Discours De SEM Issoufou Mahamadou à L’ouverture Officielle Du Premier Sommet De La Commission Climat Sahel

EXCELLENCES MESSIEURS LES CHEFS D’ETAT ET DE GOUVERNEMENT,
MONSIEUR LE PRESIDENT DE L’ASSEMBLEE NATIONALE
MONSIEUR LE PREMIER MINISTRE, 
MESDAMES ET MESSIEURS LES MINISTRES,
HONORABLES DEPUTES,
MESDAMES ET MESSIEURS LES AMBASSADEURS ET REPRESENTANTS DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES,
HONORABLES CHEFS TRADITIONNELS ET RELIGIEUX,
MESDAMES ET MESSIEURS,

Le Peuple Nigérien est heureux de vous accueillir à Niamey, à l’occasion de ce premier de la Commission Climat pour la Région du Sahel. En son nom, je vous souhaite à tous la chaleureuse bienvenue.
Votre présence témoigne de notre convergence de vue sur les enjeux du changement climatique non seulement pour la région du Sahel mais aussi pour l’ensemble de notre continent et le monde. Elle marque notre détermination à tenir nos engagements pris en 2015 à Paris, à l’occasion de la COP21 et à Marrakech lors de la COP22. Elle confirme aussi notre engagement pris à l’issue du Sommet Africain sur la co-émergence, tenu en marge de la COP22 à l’initiative de Sa Majesté le Roi Mohamed VI du Maroc. En plus de la Commission Climat du Sahel nous avions, à l’occasion de ce sommet, mis en place deux autres Commissions dont celle du Bassin du Congo présidée par le Président Denis Sassou N’Guesso qui nous honore de sa présence. Permettez-moi aussi de saluer la présence parmi nous des Présidents Idriss Deby Itno, Alpha Condé et Marc Roch Christian Kaboré. Je connais leur engagement dans le combat que nous avons décidé d’engager pour sauver notre planète.

EXCELLENCES, MESDAMES ET MESSIEURS,
Nous sommes tous convaincus que, je cite : « la facture entropique des première et deuxième révolutions industrielles arrive à échéance. Les deux cent années où l’on a brûlé du charbon, du pétrole et du gaz naturel pour propulser un mode de vie industriel ont envoyé quantité de dioxyde de carbone dans l’atmosphère terrestre. Cette énergie dépensée-la facture entropique- empêche la chaleur du rayonnement solaire de quitter la planète et menace donc celle-ci d’un changement catastrophique de température. ». Fin de citation.
Cette facture entropique a déjà coûté très cher à l’Afrique en général et à la région du Sahel en particulier. En effet, la région du Sahel, d’une étendue de dix (10) millions de km2, s’étendant de l’océan atlantique à la corne de l’Afrique, est soumise à une très forte variabilité climatique qui se traduit par la modification des régimes pluviométriques, l’apparition de phénomènes météorologiques extrêmes, des sécheresses récurrentes avec des effets perceptibles sur les terres agricoles (le Niger en perd 100.000 hectares par an), les pâturages et la disponibilité en eau. Nous avons tous en mémoire les grandes sécheresses que cette région a connues au début des années 70 et 80. Nous savons aussi que le rétrécissement du lac Tchad, dont la superficie actuelle ne représente que 10% de celle des années 60, constitue un élément de cette facture entropique qui a aussi une grave influence sur les régimes des fleuves. Par ailleurs, s’agissant des zones maritimes, l’érosion côtière de plus en plus accentuée entraîne la disparition progressive des infrastructures attenantes aux côtes et des cordons de protection, ainsi que la dégradation des écosystèmes côtiers. Ainsi que l’indique le cinquième Rapport du Groupe Inter Gouvernemental des Experts sur le Climat (GIEC), il y a un risque d’une exacerbation de ces phénomènes à travers une extrême variabilité saisonnière et décennale des précipitations et une plus grande uniformité en ce qui concerne les projections relatives à la température, qui annoncent une augmentation notable, surtout pour les mois d’été.

