Révélée en mi février par un journal nigérien proche de l’opposition, « l’uraniumgate » est une « affaire » qui continue de faire couler beaucoup d’encre et de salive au Niger. Intervenue en plein période dite « tayi tawri », cette affaire de « 200 milliards », impliquant l’actuel ministre des finances Hassoumi Massaoudou, avait suscité beaucoup d’émoi et retenu l’attention de tous les nigériens, au point où des députés proches du pouvoir ont proposé et obtenu la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire pour clarifier ce qui a été décrit comme un « scandale ».
Malgré un rapport d’enquête parlementaire, pourtant sans équivoque, beaucoup de nigériens s’obstinent à croire que leurs dirigeants ont volé leur argent et qu’ils doivent par conséquent rendre des comptes. Voici 4 raisons bonnes à connaitre pour aider les nigériens à se faire une idée plus ou moins exacte des contours et des implications de cette affaire, pour ainsi pouvoir l’évacuer définitivement.
1 Uranium « gate » = Uranium « fake » !
Tout est parti d’une publication, dans le journal Le Courrier du 16 février dernier, d’un document attestant le virement à partir de la banque française PARISBAS, d’une somme de 319.8 millions de dollars, l’équivalent d’environs 200 milliards de CFA du compte de la SOPAMINE, une entreprise publique nigérienne, vers un compte à Dubaï de la société Optima Energy appartenant à Georges Hawa un « escroc » libanais compatriote de Dany Chaccour PDG d’AFRICARD. Ce document portait la signature de Hassoumi Massaoudou, Directeur de Cabinet du Président Issoufou Mahamadou en 2011, à l’époque des faits. Pour toute l’opinion nationale au début, il ne s’agissait ni plus ni moins que d’un « scandale au sommet de l’Etat », et sans doute le plus grand scandale, car la somme en jeu était « astronomique » et faisait rêver tous les nigériens.
Acculé de toute part, le principal incriminé a cru bon de convoquer, trois jours après, le 19 février, une conférence de presse, pour dissiper le malentendu. De cette conférence les journalistes présents sur place et l’opinion d’une manière générale, ne retiennent qu’une chose : 200 milliards de CFA ont en effet été viré d’un compte de la société nigérienne vers un autre compte à Dubaï. De l’argent qui devrait donc théoriquement appartenir au Niger. Peu de gens étaient convaincus par les explications de Hassoumi Massaoudou sur la nature de cette transaction qu’il a qualifiée de « trading légal et régulier » et où le Niger aurait gagné « sans rien faire » 800 000 dollars.
La commission d’enquête parlementaire, mise en place à cet effet, a investigué auprès de tous les acteurs locaux impliqués et a rendu son rapport le 18 avril 2017. Un rapport vite contesté par certains de ses membres issus de l’opposition politique, pour des raisons politiques évidentes. En réalité, pour qui voulait comprendre, cette « affaire » n’était rien d’autre qu’un montage organisé par AREVA et la France pour brouiller les pistes du financement de la rançon des « otages d’Arlit » capturés en 2011. Car en France le discours politique a toujours été de dire « pas de rançon ! ». AREVA confirme d’ailleurs que l’opération était destinée à « mobiliser des fonds pour sécuriser les mines d’Arlit ». De manière plus précise, c’est un autre Journal nigérien, L’Evènement, qui a été le premier à décrire ce manège où le compte et le nom du Niger ont été « utilisés » par la France, moyennant une modique commission de 800 000 dollars.
En vérité cette affaire est tout simplement un « fake » que les opposants nigériens et leurs médias ont usé et abusé pour accabler un régime dont ils veulent se débarrasser par tous les moyens. Si cette affaire devrait provoquer un « scandale », ce devrait être en France, mais pas au Niger !
2 Le rôle trouble d’AREVA et de la France…
Dans ce montage scabreux destiné à « mobiliser des fonds pour sécuriser les mines d’Arlit » et payer à AQMI la rançon des « otages d’Arlit », la France qui de tout temps a hypocritement clamé « pas de rançon », s’est largement appuyé sur le Niger et son Président. Le Niger a dans ce sens été sollicité pour « prêter » son « NIF » qui a été utilisé pour faire sortir de l’argent loin des circuits officiels, pour payer la rançon aux ravisseurs de leurs otages. Le Niger n’y avait naturellement pas trouvé d’inconvénients, d’autant qu’il s’agissait d’aider son « partenaire stratégique » à recouvrer la liberté de ses ressortissants.
Alors que la polémique faisait rage au Niger, en France où l’affaire aurait dû normalement provoquer le plus grand scandale, celle-ci a tout simplement été « banalisée ». Il a fallu l’insistance du journal le Courrier pour qu’AREVA et les autres journaux protecteurs des intérêts français (RFI, Jeune Afrique, Monde Afrique, Marianne), commencent à s’agiter mollement. On ne nie pas l’opération, mais le chiffre de 319.8 millions de dollars n’apparait plus dans les littératures explicatives des journaux sus mentionnés, et en lieu et place, l’on s’exerce plutôt à la promotion d’un nouveau chiffre très minoré, celui de 17 millions de dollars, censé représenter les pertes encourues par AREVA suite à cette douteuse transaction.
