Selon des statistiques officielles, la population du Niger, est passée d’un peu plus de 17 millions en 2012 à près de 20 millions d’habitants 2016. L’espérance de vie d’un nigérien était de 61 à 63 ans en 2015. Les dépenses totales consacrées à la santé par habitant étaient de 54 dollars américains en 2014 alors que pour la santé de l’ensemble de la population, elles ne représentaient que 5,8% du PIB durant la même année. Dans ce pays sahélien, les maladies comme le paludisme et le sida font des dégâts considérables. Aussi, à côtés de celles-ci, les maladies d’origine alimentaire sont aussi comptées parmi les dangereuses et dont la prise en charge est problématique. A titre illustratif, ces derniers jours, le pays fait face à une menace épidémique de deux maladies ; le Choléra et la Fièvre de la Vallée de Rift, toutes liées à la nutrition. A la date du 15 novembre 2016, 230 cas suspects dont 32 décès de la Fièvre ont été enregistrés dans la Région de Tahoua, tandis que 31 cas suspects de choléra dont 3 décès ont été répertoriés dans la Région de Dosso. Dans cette catégorie pathologique, d’autres maladies comme le diabète, l’ulcère d’estomac, la carie dentaire, autres affections et troubles liés au non-respect des règles alimentaires et hygiéniques y sont également très fréquentes. Pour la plupart des cas, la propagation de ces pathologies a pour causes l’ignorance et la négligence des populations sur le danger que présente la consommation de certains aliments (responsabilité sociale), la mauvaise manipulation des denrées alimentaires par les vendeurs et fabricants (abus commerciaux) et les carences des politiques en matière de la santé, de l’hygiène et du contrôle des normes et de qualité des produits alimentaires sur le marché (responsabilité politique).
En réalité, on retrouve maintes pratiques impropres à la santé dans le régime et la ration alimentaire de beaucoup de nigériens. C’est le cas de l’utilisation des ustensiles, tasses et bidons, ramassés sur les poubelles dans la vente des aliments dans les rues de la ville. En effet, ce ramassage des objets sur les décharges est très répandu. Il se pratique, généralement, par des jeunes garçons qui fouillent sur les grosses poubelles pour récupérer des objets de ce genre pour ensuite les proposer à des vendeuses de nourritures.
Moustapha, vendeur de friperies au marché de Wadata de Niamey a été témoin d’une scène qui l’a beaucoup marqué. « Nous étions assis quand devant nous des garçons se sont mis à creuser dans des caniveaux pour y extraire des cuillères dans le profond fond des canaux. Surpris de voir cela, je me suis renseigné auprès des collègues commerçants pour savoir comment ses culières se sont retrouvées là, et qu’est-ce que ces jeunes en feraient. Ils m’ont tous répondu que quand les vendeuses de nourritures déversent l’eau ayant servi à laver les ustensiles après la vente, il y en a qui échappent à leur contrôle et tombent dans les caniveaux en même temps que l’eau usée. Ces jeunes les récupèrent, les lavent pour ensuite les revendre à d’autres vendeuses à bas prix, qui à leur tour, les utilisent pour servir leurs clients. Et depuis ce jour-là, j’ai des résistances à commander ma nourriture chez ces femmes’’
Aussi, beaucoup de vendeuses des boissons fraîches utilisent des bidons ramassés sur les ordures ménagères ou dans les rues.
Face à cette pratique, les spécialistes de la santé attirent l’attention des consommateurs sur les risquent auxquels ils s’exposent. Mme Alkassoum Zoubeyda, Ingénieure d’Etat en contrôle de qualité et analyse, responsable des analyses physico-chimiques des aliments au Laboratoire National de Santé Publique et d’Expertise(LANSPEX) explique. ‘’ L’utilisation de ces bidons ‘’ n’est pas sans risques. Déjà, c’est pris dans un dépotoir, donc c’est plein de germes, de saletés, des substances chimiques. On ne sait pas aussi avec quels types de produits on les lave. Est-ce qu’il y a une désinfection appropriée ? On ne sait pas également. Donc c’est le doute. D’ailleurs, la manipulation (manière de fabrication) et la qualité hygiénique du produit laissent à désirer, à plus forte raison l’emballage qu’on cherche dans les dépotoirs’’.
L’autre pratique qui inquiète plus les parents d’élèves, c’est la vente des aliments dans les établissements scolaires. Très peu de vendeuses se font des soucis pour l’hygiène. A ce niveau, les élèves du primaire apparaissent comme les plus vulnérables aux risques liés à la consommation des aliments impropres.
