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UA 2019 : Trois raisons de se réjouir de la désignation du Niger

 Nombreux sont les nigériens qui s’attristent du fait que leur pays n’ait accueilli depuis plus d’une décennie de grandes « rencontres internationales » et contraints de les suivre, souvent impuissants, qu’à travers leurs écrans. Une absence qui se justifierait par la mauvaise réputation du pays : moins performant en IDH, contexte sécuritaire tendu et surtout déficit criant d’infrastructures.

 En effet, en 2018, le Niger est classé 52e en termes d’indice de développement des infrastructures sur 53 États africains (Banque africaine de développement, 2018). Cette époque semble de plus en plus révolue. Après les Jeux de la Francophonie organisés en 2005, notre pays s’apprête à abriter la 33ème Session ordinaire de la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de l’Union Africaine (UA2019) en juillet 2019. Une décision difficile à comprendre pour le citoyen lambda, en raison notamment de son coût certainement élevé. Même s’il reste non révélé ce jour, il devrait au moins s’approcher de celui de la Mauritanie : 34 millions d’euros (1 euro égale à 655,957 FCFA) pour l’organisation de l’UA 2018. Une dépense exorbitante pour un pays classé 187e sur 188 pays par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) dans son rapport 2016, et dont le niveau d’endettement, mesuré par le ratio de l’encours de la dette intérieure et extérieure rapporté au PIB nominal, s’est accru, passant de 25,6 % en 2013 à 51,1 % en 2017 (70% du PIB est toléré au niveau de l’UEMOA). Sans oublier le fait que l’organisation d’un tel sommet dans un contexte de difficultés financières et économiques au plan national et international constitue un grand défi pour notre pays. Néanmoins, face au coût élevé de l’événement et au contexte difficile, se dressent de nombreux avantages que le pays pourra en tirer profit. En voici quelques-uns pour se réjouir de l’attribution de l’organisation du 33è sommet de l’UA à Niamey :

 

1.     Rénover et construire des infrastructures modernes et durables

Les investissements d’infrastructure désignent les dépenses allouées à de nouvelles constructions d’infrastructures de transport ou à l’amélioration du réseau existant. Ils constituent un déterminant essentiel des performances du secteur des transports. L’infrastructure terrestre se compose de routes, chemins de fer, voies navigables, ports maritimes et aéroports, et les données tiennent compte de toutes les sources de financement. De bonnes infrastructures de transport procurent des avantages économiques et sociaux tant aux économies avancées qu’aux émergentes car elles améliorent l’accès aux marchés et la productivité, permettent un développement économique régional équilibré, créent de l’emploi, facilitent la mobilité de la main-d’œuvre et relient les collectivités entre elles (OCDE).

« Conscient de cela et convaincu de la nécessité pour le pays de se doter d’infrastructures aux standards internationaux et d’un savoir-faire pouvant permettre à notre pays d’être capable d’organiser des rencontres de haut niveau et de tirer profit de son positionnement géographique » (Agence Nationale pour l’Organisation de la Conférence de l’Union Africaine Niger 2019), le gouvernement entend faire de l’organisation de la conférence de l’Union Africaine une vraie opportunité pour combler le déficit d’infrastructures modernes du pays par :

-La Rénovation et la modernisation de l’Aéroport International Diori Hamani de Niamey pour faire face à la croissance du trafic escompté pendant la période de l’événement et pour les années à venir et élever le niveau de sécurité et de sûreté de cet aéroport ;

-La construction d’un Centre de Conférence International pour permettre au Niger de disposer d’un cadre de rencontres aux standards internationaux. ;

-La construction d’une Cité de l’Union Africaine pour loger les Chefs d’Etats et de Gouvernement et autres invités de marques (une soixantaine de villas présidentielles) ;

-La construction d’un Hôtel présidentiel qui servira à accroitre la capacité d’hébergement des hautes personnalités et des hommes d’affaires ;

-La Rénovation de l’hôtel Gaweye pour le mettre aux normes internationales et renforcer sa capacité d’accueil ;

– La Construction de plusieurs hôtels et appartements pour garantir l’hébergement de milliers d’hôtes attendus au sommet ;

-L’assainissement de la ville de Niamey pour lutter contre l’insalubrité ;

– Etc.