EXCELLENCES, MESDAMES ET MESSIEURS,
La situation du Sahel montre combien le changement climatique a un impact sur la disponibilité des ressources. Son impact sur la pauvreté n’est plus à démontrer : on estime qu’il pourrait y faire basculer cent millions de personnes, dans le monde, d’ici 2030 alors que la pollution atmosphérique, responsable de 7 millions de décès prématurés par an, entraînera des coûts directs de santé qui atteindraient quatre milliards de dollars par an d’ici 2030.
Véritable menace contre la sécurité alimentaire et nutritionnelle, le changement climatique est, avec les conflits, une des causes de l’accroissement de la famine, ces trois dernières années, dans le monde : ainsi, le nombre de personnes qui ont faim a augmenté, en 2016, de 38 millions par rapport à 2015. Ce nombre de personnes a continué à augmenter en 2017 et 2018. C’est dire que le changement climatique peut compromettre un des objectifs majeurs des ODD : la faim zéro dans le monde d’ici 2030.
La situation du Sahel montre aussi l’impact du changement climatique sur la sécurité et la stabilité sociale et politique. Par exemple, La naissance et le développement de Boko Haram sont, en partie, liés à la paupérisation des populations du fait du retrait des eaux du lac qui a eu un impact sur les ressources agricoles, pastorales et halieutiques au niveau de l’ensemble du bassin. La liaison entre changement climatique et terrorisme est désormais établie.
La situation du Sahel montre, enfin, la liaison qui existe entre changement climatique et migration. Beaucoup de migrants qui quittent le Sahel sont des migrants climatiques. Cette migration risque de s’amplifier car, selon les projections, le réchauffement planétaire sera plus marqué à la fin du siècle, au Sahel par rapport au reste du monde. Il y sera enregistré des hausses de température pouvant dépasser +4°C, à l’intérieur des terres, dans la partie Ouest tandis que sur la côte et près de la limite Sud la hausse sera moins marquée mais atteindra +3°C. Par conséquent, le Sahel sera probablement une des principales régions d’origine des 250 millions de migrants attendus en 2050 dans le monde. A titre de comparaison, ce chiffre est trois fois supérieur à celui de migrants provoqués par la seconde guerre mondiale.

EXCELLENCES, MESDAMES ET MESSIEURS,
Au regard des prévisions plus que probables, il apparaît clairement que la situation de notre région semble être exclue du pari de tous les scénaris d’ambition défendue par la communauté internationale, y compris celui devant maintenir l’augmentation de la température sous 2°C d’ici la fin du siècle. Nous continuerons donc, malheureusement à payer les conséquences d’une situation dont nous sommes loin d’être responsables. En plus, les pays du Sahel n’étant équipés, pour la plupart, ni des infrastructures de la première révolution industrielle, celle du charbon et du chemin de fer, ni de celles de la deuxième révolution industrielle, la révolution du pétrole, de l’électricité et de l’automobile, les pays du Sahel, dis-je, doivent opérer un saut historique pour entrer dans la troisième révolution industrielle, la révolution du zéro carbone, celle des énergies renouvelables, de la transformation du parc immobilier en microcentrales énergétiques, de la technologie de l’hydrogène et d’autres techniques de stockage d’énergie, de la technologie d’internet et des réseaux électriques intelligents c’est-à-dire pouvant transporter l’énergie dans les deux sens exactement comme internet, enfin celle du changement des moyens de transport par passage aux véhicules électriques branchables ou à pile à combustible. S’engager dans la mise en place des énergies renouvelables est une des conditions pour que nos pays honorent les engagements qu’ils ont pris dans leurs Contributions Déterminées au Niveau National (CDN), contributions qui prévoient des mesures d’atténuation aussi bien que des mesures d’adaptation.

EXCELLENCES, MESDAMES ET MESSIEURS,
Dans le cadre de sa participation à l’effort global de réduction des émissions de gaz à effet de serre, le Niger, à l’instar des autres pays parties à la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changement Climatiques, a élaboré et soumis le 26 Septembre 2015, sa Contribution Déterminée au Niveau National CDN d’un coût estimé à 8,6 milliards de dollars, dont 3 milliards sur fonds propres à l’horizon 2030. Cet engagement, axé principalement sur la problématique de la Gestion Durable des Terres, la question de la résilience de l’Agriculture et de l’épineux problème d’accès à une énergie Durable, devrait conduire le Niger à terme à asseoir une économie durable, sobre en carbone et qui garantisse une plus grande sécurité alimentaire.

