De l’usage abusif du terme “Excellence”, des titres et des honneurs protocolaires en Afrique

Lu pour vous

Face à l’usage abusif du terme “Excellence” et de plusieurs autres titres protocolaires, nous avons approché ‎un spécialiste des questions diplomatiques et protocolaires, le Dr Melegué Traoré au Burkina Faso, diplômé en relations internationales. Il nous donne ici une juste compréhension de ce titre et de son utilisation.

Des titres et des honneurs protocolaires : De l’usage abusif du terme
• S’il est bien, dans le lexique du protocole, un terme emblématique, c’est celui d’« Excellence ». Le mot s’écrit toujours avec un grand « E », tout comme « Majesté » avec un grand « M » ou « Honorable » avec un grand « H », lorsqu’il s’agit de donner le titre de distinction honorifique à un dignitaire.

• Inconnue ou rarement usitée sous la colonisation – elle n’existe pas dans le protocole de la France – l’appellation « Excellence » a été peu fréquente dans le vocabulaire administratif ou politique au début des indépendances. Tout au moins dans les pays francophones d’Afrique : elle est d’un emploi plus courant dans les Etats anglophones du continent.

• Mais au cours des deux dernières décennies, on assiste à une inflation – fâcheuse – du vocable « Excellence », servi à toutes les sauces et appliqué de manière inappropriée à tous les niveaux de personnalités ou dignitaires. La tendance est si prononcée que des chefs de village se voient qualifiés d’« Excellence – Naaba » au Burkina !

• Le protocole, qu’il soit national ou international, est un faisceau de pratiques, d’attitudes, de gestes, de distances, de mots ou de silences. Dans l’ordre politique et en relations internationales, la construction des rituels est toujours faite de codes, de paroles et d’attitudes. Il convient donc que chaque mot soit employé à bon escient, au moment approprié et pour les dignitaires qui y ont droit quand il s’agit de les distinguer.

1. La place du terme« Excellence » dans l’ordre politique

• Les mots du général De Gaule prononcés en 1944 au moment où la deuxième guerre mondiale était entrée dans sa phase de finitude, servent classiquement de référence quand il s’agit de définir le protocole. Le général définissait alors le protocole comme « l’expression de l’ordre dans la République », Et aujourd’hui encore, les spécialistes continuent à le tenir pour « la mise en forme de l’ordre politique ». Encore faut-il déterminer de quel niveau de cet ordre s’agit-Il.

• Le terme « Excellence », du latin du XIIe siècle (1160), « Excellentia », est ancien et de très vieille utilisation. Il désigne un degré éminent de perfection ou de considération auquel a droit un dignitaire. Dans son emploi comme qualification de distinction honorifique, il a été emprunté à l’italien de la fin du XIIIe siècle – « Excellenza ». Il exprime la dignité supérieure reconnue à une personnalité, et de ce fait, la considération à laquelle elle a droit.

• « Excellence » fait partie d’une série de qualificatifs destinés à singulariser des personnalités ou des hauts dignitaires en les valorisant, soit qu’ils aient un rang supérieur dans l’ordre politique des Etats et des relations internationales, soit qu’ils soient haut placés dans celui des grandes dénominations sociales ou confessionnelles.

• Alors que les désignations communes de « Monsieur » ou de « Madame » relèvent des rapports sociaux courants et de la civilité ordinaire, certaines autres appellations représentent des titres de fonctions. Ainsi, des titres de Président de la République, Premier ministre, député, maire, président de conseil régional, directrice générale, président de tribunal, président ou recteur d’université …

• « Ambassadeur » est certes une fonction dans la diplomatie, mais dans l’acception courante, le terme est vu comme un titre de distinction honorifique. D’autres titres honorifiques ont une résonnance particulière, tant dans l’ordre international que dans l’espace politique interne des Etats, et dans des organisations sociales, notamment à caractère religieux. On citera comme exemples, les titres ci-après :
– Naaba ;
– Faama ;
– Sa sainteté ;
– Honorable ;
– Très Honorable (Right Honorable ou Right Honourable) ;
– Votre Honneur ;
– Altesse ;
– Altesse Royale ;
– Majesté ;
– Altesse Sérénissime ;
– Altesse Impériale ;
– Sérénissime
– Eminence ;
– Sa Grace ;
– Révérendissime ;
– Sa Béatitude,

• A l’origine et aujourd’hui encore dans de nombreux pays, les titres honorifiques et de reconnaissance ’des rangs élevés, sont dévolus par l’autorité qui gouverne au sommet.
L’exemple type est celui du Canada où la liste des titres officiels est déterminée par le gouverneur général, représentant la Reine d’Angleterre, sur avis du Premier ministre.

