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« Dividende démographique », expliqué aux polygames !

Voila un sujet qui pourrait bien intéresser les polygames nigériens et leurs aspirants. « Dividende démographique » !!! Le Président Issoufou en a fait une emphase dans son discours d’investiture, mais sans grande précision. Le quotidien gouvernemental en a pris le relai dans un édito, sans plus de précision. Un atelier sur les conditions de « captage du dividende démographique » dans notre pays, a livré le 18 novembre dernier, des « recommandations » fort évasives…

De quoi s’agit-il ?

Première équivoque à lever, il ne s’agit pas « d’argent frais » comme le mot « dividende » pourrait bien le suggérer ; certains commentateurs sont allés trop vite, jusqu’à comparer la chose à une « arnaque » sans qu’on n’en sache davantage pourquoi. Il s’agit plutôt, d’après la Ministre Cristelle Jackou, en charge de la population, de quelque chose de plus sérieux qu’elle décrit comme un « phénomène économique » dont elle voudrait bien voir son pays en profiter.

Un pays remplit les conditions de « captage du dividende démographique » quand, à travers une « politique démographique inclusive», il atteint un stade où ses taux de fécondité, de natalité et de croissance de la population, amorcent un net recul, ce qui mécaniquement, va libérer une forte population active, capable de booster l’économie et le développement de ce pays. Ce changement se traduira sur sa pyramide des âges par une base qui se rétrécit et un sommet qui grossit. Ce pays va à priori gagner des dividendes démographiques car il aura une population active de plus en plus nombreuse capable de prendre en charge par son travail, tous les besoins du pays. Mais pour réellement capter des dividendes, il aurait fallu, parallèlement à la mise en place d’une politique démographique, investir en masse dans l’éducation et la santé. C’est ce que la Chine, les autres pays de l’Asie et les pays dits « émergents », ont fait pour être au stade où ils sont aujourd’hui, alors que nous étions dans les mêmes conditions de départ.

Le Niger est-il sur la (bonne) voie ?

La situation du Niger est difficilement appréhendable. Décrit comme dernier pays de la planète, avec le plus fort taux de fécondité (7 enfants/femme), le plus fort taux d’accroissement de la population (3,9%), une école « contractualisée » à plus de 80%, des « cases de santé » en lieu et place de vraies formations sanitaires et une absence totale de politique nataliste, les agrégats en place dans notre pays, n’encouragent  malheureusement à aucun optimisme. Pour dire vrai, notre pays hésite, voire répugne de remplir les conditions de captage du dividende démographique.

Pourtant, la voie pour y accéder est simple. C’est la même qu’ont suivi tous les pays du monde pour  bénéficier de cette « rente démographique » qui font d’eux des pays « développés » ou « émergents ». Il ne faut pas se tromper de mots, cette voie s’appelle « la voie du sacrifice ». Elle  s’articule autour d’une politique de la population rigoureuse et des investissements massifs dans les secteurs de l’éducation et de la santé. Au bout d’une génération de sacrifice, le pays devrait normalement commencer à tirer les bénéfices de cette politique.

Toujours pas clair ?

Pour visualiser le « phénomène », prenons des exemples concrets. Considérons  deux ménages polygames nigériens assez médiatisés, mais vivant sur des « planètes » différentes. Le ménage du citoyen-Président Issoufou Mahamadou, ville de Niamey, 64 ans, 2 épouses et 5 enfants d’une part, et de l’autre, le ménage de Achirou Garba, village de Sarkin Yamma, Région de Maradi, 38 ans, 2 épouses, 14 enfants (lire aussi : Au Niger, Achirou, 38 ans deux épouses et quatorze enfants. LE MONDE).

Le premier, Issoufou Mahamadou, ingénieur de son état, il ya plus de 30 ans, avait opté pour une planification de sa famille. Sans doute, comme tous les « intellectuels », il voulait se démarquer de la pratique villageoise. Mieux, il avait épousé une femme instruite, puis une 2ème longtemps après et avait « massivement investi » dans la scolarité et la santé de ses enfants. Résultat, plus de 30 ans après, lui, ses deux épouses et au moins deux de ses enfants son en pleine activité et contribuent tous à la richesse du ménage présidentiel. A l’heure actuelle, mis à part les avantages que sa situation de Président génère pour sa famille, on peut dire que le ménage de Issoufou Mahamadou bénéficie de dividende démographique, parce que dans cette famille de 8 personnes, au moins 6 travaillent et peuvent assurer efficacement un avenir radieux aux 2 enfants qui ne travaillent pas et même à ceux qui vont venir après. A l’échelle d’un pays, le ménage du citoyen Issoufou Mahamadou, est un pays « riche » ou « développé ».

La situation du ménage d’Achirou Garba est tout autre. Il avait pris ses épouses quand celles-ci n’avaient que 15 ans. Peut-être avaient-elles été obligées de suspendre leur scolarité pour « consentir » à ce mariage arrangé ? Achirou dit n’avoir jamais « planifié » sa famille et n’y songe même pas. Chaque année, il enregistre une nouvelle naissance. Pour toute richesse, Achirou ne dispose que de 2 hectares. A l’allure où vont les choses, sa famille va doubler tous les 14 ans et au moment où il atteindra l’âge du Président Issoufou, il aura au moins 4 femmes et 40 enfants. Comment dans ces conditions peut-il investir massivement dans la scolarité et la santé de ses enfants ? En clair, le ménage d’Achirou Garba ne pourra pas accéder à un quelconque dividende démographique. Et s’il voudrait quand même y accéder, il faudra alors qu’il adopte, tout de suite, une politique nataliste rigoureuse, qu’il investisse dans la scolarité et la santé des 14 enfants, qu’il mette ses deux épouses dans un centre d’apprentissage et qu’il attende une vingtaine d’années, avant de voir l’arbre planté, commencer à fleurir.

Il se passe que, malheureusement le Niger est composé à plus de 80% de ménages de la catégorie de celui que dirige le « brave » Achirou Garba.

Elh Kaougé Mahamane Lawaly