»Les questions de sécurité c’est des choses assez sérieuses qui ne se règlent pas par le règlement intérieur de l’Assemblée nationale ou le code électoral », déclare le député Mano Aghali
Mano Aghali est député national au titre du PNDS-TARAYYA principal partie au pouvoir. Dans l’entretien qui suit, il se prononce sur la motion de censure et il donne son point de vue sur les questions de sécurité et le code électoral qui ont marqué les débats sur la motion de censure.
Niger Inter : vous avez discuté et rejeté la motion de censure de l’opposition déposée. Quel est votre appréciation du document de cette motion?
Député Mano Aghali : En effet, le jeudi dernier nous avons commencé l’examen de cette motion de censure et ça s’est poursuivi jusqu’à 3 heures du matin le vendredi. J’ai personnellement lu et relu le document de base de cette motion de censure. J’avoue que 95% de leurs griefs à l’encontre du gouvernement ne tiennent pas la route. Sur certains chiffres qui sont en faveur du gouvernement ils ont fait l’impasse. Sur des réalisations qui sont en cours, on donne des avis, des interprétations tendancieuses. Et j’ai fait un reproche à cette motion de censure personnellement en intervenant. Là où ils ont utilisé le mot catégorisation dans leur document, je leur déconseille d’utiliser ces genres de mots. C’est Hama Amadou qui a utilisé pour la première fois ce terme à la suite de l’attaque de Tongo-tongo le 14 Mai dernier. N’oublions pas que dans cette même zone il y a eu 4 soldats américains qui ont été tués. Il y a eu bien d’autres morts dans cette zone. Quand il y a mort d’hommes au sein de notre armée, à mon avis ce n’est pas le moment de parler de catégorisation. Je comprends le sens de ce mot.. J’étais député de 2004 à 2009, je connu des dépôts et de vote des motions de censure. Aujourd’hui le leader de l’opposition qui parle de catégorisation, quand on a voté la motion de censure à son encontre je connais ce qu’a été sa réaction. Il faut donc éviter des propos de nature à semer le désordre et la confusion entre nigériens. Sinon à propos de la motion de censure elle-même, je pense que c’est un exercice qui est nécessaire et qu’il faut faire pour revitaliser notre démocratie. J’ai déploré le fait que nos amis de l’opposition ont eu recours aux fakenews dans le but de nuire à l’image des gouvernants. L’exemple de la référence à un journal malien qui n’a jamais existé en est un exemple évident. Et l’autre remarque que je fais c’est que certaines personnes sont en partie responsables dans la gestion actuelle du pays donc pour moi elles sont mal placées aujourd’hui pour rabâcher ce qu’elles n’auraient jamais dit si elles étaient dans le système.
Niger Inter : L’opposition reproche à votre majorité d’être mécanique. Que répondez-vous ?
Député Mano Aghali : Moi je dirais le contraire. En effet, c’est la première fois, au niveau de l’Assemblée nationale qu’on a pris les députés nationaux pour aller faire des missions sur l’ensemble du pays sur la question épineuse de sécurité. Et chacun n’a pas été dans sa propre région mais plutôt ailleurs pour voir en tant que député national ce qui se passe dans le pays. Cela n’a jamais été fait auparavant. Maintenant sur cette question de bases militaires, je dois dire que pour ceux qui connaissent ce qu’est l’insécurité comme moi, ce sont des questions qui ne se traitent pas comme ça à l’hémicycle ou sur les réseaux sociaux. Je suis de la région d’Agadez qui fait 52% du territoire nationale. Le point le plus reculé c’est Bilma. L’autre frontière c’est avec l’Algérie avec un site aurifère qu’on apelle Tchibarakatan. L’autre point c’est Aderbissanat. J’ai fait tous les coins et recoins de cette région mais je ne suis pas seulement le député de cette région, je suis député national. Je pense les députés de l’opposition nous font un faux procès. Et ils ne doivent pas oublier que c’est le peuple souverain qui appréciera aux futures élections de qui mérite sa confiance.
Niger Inter : Comment expliquez-vous le fait que 38 députés ont voté pour la motion au lieu de 35 signataires ?
Le député Mano Aghali : D’abord pour le dépôt je dois préciser qu’ils sont au nombre de 33 car l’opposition a au total 33 élus. Et conformément à la loi il leur faut 35 signatures pour déposer la motion de censure. Ce qui s’est passé c’est qu’ils ont eu la caution de deux députés qui sont connus comme non-inscrits. Ils les ont cooptés et ils ont fait signer la motion de censure. Maintenant au cours du vote, il s’est avéré au lieu que ce soit 35 il y a eu plutôt 38 pour la motion donc 3 se sont ajoutés au vote de l’opposition. N’oublions pas qu’au niveau de l’Assemblée nationale, il y a des non-inscrits qui peuvent voter dans un sens ou un autre. Moi je mets ces trois -là dans le lot des non-inscrits qui n’obéissent pas à un mot d’ordre ou consigne de vote de leur regroupement politique. Maintenant c’est comme du pain béni si l’opposition considère que ces trois sont issus de la majorité.
Niger Inter : l’opposition vous reproche d’avoir fait cavalier seul pour adopter un code électoral non consensuel. Que dites-vous ?