Le titre « Excellence », donné à quelques hautes personnalités est au Burkina, basé sur un décret de 2005 signé du Président du Faso et portant le contreseing du Premier ministre et du Ministre des Affaires étrangères.

• Le titre honorifique peut n’avoir qu’un détenteur unique dans un Etat ou une entité politique donnée. Ainsi, il ne peut y avoir qu’une « Majesté » dans un empire ou un royaume. Il n’y a qu’une « Sainteté » dans l’Eglise catholique ou dans le bouddhisme du Tibet. D’où l’incongruité frisant le ridicule, de donner ce titre honorifique de « Majesté » à d’autres naaba qu’au Morho – Naaba dans le royaume moaga de Ouagadougou.

Dans les républiques, sauf situation exceptionnelle telle que le triumvirat, cette présidence à triple têtes au Bénin de 1970 à 1972, il n’y a qu’un président de la République . Il en est de même du Premier ministre, du Président de l’Assemblée nationale, du Président du Sénat, du Président de la Cour suprême … Le titre de distinction honorifique est en effet lié au titre de la fonction.
• Dans d’autres cas, les titres honorifiques sont parfois détenus par une pluralité de personnalités dont le nombre peut être élevé : le Parlement de la République populaire de Chine comprend 2850 députés !

2. A qui le titre « Excellence » s’applique- t- il ?

2.1. La pratique actuelle

• Le titre « Excellence » n’est pas pertinent et n’est donc pas employé dans l’ordre politique ou protocolaire interne de la plupart des Etats, contrairement à ce que l’on pourrait croire. Quelques exemples de grands Etats le montrent.

• Au Canada, en dehors du gouverneur général qui représente le chef de l’Etat, la Reine d’Angleterre, et son conjoint – mais uniquement pour la durée de son mandat – aucune autre autorité n’est appelée « Excellence ». Ce titre est cependant par courtoisie, donné aux ambassadeurs étrangers accrédités auprès du gouvernement canadien. En revanche, les ambassadeurs canadiens ne sont pas appelés « Excellence » quand ils sont au Canada même, puisqu’ils ne peuvent être ambassadeurs auprès de leur propre pays. On considère en effet que te titre « d’Excellence » est attaché à la fonction et non pas à la personne .

• Un deuxième exemple est fourni par la France. « Excellence » n’existe pas en tant que tel dans le protocole officiel français. Les personnalités africaines se rendant en France, sont toujours surprises lorsqu’elles constatent que sous le portrait officiel du Président de la République dans ce pays, ne figure pas le titre « Son Excellence Monsieur François Hollande », mais simplement « Monsieur le Président de la République » .

• Les Etats – Unis d’Amérique constituent un troisième exemple. Aucune personnalité américaine, y compris le Président des Etats – Unis, ne porte le titre d’ « Excellence » à l’interne, et Obama doit être étonné du nombre de fois où on l’affuble de « Son Excellence Monsieur le Président » lors de ses séjours en Afrique, à Dakar, Accra, Pretoria …

• Au sein du Commonwealth, les Etats qui reconnaissent la Reine d’Angleterre comme chef d’Etat, n’échangent pas des « ambassadeurs » mais des « hauts commissaires ». Ils ne s’envoient pas entre eux des ambassadeurs, mais des « High Commissionners ». Il en est ainsi parce que la Reine qui est le chef de l’Etat des pays qui la reconnaissent comme tel, ne peut se dépêcher auprès d’elle-même des ambassadeurs. Les Etats du Commonwealth qui ne la reconnaissent pas comme chef d’Etat, ont néanmoins conservé cette appellation de « Hauts commissaires » pour les ambassadeurs qu’ils échangent.
• Ainsi, ceux-ci ne portent pas le titre de distinction honorifique « Excellence », mais celui d’ « Honorable ». Le Premier ministre britannique lui – même est qualifié, non d’ « Excellence », mais de « Très honorable » – « Right Honorable ».

