sont « des associations à but non lucratif qui, conformément à la Constitution, regroupent des citoyens nigériens autour d’un projet de société et d’un programme politique, en vue de concourir à l’expression du suffrage universel et de participer à la vie politique par des moyens démocratiques et pacifiques ». En d’autres termes, ils doivent conquérir et exercer le pouvoir autour d’un projet de société qui rencontre l’adhésion des citoyens électeurs.
Pourquoi s’interroger sur la nécessité des partis politiques en démocratie particulièrement dans le contexte nigérien ? La raison est toute simple. Elle découle, du reste, du constat selon lequel les partis politiques sont de plus en plus privatisés au profit de leurs chefs et de leur coterie.
Bien qu’ils soient des associations librement constituées par des citoyens, les partis sont devenus les « machins » de ceux qui les dirigent. C’est pourquoi, certains ont fait de la direction de parti un gagne-pain. Et ils vivent bien de cette activité qui se révèle lucrative, sans qu’on ne s’en rende compte. On comprend pourquoi l’alternance est la chose la moins partagée dans le fonctionnement des partis alors que l’on est dans un cadre purement associatif et démocratique. De cette vérité découle l’indifférence des partis à tenir les instances statutaires comme les congrès aux délais fixés par leurs propres textes.
Récemment encore, il a suffi d’une sommation du ministre de l’intérieur pour que comme des écoliers en retard, les chefs des partis courent dans tous les sens pour tenir les instances. Sans y croire. Pourtant, la charte des partis leur impose quantité d’obligations qu’ils foulent allègrement aux pieds. Il s’est alors installé une sorte de société de connivence où les partis sont à l’abri de toute sanction. Car si vous cherchez à les sanctionner, il y aura des voix qui auront vite fait de vous taxer de vouloir museler des expressions libres exactement comme dans le cas des ONG et associations dont beaucoup servent des intérêts privés. Or, il faut absolument donner des coups de pieds dans ces fourmilières pour que vive la démocratie.
En parlant d’obligations, comment ne pas évoquer le rôle des partis dans la sensibilisation et la formation de leurs membres et leur contribution dans la formation de l’opinion ? Comment ne pas évoquer leur responsabilité dans la sauvegarde de la paix, de la sécurité, de l’unité nationale, de la démocratie, de l’Etat de droit et de la coexistence pacifique ?
La charte est tout aussi claire quant au fonctionnement et à l’organisation des partis qui se font conformément aux principes démocratiques et aux textes qui les créent. Mais non, certains chefs des partis n’en font qu’à leur tête. La charte précise par exemple les conditions dans lesquelles les partis politiques peuvent fusionner. L’une des conditions, c’est qu’il faut un congrès en tant qu’instance suprême pour acter la décision de fusion. Aujourd’hui, les partis, parce qu’ils sont en difficultés financières ou faute d’assises populaires, décident au niveau de leurs élites de fusionner. Une simple déclaration à la presse est faite. Et c’est tout.
Pour dire que les leaders ne respectent rien du tout pas même l’obligation de réserve à laquelle sont assujettis certains cadres de l’administration en raison des responsabilités nationales qu’ils exercent et qui requièrent une neutralité absolue comme les secrétaires généraux des Ministères, les cadres de l’administration territoriale, les directeurs des projets, programmes, sociétés d’Etat, etc.
Hier comme aujourd’hui, c’est devenu comme une tradition séculaire dont il faut se départir pour bâtir un système démocratique fiable et viable.
Tiemago Bizo