L’exemple le plus frappant nous vient d’une Ecole primaires du quartier Poudrière de Niamey’.’ Dans la cour de récréation, nous avons trouvé des assiettes utilisées par les élèves pour leur petit déjeuner, éparpillées autour des vendeuses. Des restes de nourritures dans certaines, de l’eau sale dans d’autres. Dans la cour, des sachets usés jonchés çà et là, bref, l’atmosphère était insalubre. Un peu plus loin, des tasses de beignets étaient exposées à l’air libre, aux mouches et aux intempéries. En cette période de froid où même les adultes tombent, le plus souvent malades avec la consommation abusive des boissons fraiches, certaines vendeuses ont exposé dans la cour des ‘’ bonbons glacés’’ (jus de fabrication artisanale, entièrement gelés) destinés à la consommation des enfants qui ignorent beaucoup sur les bons comportements alimentaires’’
Du côté de l’Administration, on ne tient pas le même discours. La Directrice de l’établissement rassure que ‘’ la vente de toutes les denrées alimentaires est contrôlée par l’Administration’’.
Néanmoins, cela inquiète bien les parents d’élèves. Adamou Mamadou Gabin, est Secrétaire Général du Bureau de la Région de Niamey, de l’Association des Parents d’Elèves du Niger (APE). Il soutient que la question de l’alimentation de l’élève en milieu scolaire a toujours été une préoccupation majeure pour sa structure. ‘’ Ça fait deux ans successifs que nous faisons des tournées dans les Ecoles à partir du mois de novembre pour contrôler et interdire la vente des bonbons glacés. A l’école Askia, par exemple, l’année dernière, nous avons vu deux (2) femmes, qui durant toute l’année, ne s’étaient mises en règle. Nous étions contraints de faire venir le Service d’Hygiène de la Municipalité, qui les ont amendées à plus de huit mille (8.000) f CFA chacune, avec interdiction de vendre des nourritures dans l’enceinte de l’établissement’’.
Sur ce point, les textes en vigueur ne souffrent d’aucune ambiguïté. ‘’ Chaque vendeur ou vendeuse doit se munir d’un Certificat d’expertise médicale qui prouve qu’il (elle) n’est pas atteint (e) des maladies contagieuses’’ rappelle, M Adamou Mamadou.
‘’ D’ordinaire, fait-il observer, à l’approche de chaque fin d’année à Niger, on assiste au phénomène de la commercialisation, à moins coudre coup, de certains produits alimentaires à moins de quelques jours de la date de péremption ou même expirés. Ces produits sont, le plus souvent, vendus à la solde par leurs importateurs ou récupérés par les revendeurs sur les lieux prévus pour leur destruction et qui les commercialisent par la suite. Ce sont généralement des biscuits, jus et soda, des boites de conserve, lait… portés par des jeunes qui sillonnent les rues de la capitale à la recherche des acquéreurs. Nous avons rencontré un de ces jeunes revendeurs au quartier Dan-Gao de Niamey. Nous avons pris un sachet de biscuits sur lequel nous avons constaté qu’il ne restait que quelques jours pour la péremption du produit. Nous lui avons alors demandé s’il ne trouvait aucun inconvenant en vendant ces biscuits. Sa réponse était ‘’ je viens d’en vendre un à un policier’’.
‘’La consommation des produits périmés présente de nombreux dangers, prévient, Mme Alkassoum de LASSTEX. ‘’Un aliment périmé n’est pas à consommer. S’il arrive qu’une personne le consomme, il peut s’exposer à plusieurs risques, qui peuvent être d’ordre chimique, physique ou biologique. La maladie liée à cela dépend du toxique auquel le consommateur est en présence. Les effets peuvent être immédiats, c’est ce qu’on appelle toxicité aigüe. Ils peuvent se présenter à longs termes. C’est ce qu’on appelle toxicité chronique. Cette dernière est surtout provoquée par les produits chimiques. Si on les consomme, ils s’accumulent et au fil du temps pour provoquer une maladie’’ fait- elle savoir.
Pour combattre cette pratique de vente des produits périmés ou près de la péremption, l’Etat dispose d’un appareil coercitif, qui est la Police Sanitaire. M. Issia Souley est le Chef de Cet appareil répressif, placé sous la tutelle de la Direction de l’Hygiène Publique et de l’Education pour la santé, au Ministère de la Santé Publique. Il déclare que la Police Sanitaire a toujours combattu ce fléau. ‘’ Quand on constate ce genre de pratique, on fait une mise en demeure, après celle-ci nous saisissons les produits et nous les détruisons aux frais du propriétaire’’ a-t- il déclaré, tout en déplorant les moyens humains et techniques très limités dont dispose son Service.
‘’ Il est regrettable aujourd’hui, de voir ce commerce se mener dans tous les coins et recoins de la ville de Niamey, sous l’indifférence manifeste des autorités compétentes’’ a déclaré Sayadi, un habitant de la commune III de Niamey. ‘’Avec ses maigres moyens, la Police sanitaire, ne peut, à elle seule, mettre fin à cette pratique qui affecte avec un feu doux la santé des populations, principalement celles à faible revenu’’ a –t- il ajouté.
‘’Si pour certains aliments, le risque d’intoxication est nuisible à l’œil nu, à travers l’altération ou la décomposition, il n’en est pas pour les produits congelés, explique un ancien agent de l’Agence Nationale de Vérification de Normes (ANVC), une Institution qui a fermé ses portes.