• En Afrique, on a glissé progressivement d’une acception normale à des pratiques incongrues avec une répétition à outrance du mot « Excellence » dans les discours politique, diplomatique et du protocole. Voici ce qu’on peut entendre dans la bouche d’un présentateur ou d’un maître des cérémonies au début des évènements à Bamako, Abidjan, Ouagadougou, Libreville, Niamey … comme formule d’appel honorifique :
– « Son Excellence Monsieur le Président de la République ou « Son Excellence Monsieur le Président du Faso » !
– « Son Excellence Monsieur le Premier Ministre » !
– « Son Excellence Monsieur le Président de l’Assemblée nationale » !
– « Son Excellence Monsieur le Président de la Cour constitutionnelle » !
– « Son Excellence Monsieur le Secrétaire général du RPDC » (Cameroun) !
– « Leurs Excellences Mesdames et Messieurs les membres du gouvernement » !
– « Leurs Excellences Messieurs les ambassadeurs » !
– « Leurs Excellences, Messieurs les représentants des organisations internationales » !
– « Leurs Excellences … ». Tout devient « Excellence » !
• Outre le fait qu’il n’est pas indiqué de citer toutes les personnalités, et l’ensemble des corps présents à une cérémonie, une telle redondance est lassante, incommodante et inappropriée .

• Hors de la capitale, il n’est pas rare de voir la personnalité qui préside une cérémonie dans une région ou une commune, un ministre ou un gouverneur, interpellée avec le titre ronflant « d’Excellence ». La dérive est si grave, que même dans les documents écrits, pullule ce vocable, là ou il ne le faut pas.

• Même quand le titre est donné à une personnalité qui y a droit, la manière de l’employer peut elle-même être inappropriée. Il en est ainsi quand l’agent du protocole, croyant bien faire, présente ainsi le chef du Parlement à un interlocuteur : « Son Excellence Monsieur Abdou Sadou, Président de l’Assemblée nationale », au lieu de « Monsieur le Président de l’Assemblée nationale » !

• Cet emploi inutilement surabondant du titre « Excellence », est devenu si lourd et si oppressant qu’il finit par incommoder ou par agacer ceux auxquels on le donne. Par ailleurs, on sait combien, lors des voyages officiels à l’étranger, notamment en Europe et en Amérique, les dirigeants africains se couvrent de ridicule avec une telle pratique dont se gaussent – souvent dans les coulisses – leurs interlocuteurs. Toutefois, les responsables et les agents de protocole, mais surtout les présentateurs lors des cérémonies, sont les premiers responsables de la déviation.

• Car il s’agit bien d’une grave anomalie lorsque la confusion atteint ce stade. Elle n’est d’ailleurs pas propre au terme « Excellence », et on a lu récemment dans un quotidien au Burkina, qu’un chef de canton de quelques dizaines de milliers d’individus de l’Ouest du pays, était affublé dans la presse, du titre de « Sa Majesté » !!! Naturellement, l’intéressé en paraissait bien fier !

2.2. La règle normale

• L’emploi du titre de distinction honorifique, « Excellence », dépend de l’un des quatre contextes suivants :
– la titulature des dignitaires ou personnalités ;
– La conversation courante et la vie sociale ;
– Les cérémonies officielles, notamment les discours ou allocutions ;
– Les documents écrits

• Le titre officiel du maréchal Mobutu était, au temps de sa splendeur : « Son Excellence le Citoyen Président fondateur du Mouvement Populaire de la Révolution, Président de la République, le Maréchal Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu Wa Za Banga » : « L’inamovible petit piment célèbre, le coq qui chante victoire, le guerrier qui va de conquête en conquête sans que l’on puisse l’arrêter ».