Grace à ces infrastructures, le Niger pourrait gagner des points de croissance supplémentaires avec de meilleures infrastructures. Le taux de croissance de 4 ,9% enregistré en 2017 selon « Perspectives Économiques en Afrique, 2018 » n’est sans doute pas suffisant. Avec notre forte croissance démographique (3,9 % par an), le niveau de croissance nécessaire devrait se situer à 7% minimum. Cet écart entre 4 ,9% et 7% serait due aux mauvaises infrastructures qui pénalisent le développement du pays. Donc, si nous avions de bonnes infrastructures, nous pourrions atteindre sans difficulté un taux de croissance de 7% par an.  Ce qui serait un bon départ pour le Niger.

2.     Redorer l’image du Niger sur la scène continentale et internationale

Le Niger subit malheureusement un traitement médiatique qui lui est souvent défavorable. L’organisation de cet événement contribuera indubitablement à changer la perception des médias étrangers vis-à-vis du pays. En outre, ce serait l’occasion de montrer un Niger engagé pour le changement et vers l’émergence. Enfin, dans un contexte de menace terroriste élevée, la bonne tenue de UA19 à Niamey sera aussi un symbole de la résilience du Niger et de sa capacité à assurer la sécurité sur son sol.

3.     Renforcer l’attractivité du Niger

Le Niger est le quatrième producteur mondial d’uranium et exportateur net de produits pétroliers et d’or depuis quelques années.  Des efforts d’investissement importants sont faits dans l’agriculture et les infrastructures. Membre de l’Union économique et monétaire ouest-africaine, sa position géographique lui confère une place stratégique au Sahel. Depuis 2016, l’activité économique affiche de bonnes performances, avec un taux de croissance de 4,9 % en 2017. En 2018, ce taux devrait être de 5,3 % en raison de la hausse de la production pétrolière et de la production agricole (Perspectives Économiques en Afrique, 2018).  Dans le domaine des TIC, le Niger a réalisé un certain nombre de réformes visant à encourager l’essor du secteur. Des mesures tendant à améliorer la connectivité aux infrastructures et services des télécommunications large bande à travers l’extension du réseau fibre optique de 3 314 km ont été prises. Elles devront lui assurer une bonne place dans l’économie ouest-africaine et favoriser le sens de la créativité et du design de nos concitoyens.

Il dispose aussi d’autres atouts : sa jeunesse qui représente plus d’un tiers de la population totale ; offre culturelle riche et diversifiée ; système d’éducation et de santé en cours d’amélioration….autant de points forts qui devraient attirer les étrangers au Niger pour investir, voyager, étudier ou vivre.

Dans un contexte de mondialisation croissante, il est toutefois indispensable d’identifier nos atouts et nos faiblesses afin de renforcer davantage notre attractivité.

 

Eviter les erreurs du passé

L’un des points forts de la mandature de SE Issoufou Mahamadou, c’est d’avoir brillé dans la réalisation de nombreuses infrastructures. Des échangeurs – pour fluidifier la circulation automobile dans la capitale et permettre à nos compatriotes d’être plus assidus à leurs lieux de travail – aux classes, en passant par les Hôpitaux de référence (Maradi et Niamey) pour accroitre les capacités d’offre de soins médicaux. Si l’organisation des évènements d’envergure internationale constitue un magnifique accélérateur de projets, de grandes réalisations, il n’en demeure pas moins que la qualité de certaines de cette infrastructure reste à désirer ou tout simplement inachevées.  En effet, de nombreux équipements réceptionnés se détériorent plus rapidement que prévue. A cela s’ajoute le risque de surfacturation et de corruption lors des passations de marchés publics. Face à ces situations, qui témoignent du manque de sérieux de certains entrepreneurs, l’Etat doit sévir. L’on ne doit pas badiner avec l’argent du contribuable !

Autre phénomène inquiétant, c’est le manque d’entretien dont sont « victimes » de nombreuses infrastructures. L’entretien de l’infrastructure désigne les dépenses consacrées à la préservation du réseau de transport existant. Sont comprises également les dépenses d’entretien financées par des administrations publiques (OCDE).

Enfin, sommets internationaux ou pas, le gouvernement nigérien ne doit pas se soustraire de ses obligations de doter le pays des infrastructures nécessaires et suffisantes à la hauteur des besoins du pays. Car, selon la Banque mondiale, afin d’atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), les pays les plus pauvres doivent consacrer au moins 9 % de leur PIB aux dépenses de construction, d’entretien et d’amélioration de leurs infrastructures.

 

Adamou Louché Ibrahim

Analyste Economique

@ibrahimlouche

Niger Inter Magazine N°14