‘’La dangerosité que présentent les denrées conservés à sec, selon cet agent, pourrait bien être évitée, car outre que les informations fournies sur les étiquettes collées à l’emballage, indiquant la date d’expiration, les aliments de conserve (dry) changent de gout ou même se décomposent à la péremption. Par contre les volailles et poissons congelés peuvent passer plusieurs années sans changer de formes et cela même en dépassement de la date prévue pour leur consommation’’ a -t- martelé.
Ces volailles (poulets et dindons pour la plupart des cas) et les poissons importés proviennent de plusieurs pays des cinq (5) Continents, d’après plusieurs commerçants-importateurs et détaillants. Il s’agit du Brésil ; de l’Italie et de la Turquie.
Selon un responsable d’un des Etablissements importateurs de ces aliments, ‘’ la chaine commence en Occident où ces volailles sont élevées, abattues et conservées. La commande part d’ici, les arrivent au Port ou nous les prenons pour les importer dans le pays, les conserver puis les commercialiser […]. En moyenne par mois, nous importons entre 200 à 250 tonnes de ces viandes […]’’
Au Niger, comme dans plusieurs pays voisins, ces produits subissent des critiques de tous genres, les plus redondantes stipulent que ces produits sont impropres à la consommation.
Moustapha Kadi, acteur de la société civile a, au cours d’une réunion, entre le Ministre de Commerce de l’époque, Alma Oumarou, les représentants des commerçants et ceux de la société civile, accusé les importateurs de ces volailles de ‘’fournir aux nigériens des poulets conservés au froid durant plusieurs décennies’’.
Faux, a rétorqué un commerçant-importateur présent à la réunion qui affirme: ‘’ un aliment conservé durant plus de dix ans, ne sera pas rentable au vu de la consommation de l’électricité’.
Des analyses scientifiques ne sont pas faites au Niger pour démontrer l’une ou l’autre position.
Par contre, on se souvient, il y a moins de trois mois de cela, la Douane burkinabé a saisi plusieurs centaines de tonnes de volailles importées. Les résultats des analyses ont démontré que ces volailles dataient de plus de 30 ans au froid. Le Nigeria, le Cameroun ou encore le Sénégal en ont déjà interdit l’importation et la commercialisation.
Comme dirait l’autre, ‘’Une chose est sure, les volailles congelées au Niger, ont la même source que celles prohibées dans ces pays’’. Dans cette controverse, les consommateurs ont aussi leurs mots à dire.
‘’ Elles sont moins chères, même si on trouve souvent dans le lot des morceaux décomposés. En mangeant, la chaire ressemble à du papier’’ laissent entendre plusieurs consommateurs au sortir d’un magasin.
Pour vérifier la conformité aux normes des produits sur le marché, l’Etat avait mis en place un instrument appelé Agence Nationale de Vérification aux Normes (ANVC), mais cette Agence a été fermée par le Gouvernement au Conseil des Ministres du 18 mai 2016. Ce vide institutionnel est propice aux commerçants importateurs des produits contrefaits et ou périmés. A cette situation s’ajoutent d’autres facteurs non favorables à la santé nutritionnelle et alimentaire. En réalité les politiques nationales et autres plans d’action relatifs à la nutrition présentent plusieurs carences. En effet, les toxicités alimentaires semblent être négligées par les autorités sanitaires de notre pays.
La non- prise en compte ces éléments dans les enquêtes et élaboration des données statistiques est une des preuves les plus évocatrices.
Même l’Annuaire des statistiques sanitaires du Niger’’ élaboré en 2015 et le rapport de ‘’l’Enquête Démographique de Santé à Indicateurs Multiples’’ qui sont les bases des données officielles de références, ne contiennent pas des informations adéquates en matières de la Santé nutritionnelle et alimentaires. Chose que regrette une experte de Lanspex.
La liste de ces comportements alimentaires qui nuisent à notre santé est très longue. Et pour ces cas cités ci-haut, plusieurs perspectives sont envisageables à l’avenir, selon les spécialistes du domaine.
Concernant l’alimentation des enfants en milieux scolaires, M. Harouna Kouni, du Bureau Exécutif de l’Association des Parents d’Elèves du Niger, préconise la création des cantines scolaire dans les écoles afin que les responsables aient un parfait contrôle de l’alimentation des élèves, et du coup, éviter la consommation des aliments nuisibles à leur santé.
Pour ce qui est du Contrôle de la qualité et du respect des normes des produits sur le marché au Niger, Un ancien agent de l’ANVC (désormais fermée) souhaite que l’Agence soit reconduite afin que tous les commerçants importateurs des produits contrefaits et falsifiés soient traduits en justice.
Dans la même lancée, M. Issia, Chef de la Police Sanitaire recommande que les moyens techniques et humains de son Service soient renforcés pour que les produits contrefaits et falsifiés soient retirés du marché pour être détruits.
Mme Alkassoum Zoubeyda, souhaite que les informations et statistiques sur les toxicités et autres troubles alimentaires soient prises en compte dans les bases des données officielles. Cela dans le but que les politiques élaborées pour la lutte contre les maladies d’origine alimentaire, répondent efficacement aux attentes.
Mahamane Sabo Bachir
ANP