• Dans la conversation courante, l’utilisation du titre « Excellence » est rare et doit donc être maniée avec précaution. On ne dira pas par exemple, « bonjour Son Excellence Monsieur l’Ambassadeur », mais « bonjour Monsieur l’ambassadeur », ni non plus, « bonsoir Excellence, Monsieur le Président du Faso », mais plutôt, « bonsoir Monsieur le Président ».

• S’adresser au Premier ministre, en le qualifiant d’« Excellence » n’a pas grande signification et est irrégulier. Ce sera plutôt « Monsieur le Premier ministre » qu’il faut dire.

Mais sur ce plan, les mauvaises habitudes sont tellement ancrées dans la pratique, que redresser la barre n’est pas une chose aisée. Du moins, doit- on savoir qu’on utilise indûment le titre « Excellence » quand on s’affranchit des règles qui en fondent l’emploi protocolaire. Comme traitement, on ne devrait en tout cas s’adresser aux personnalités qui ont droit à l’appellation « Excellence », qu’à la troisième personne du pluriel : « que puis-je faire pour Votre Excellence » ? et non « que puis-je faire pour Son Excellence » ?

• « Excellence » est avant tout, un terme du discours et du langage diplomatiques. C’est pourquoi, bien que la plupart du temps, il n’existe pas dans la nomenclature de la gouvernance nationale des Etats, dans tous les pays, on attribue ce titre honorifique aux chefs de mission diplomatique étrangers de la première classe, c’est-à-dire les ambassadeurs et les nonces apostoliques. A titre de courtoisie, on l’étend aux ministres plénipotentiaires envoyés auprès des chefs d’Etat . C’est aussi pour cette raison qu’appeler « Excellence » un ambassadeur burkinabè au Burkina même, ou un ambassadeur ivoirien en Côte d’Ivoire, est une erreur et un contresens. A tout le moins, s’agit- il d’un discours relâché. Mais en Afrique, cette pratique incongrue est si répandue et désormais si ancrée dans les habitudes que beaucoup la tiennent à tort, pour normale. Il faut dire que les ambassadeurs africains eux – mêmes en raffolent dans leurs propres pays ! D’autant plus qu’une fois acquis, le titre d’ambassadeur comme appellation de civilité, est porté toute la vie durant.

• Selon Jean – Paul Pancracio, « Excellence est un titre honorifique dû à un ambassadeur par tous ses interlocuteurs, à l’exception du chef de l’Etat qui l’appelle « Monsieur l’ambassadeur » . Bien entendu, il faut que l’on soit dans le cadre du traitement. A l’origine, le titre « Excellence » était employé uniquement pour les nonces apostoliques, les ambassadeurs du Souverain Pontife. Selon Pradier – Fodéré, il fut employé pour la première fois envers un ambassadeur étranger par le roi Henri IV de France au XVIe siècle.

• « Excellence » est un terme consacré du lexique et de la civilité diplomatiques ; les diplomates en font un abondant usage entre eux lorsqu’ils s’adressent à un chef d’Etat ou à un ambassadeur étranger. Il est incontestablement un titre honorifique de prestige. Mais il est à relever que contrairement aux idées reçues, la Convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques entre les Etats, ne régit pas l’emploi du terme « Excellence », Ce mot n’y figure nulle part.

• Le titre d’ « Excellence » est universellement utilisé dans la procédure d’accréditation des ambassadeurs. C’est par ce vocable qu’ils sont désignés aussi bien dans la formule des lettres de créance, que dans celles des lettres de récréance ou de rappel des ambassadeurs en fin de mission. Dans l’Etat accréditaire, on donne le titre « Excellence » à un ambassadeur désigné, donc qui n’a pas encore présenté ses lettres de créances. Mais dans quelques pays, tant que cet acte n’est pas accompli, on s’adresse à lui, avec le titre de distinction honorifique « Excellence » sans mentionner le nom de son pays. L’expression atteint en matière diplomatique, un degré particulièrement élevé quant aux titres de distinction honorifique et de courtoisie. Elle est ainsi couramment employée dans la correspondance entre chefs d’Etat.