Normalement, pour couper cours au « faux débat » qui empestait l’atmosphère politique et sociale au Niger, AREVA aurait dû publier un communiqué dans les journaux nigériens, pour dire que le Niger n’a rien à voir avec cette affaire « franco française ». Mais AREVA ne l’a pas fait. Coïncidence troublante, l’affaire « uraniumgate » a éclaté en même temps que « l’affaire Africard », et surtout, à un moment où la multinationale française devrait verser au Niger une somme de 67.5 millions d’euros qui devrait servir à la construction de la route Tahoua-Agadez-Arlit et la mise en valeur de la vallée de l’Irhazer dans le nord du pays. C’est ce même fonds qui est aujourd’hui « bloqué » dans l’Affaire Africard, qui si l’on en croit aux insinuations du journal Le Courrier (Interview exclusive PGD Africard), les deux affaires pourraient être intimement liées.
Car les nigériens n’ont pas encore compris et ne pardonneront pas à AREVA d’avoir laissé un « escroc » séquestrer leur argent, alors qu’elle pouvait légitimement invoquer son « partenariat stratégique » avec le Niger et l’impact qu’une telle saisie pourrait engendrer dans le programme de développement de son partenaire africain pour refuser d’obtempérer aux injonctions de la justice française. Elle ne l’a pas fait. Au contraire, elle collabore activement pour que cet argent reste toujours dans ses comptes. Selon plusieurs analystes nigériens, il y’a une évidente collusion d’intérêt entre AREVA et Africard. Pour nombre d’entre eux, la France ne voudrait tout simplement plus financer « la route de l’uranium » qu’elle considère plutôt comme la « route des migrants ». D’où le recours à cet odieux subterfuge d’Africard pour bloquer sa construction. Selon toute vraisemblance, cette route ne sera pas construite avec des fonds français, encore moins des fonds européens. Si ce scénario se confirme, cela dévoilerait au grand jour toute la duplicité de la France face au Niger.
3 Une communication désastreuse !
Que peut-on reprocher aux autorités de Niamey dans cette affaire, si ce n’est leur bonne foi et leur enthousiasme à vouloir aider un gouvernement français « très ami » ? On ne peut le nier, les officiels nigériens ont mis tout en œuvre pour la réussite de cette opération dont elles ne pouvaient pourtant pas ignorer le caractère « boiteux ». L’essentiel pour les autorités nigériennes était qu’elle aboutisse à la libération des otages français capturés dans leur pays à Arlit.
Mais là où les autorités de Niamey ont le plus pêché, depuis le déclanchement de cette « fausse affaire », c’est dans la communication. C’est vrai que les premières révélations du Courrier ont provoqué un séisme tel que le cabinet du Président Issoufou ne savait pas où donner de la tête. Aucune riposte n’a été préparée à cet effet, pendant que les médias et les réseaux sociaux du pays s’enflammaient. Devant ce vide communicationnel qui alimentait toutes les rumeurs, Hassoumi Massaoudou, l’une des personnes les plus citées dans l’affaire, convoqua un dimanche une conférence de presse à son domicile. C’était une erreur monumentale…
En réalité, dans le cas d’espèce, puisque l’affaire a été portée par un journal nigérien, c’est en effet dans un ou plusieurs journaux nigériens (y compris Le Courrier) qu’il fallait répliquer à travers des interviews et des analyses pour expliquer et démontrer à l’opinion nationale qu’aucune rondelle du Niger n’a été injectée dans cette affaire et que le pays n’a perdu aucun de ses honneurs. Le recours aux médias audiovisuels n’a rien arrangé du tout dans la communication autour de cette affaire. Et pourtant, il suffisait de regarder comment l’affaire était traitée en France. Là-bas les personnes incriminées ne se sont pas épanchées dans les radios où les télés. Toute l’affaire a été traitée par des journaux qui ont réussi à la banaliser auprès de l’opinion française et même de l’opinion africaine, en brouillant toutes les pistes dans des explications et des analyses les unes plus alambiquées que les autres.
4 L’intérêt national sacrifié
L’affaire de l’uraniumgate et même l’affaire Africard, ont révélé cependant au grand jour le faible « quotient patriotique » des nigériens. Devant des cas flagrants de manipulation ou d’arnaque subis par leur pays, les nigériens ont plutôt affiché leur division et ont passé leur temps à s’invectiver au point d’oublier les intérêts vitaux de leur pays. Ce faisant, ils ont livré et continuent de livrer leur pays en pâture sur la scène internationale, le couvrant de ridicule, en exposant au grand jour ses facettes peu reluisantes.
Et pourtant, là aussi, il aurait fallu simplement qu’on jette un coup d’œil en France où l’uraniumgate devrait normalement constituer un vrai scandale pour se faire une idée de comment on gère une affaire qui touche aux intérêts vitaux d’un pays. Là-bas dans l’hexagone, toutes tendances politiques confondues, personne n’a pipé un mot de cette affaire qu’ils connaissent pourtant mieux que tous les nigériens. Droite, centre, gauche et radicaux, tous ont préféré fermer leurs yeux et boucher leurs oreilles, du moment où l’intérêt supérieur et l’honneur de leur pays ont été sauvegardés, avec la libération des otages.
Qu’importe la manière par laquelle cette libération est intervenue !
El Kaougé Mahamane Lawaly