La mise en œuvre judicieuse de notre CDN, devrait renforcer un capital de bonnes pratiques en matière de résilience climatique, en l’occurrence grâce aux résultats enregistrés par la mise en œuvre de l’Initiative 3N « les Nigériens Nourrissent les Nigériens », résultats ayant permis au Niger d’atteindre les cibles du premier Objectif du Millénaire pour le Développement OMD N°1 relatif à la diminution du niveau de pauvreté et de la faim.

EXCELLENCES, MESDAMES ET MESSIEURS,
Nous devons certes mettre en œuvre des mesures d’atténuation mais, au regard de notre niveau faible d’émission de gaz à effets de serre, nos pays doivent surtout mettre l’accent sur les mesures d’adaptation. C’est pourquoi la question d’accès aux énergies renouvelables à faibles coûts est, pour nous une question centrale. L’Afrique en général, le Sahel en particulier, possède un potentiel dans les énergies renouvelables qui commence à peine à être exploité. Nos ressources dans le solaire, l’éolien, l’hydroélectricité, la géothermie, la biomasse pourraient satisfaire nos besoins et au-delà. Ainsi, chaque Km2 du Sahel reçoit annuellement une énergie solaire équivalant à 1,5 million de barils du pétrole. C’est dire que les pays du Sahel doivent porter une attention particulière au Projet Desertec afin de le promouvoir avec les pays Européens qui le souhaitent.
Par ailleurs, avec la compétitivité de l’hydroélectricité et la tendance à la baisse des coûts des autres sources d’énergie renouvelable, notamment le solaire dont les coûts baisseraient, chaque année, en moyenne, de 8%, nous pouvons faire le saut historique, à condition que les engagements pris par les pays développés sur le plan financier, en matière de formation et de transfert de technologie soient tenus.
Du fait de son caractère stratégique majeur, la question énergétique est au centre de nos choix, stratégies et politiques pour affronter les défis que soulève le changement climatique.
Ces stratégies et politiques tiennent compte des défis que nous avons évoqués tantôt notamment des interactions entre changement climatique, dynamique démographique et migration. C’est tenant compte de cela et sur la base d’un Rapport Diagnostic sur les changements Climatiques au Sahel, qu’un Plan d’Investissements Climatiques pour la région du Sahel (2018-2030), d’un coût de 400 milliards de dollars a été élaboré. De ce plan il a été extrait un programme prioritaire (2018 – 2023), d’un coût de 1,32 milliards de dollars, qui sera soumis à la table ronde qui se tiendra demain 26 février ici même à Niamey.
Ces plan et programme, rédigés de façon participative, tiennent compte de toutes les préoccupations des pays membres de la Commission Climat du Sahel, notamment celles exprimées dans leurs Contributions Déterminées au niveau National (DTN)
C’est le lieu de présenter mes félicitations aux experts et aux Ministres qui, depuis Mai 2017, n’ont ménagé aucun effort pour mener à bien le processus d’opérationnalisation de la Commission Climat pour la région du Sahel. Je les encourage à maintenir les efforts afin que notre région honore les engagements qu’elle a pris en vue de la mise en œuvre de l’Accord de Paris.
Ces engagements ne pourront être tenus qu’avec le soutien de nos partenaires que je salue et remercie au nom de tous les pays membres de la Commission Climat pour la région du Sahel. En particulier je salue le Royaume du Maroc, hôte de la COP22 ainsi que Sa Majesté, le Roi Mohamed VI qui a eu l’initiative de la création des trois Commissions Climat du Continent. Je salue le Président Denis Sassou N’Guesso, Président de la Commission Climat du Bassin du Congo. Les échanges entre nos deux commissions nous permettront, certainement, d’avancer plus efficacement, ensemble, dans le combat pour sauver notre planète. Je renouvelle ma gratitude aux chefs d’Etat et de Gouvernement des pays membres de la Commission Climat pour la région du Sahel qui ont bien voulu rehausser de leur présence l’éclat de la présente cérémonie. Je salue également le Gouvernement Français, porte-flambeau du combat pour la mise en œuvre de l’Accord de Paris, ainsi que les Nations-Unies, la Banque Africaine de Développement et la Banque Mondiale. Je remercie, enfin, tous ceux qui, de près ou de loin, nous apportent leur appui afin que nous léguions aux générations futures un monde meilleur dans un environnement assaini.
Je déclare ouverts les travaux du 1ER des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la Commission Climat du Sahel.

JE VOUS REMERCIE./.