• Alors que « Excellence » est couramment utilisée dans les relations diplomatiques bilatérales, il l’est très peu en ce qui concerne les représentants des organisations internationales. Deux exceptions existent cependant sur ce plan. La pratique aujourd’hui est d’utiliser ce titre pour le Secrétaire général de l’ONU. Il en est de même pour les représentants de ce dernier et les ambassadeurs représentant l’Union européenne. Il faut ajouter qu’aux Etats -Unis d’Amérique, outre le Secrétaire général de l’ONU, le titre d’« Excellence » est donné à celui de l’Organisation des Etats américains, aux ambassadeurs représentants des organisations internationales, aux chefs d’Etat, aux chefs ’de gouvernement, et aux ministres étrangers.

• L’on ne donne pas le titre honorifique d’ « Excellence » aux chargés d’affaires, chargés d’affaires ad intérim, aux conseillers d’ambassade … On ne l’emploie pas non plus au niveau consulaire. On ne le donne donc ni aux consuls généraux, ni aux consuls ou vice – consuls, ni a fortiori aux consuls honoraires.

• Dans une majorité de pays, aucun texte ne régit l’emploi du titre « Excellence », C’est alors la tradition, la coutume ou l’usage qui fondent le régime applicable en la matière. Mais partout, la pratique est influencée de manière déterminante par les usages diplomatiques. la plupart des pays africains francophones sont dans ce cas.

• II est cependant des pays où des textes déterminent quelles personnalités ont droit au titre d’ « Excellence », et même son emploi. Le Burkina en fait partie. Le décret n° 2005 – 184/PRES/PM/AECR du 1er avril 2005 relatif à l’organisation des cérémonies publiques, préséances et honneurs civils, stipule à son article 26, que le titre d’ « Excellence » est réservé au Président du Faso, au Premier ministre, au Président de l’Assemblée nationale, au Ministre des Affaires étrangères, aux ambassadeurs en poste, aux personnes ayant la dignité d’ambassadeur du Burkina Faso. De fait, on l’étend aujourd’hui aux anciens ambassadeurs, une pratique contestable, mais bien établie.

• Dans différents pays, même quand le régime protocolaire interne admet que le titre « Excellence » puisse être donné à certaines personnalités, celles – ci sont en nombre réduit. Ainsi, en Belgique, seuls parmi les dignitaires nationaux, les évêques et les évêques – auxiliaires ont droit au traitement d’ « Excellence ». Au Grand – Duché du Luxembourg, le titre « Excellence » est réservé au Premier Ministre, au Ministre des Affaires étrangères et aux Vice – premiers ministres,

• Dans la même optique d’encadrement de l’emploi de cette expression, dans une majorité d’Etats, le titre d’ « Excellence » n’est jamais donné aux parlementaires en dehors des présidents de chambre, Et encore s’agit- il dans ce dernier cas, d’une manie bien africaine. Dans les pays anglophones, il est avantageusement remplacé par « The Honorable » – « Right Honorable » pour les présidents de chambre parlementaire.

• On observera au passage qu’au Gabon et dans les deux Congo qui l’ont emprunté au Cameroun, – comble des africaneries – les sénateurs se font appeler « Vénérables », pour bien se démarquer des députés qui doivent « se contenter » d’être des « Honorables », car les membres de la deuxième chambre estiment qu’ils leur sont supérieurs !

• Dans de nombreux pays à travers le monde, le titre d’ « Excellence » n’est en aucun cas utilisé pour le chef de l’Etat et les membres du gouvernement. Sont à citer comme exemples :
– la France ;
– la Russie ;
– les Etats – Unis d’Amérique ;
– la Suisse ;
– la République populaire de Chine.

• Le principe communément admis, est donc de ne pas transgresser les règles de ces pays, et de ne pas s’adresser à ces personnalités en les qualifiant d’ « Excellence ».