Député Mano Aghali : Je suis de la Commission des affaires Générales et institutionnelles (CAGI), la commission des lois. Nous avons examiné ce texte de fond en comble avec les députés de l’opposition. Mieux nous avons examiné ce texte en présence du représentant du Front patriotique. Vous pouvez chercher le rapport de la commission et vous allez voir que ce n’est pas l’intégralité de l’opposition qui a boycotté l’examen du code électoral. Je puis vous dire qu’aujourd’hui aux yeux de l’opposition le seul article qui fait problème c’est l’article 8 qu’ils veulent changer malgré qu’il n’ait pas été inventé par ce régime. Cet article a toujours existé dans le code électoral depuis 1992. C’est cela le fond du problème. Je rappelle simplement ce principe à nos amis de l’opposition : la loi est générale et impersonnelle. D’ailleurs imaginez si cet article a été inséré au code électoral à l’initiative du régime actuel. C’est vous dire que c’est un faux débat, un procès d’intention de la part de nos adversaires politiques.
Niger Inter : la question de la sécurité a constitué un autre point d’achoppement pendant le débat sur cette motion de censure. L’Opposition accuse le gouvernement de faire du laisser-aller, il ne fait rien pour assurer la sécurité des nigériens…
Député Mano Aghali : Sur la question sécuritaire je suis très à l’aise pour avoir participé à la rédaction et à la mise en œuvre des accords concernant les anciennes rebellions au Niger. Je connais ce que c’est que l’insécurité. J’ai eu à participer à des négociations même en 2007 à la reprise de la rébellion. A ce sujet, je dois dire que les questions de sécurité sont structurelles. Je viens d’évoquer le cas de la rébellion juste pour faire un parallèle. En ce qui concerne aujourd’hui boko haram ou autres groupes terroriste quel député de l’opposition, quel acteur de la société civile, quel ministre ou quel journaliste pourrait dire voici l’identité de ces groupes et leurs revendications ? Vous avez l’Etat Islamique au grand Sahara à la frontière avec le Mali qui sème la terreur et tue les gens. Au niveau de notre frontière avec le Nigeria, ce qui se passe à Diffa et bien d’autres localités de notre pays ne suffit-il pas pour entamer des négociations si seulement ces terroristes et leurs revendications étaient connus ? Je crois que de la même façon qu’on a discuté et trouver une solution aux rebellions connues de la même façon on aurait jugulé cette insécurité. C’est vous dire que face à la guerre asymétrique ce n’est pas une affaire d’un régime mais plutôt une question d’intérêt national où tout le monde doit apporter sa pierre pour une sortie de l’ornière. Ce n’est pas aimé son pays que de vouloir faire le jeu des terroristes en voulant démoraliser les troupes. Ailleurs c’est connu face aux périls majeurs toute la classe politique s’unit autour de l’essentiel. Mais chez nous l’on a l’impression que c’est l’occasion pour chercher à affaiblir les institutions de la République. C’est bien dommage une telle vision de l’Opposition politique. De mon point de vue, au regard de la situation dans la sous-région s’il y a un président ou un gouvernement à féliciter c’est bel et bien celui du Niger qui s’en sort mieux. Les questions de sécurité c’est des choses assez sérieuses qui ne se règlent pas par le règlement intérieur de l’Assemblée nationale ou le code électoral. C’est très sérieux parce que ça engage la vie humaine, notre vie. Aujourd’hui on est fier, au Niger on n’a pas perdu un seul millimètre de notre territoire malgré les défis réels. On pourrait nous rétorquer que nous sommes derniers en indice de développement humain mais on peut être premier en sécurité. Il ne faut pas le cacher et il faut le vendre. Et s’il y a beaucoup de partenaires qui viennent au Niger on doit plutôt être fier du fait que notre pays soit présent dans les grandes rencontres pour décider du sort de l’humanité mais aussi de notre propre situation nationale.
Niger Inter : quelle leçon avez-vous tirée du débat sur la motion de censure de l’opposition ?
Député Mano Aghali : La première leçon c’est que la majorité, la coalition qui soutient le président Issoufou et le gouvernement est une majorité très solide. La 2ème leçon c’est que la motion de censure va être désormais une pratique de l’opposition, c’est la trouvaille, ils ont longtemps espéré cela ils vont en faire désormais leur tasse de thé. Et en tant que démocrate, l’autre leçon que je tire de cet exercice c’est à travers une motion de censure que le gouvernement peut faire la publicité de ce qu’il a fait et fait aux Nigériens à juste titre et l’Opposition peut faire faire ses critiques et se remettre en selle si j’ose dire. Mais pour la précédente c’était vraiment une très belle occasion qui a permis au gouvernement de bien communiquer avec le peuple. Je pense que le gouvernement va s’ajuster sur les points où la critique de l’Opposition s’avère pertinente pour aller de bon pied. Et la preuve nous venons de voter un collectif budgétaire pour donner plus de moyens pour assurer notre sécurité. Moi je prie pour que notre pays soit en paix et en sécurité pour que chacun quand son tour viendra puisse le gérer. Encore faut-il que le pays existe pour prétendre le diriger.
Propos recueillis par Elh. M. Souleymane