En démocratie, seul le vote confère une légitimité populaire. Il est impensable qu’une formation politique, quelle qu’elle soit puisse pourvoir, par simple désignation sans passer par la voie du suffrage, un poste vacant de parlementaire, et toute loi qui dispose ainsi est contraire à la Constitution et devrait être sanctionnée comme telle.
Je suis particulièrement étonné que la Cour constitutionnelle (que j’ai par ailleurs défendue entre les deux tours du scrutin présidentiel passé alors qu’elle était en proie à de vives critiques) ait pu laisser passer une telle disposition lors de son récent contrôle de constitutionnalité de la nouvelle loi présentée par la majorité.
Une fois que les élections législatives sont passées et l’Assemblée nationale installée, aucun autre mécanisme ne permet de remplacer un député empêché que celui consistant à faire appel à son suppléant, justement parce que celui-ci a été légitimé par le suffrage des citoyens. En cas d’empêchement du suppléant, quoi qu’il en coûtât au contribuable, un nouveau scrutin devrait être organisé.
C’est le lieu de relever que demander 2 milliards pour l’organisation d’une élection d’un seul député n’est pas sérieux. Et si cela est vrai que c’est le montant demandé par la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), il faudrait la dissoudre et installer une autre. Elle aurait pu se contenter de constater le vide juridique et en rester là.
En fait, il s’agit là d’un choix délicat pour la majorité : on est en présence d’un scrutin de listes et non d’un scrutin uninominal. Il y a un vide juridique sur la question et la majorité a voulu combler ce vide, ce qui est louable.
En revanche ce qui l’est moins, c’est de présenter une loi permettant de désigner, dans ce cas de figure précis, le remplaçant du remplaçant par les formations politiques et non par voie de suffrage. Ce qui fait qu’on se trouverait au Parlement avec des députés à légitimité duale : les uns élus par le peuple et qui jouissent à ce titre de la légitimité populaire, les autres, nommés par des partis politiques, sans aucune autre légitimité et qui voteraient des lois au nom du peuple nigérien. La loi présentée par la majorité aurait pu prévoir, au lieu de la désignation par les partis, l’organisation d’une élection partielle comme cela se fait ailleurs.
Zaki Moussa ZAKI (juriste)
Université Gaston BERGER
Saint-Louis, Sénégal