• Mais lorsqu’on n’est pas en présence de pareils cas, la pratique universelle est de donner le titre d’ « Excellence » aux principales personnalités étrangères : chef d’Etat, Premier ministre, Vice -Premier ministre, ministre des Affaires étrangères, ambassadeur … et parfois les membres de gouvernement. Enfin, bien que l’emploi du titre « Excellence » soit fortement encadré, en matière de protocole, on admet généralement qu’il peut être employé quand on s’adresse à une personnalité nationale, lorsque que celle-ci se trouve dans un contexte international.

• Dans l’ordre des dénominations confessionnelles, le titre « Excellence » est employé essentiellement dans l’Eglise catholique. On le donne aux archevêques et aux évêques dans le traitement avec la formule « Votre Excellence », et pour les présentations ou l’annonce par les maîtres de cérémonie, par exemple, celle de « Son Excellence Monseigneur Coulibaly, Evêque de Dédougou ».

• Le terme « Excellence » ne s’emploie pratiquement pas dans les autres dénominations confessionnelles. Dans l’Eglise orthodoxe, on donne le titre honorifique de « Sa Béatitude » aux patriarches. Chez les protestants, « le Très Révérend}) est employé pour les archevêques, les doyens, les modérateurs et les présidents de Convention (pour les Baptistes). Au niveau de l’islam, « Monsieur » est le titre courant : « Monsieur l’Imam de la grande mosquée ».

• Enfin, il faut souligner que généralement, « Excellence » ne se transfère pas aux conjoints, sauf dans de très rares pays – c’est le cas du Canada, pour l’épouse ou l’époux du gouverneur général.

3. La place d’ « Excellence » dans les discours

• Au début d’un discours, il ne revient pas au maître de cérémonie ou au présentateur de faire la citation des personnalités présentes. Son rôle étant uniquement d’énoncer le cadre et le programme de la cérémonie, l’utilisation du titre « Excellence » se retrouvera peu dans son propos. Mais s’il se croit obligé de citer des autorités, il s’en tiendra à celle qui préside la cérémonie et à l’invité d’honneur.

• En revanche, le ou les orateurs qui prononcent des discours, ont à reconnaître en commençant leurs allocutions, les principales personnalités présentes. Ils ont alors deux possibilités.
• L’orateur peut choisir de s’adresser directement aux principales autorités tout en procédant à leur reconnaissance solennelle. Dans ce cas, il utilisera la formule de l’appel en entament son intervention. Ce sera donc :
– « Monsieur le Président du Faso » !
– « Monsieur le Premier Ministre » !
– « Monsieur le Président de l’Assemblée nationale » !
– « Mesdames et Messieurs les Présidents d’institution » !
– « Mesdames et Messieurs les membres du gouvernement » !
– « Mesdames et messieurs les membres du corps diplomatique » !
– « Mesdames et Messieurs » !

• « Excellence » n’a pas sa place ici.
• Si l’orateur choisit non de s’adresser aux autorités mais d’annoncer leur présence au public, tout en les reconnaissant, il dira alors, comme pour les présenter au public :
– « Son Excellence, Monsieur le Président du Faso » !
– « Son Excellence, Monsieur le Premier ministre » !
– « Son Excellence, Monsieur le Président de l’Assemblée nationale » !
– « Mesdames et messieurs les présidents d’institution » !
– « Mesdames et Messieurs les membres du gouvernement » !
– « Leurs Excellences, Mesdames et Messieurs les membres du corps diplomatique » !
– « Mesdames et Messieurs » !
• En revanche, dans le corps du discours, parce qu’il s’agit du traitement des autorités, la formule sera : « Monsieur le Président du Faso, nous savons tous combien Votre Excellence est attachée au rayonnement international du Burkina ». ou
« Monsieur le Premier ministre, je tiens à rassurer Votre Excellence quant à l’engagement des agents de mon établissement pour la défense de notre système éducatif ».

4. L’emploi du terme « Excellence » dans les documents écrits
• Dans le langage oral, l’emploi du terme « Excellence » est beaucoup plus simple que dans l’écrit. Le terme « Excellence » est dans ce dernier cas employé dans les documents internationaux et dans la correspondance, surtout diplomatique.
• Dans la correspondance écrite, et lorsqu’on s’adresse à un chef d’Etat étranger, l’ambassadeur ou un dignitaire d’un autre pays que le sien, la formule normale est : « Monsieur le Président de la République », « Monsieur l’ambassadeur », « Monsieur le Premier ministre » … « Excellence » est en effet une formule de traitement et non d’appel. Il en sera de même pour les autorités nationales qui ont droit à cette distinction.
• Toutefois, en l’utilisant comme terme d’interpellation, et par relâchement de langage, on peut aussi dire :
– « Excellence », mais non « Excellence Monsieur l’ambassadeur » ;
– « Excellence », et non « Excellence Monsieur le Président ».
• En matière de rédaction administrative, notamment à forme personnelle, le terme « Excellence » ne peut se retrouver que dans cinq positions dans une correspondance officielle : sur l’enveloppe, dans l’adresse, dans l’appel, dans le traitement et dans la formule de courtoisie.
• Dans une lettre au président ivoirien, on écrira donc, en haut à droite dans l’adresse ou réclame du destinataire :

A
Son Excellence
Monsieur Alassane Ouattara
Président de la République
Abidjan
Côte d’Ivoire.

• La formule d’appel sera, au-dessus de la première ligne du texte, décalée vers la droite :

– « Monsieur le Président de la République ».
Et non
– « Excellence Monsieur le Président de la République ».
• On utilisera « Excellence » dans le corps de la lettre pour le traitement du dignitaire ou de la personnalité, mais seulement à la troisième personne du pluriel :
« J’ai l’honneur de m’adresser à Votre Excellence, aux fins de solliciter un appui pour la construction d’un collège à Bondokuy » ou encore « Votre Excellence a bien voulu honorer de sa présence, la cérémonie de remise du diplôme de doctorat aux étudiants en droit »,
• En principe, dans la formule finale qu’on appelle aussi formule de courtoisie d’une lettre administrative à forme personnelle, on reprend les termes employés dans l’appel.
• Comme on ne l’emploie pas en formule d’appel, « Excellence » ne s’utilise pas non plus en formule de politesse. Cette dernière est en effet le pendant de l’appel. Dans la formule de courtoisie, on n’emploie « Excellence » qu’à la troisième personne du pluriel. Ce sera donc :
– « Veuillez agréer, Monsieur le Président du Faso, l’expression de ma très haute considération » et non « Veuillez agréer, Son Excellence Monsieur le Président du Faso … » ou « Veuillez agréer, Excellence … »
• Mais on peut tout aussi bien écrire :
« Je prie Votre Excellence de bien vouloir agréer l’expression de ma très haute considération ».
• Enfin, le titre « Excellence » est admis sur l’enveloppe, même quand le destinataire n’y a pas droit dans la correspondance elle – même. C’est pourquoi, sur l’enveloppe des lettres adressées au Président du Faso ou à un ministre étranger, quel que soit son titre normal de traitement, on peut écrire par exemple :

« Son Excellence,
Monsieur Dongala Kabongo
Ministre des Affaires culturelles
Kinshasa
République démocratique du Congo »,
• Il est à noter qu’on n’emploie l’abréviation de « Son Excellence », S.E. – (HE en anglais) – que si le nom ou le titre du dignitaire suit immédiatement, et à condition qu’il ne soit pas destinataire de la lettre.
Conclusion
• « Il est de bon goût et courtois, de s’adresser à une personne par ses nom et titre appropriés » , L’emploi du titre « Excellence » doit répondre strictement à cette observation pertinente de l’ambassadeur Mary Mel Frenche, ancienne « Chief Protocol » du State Department, sous la présidence du chef de l’Etat américain, William Jefferson Clinton.
• Le Protocole d’Etat, les agents du protocole en général, mais aussi les autorités et le public, ont la responsabilité d’user de ce titre prestigieux de la diplomatie et de l’ordre politique ou social, en prenant soin de s’assurer à chaque fois et pour chaque dignitaire auquel on l’applique, qu’il est l’appellation qu’il faut, et employé au moment adéquat. C’est aussi cela un ordre politique organisé et respecté.

Dr Mélégué Traoré