Il était vivement attendu. Il cristallisait les débats au sein de l’opinion. La moindre rumeur est saisie au bond tant sur la taille du futur gouvernement que les personnalités qui seront appelées à animer cette équipe que beaucoup voyaient comme étant celle du combat. Le 19 octobre, le gouvernement est enfin rendu public. Dans l’opinion, c’est une énorme déception : le gouvernement réduit n’était pas à l’ordre du jour, et le profil de certains ministres laisse à désirer.
Mieux l’opinion a eu l’amère impression que l’enquête de moralité n’a pas servie à quelque chose comme c’était le cas avec le premier gouvernement. Il suffit d’être militant d’un parti représenté (à l’exception du RDA et du PNA) ou recommandé par une grosse pointure, quelqu’un qui compte dans le système, pour avoir un portefeuille.
Que dire de ces ministres qui ont été ou sont encore en conflit avec la loi ou en instance (si les inspections sont conduites avec efficacité et loyauté) pour raisons de détournement de deniers publics ? Ou encore ces ministres qui n’ont rien fait, en 6 mois d’exercice, qu’assister à des conseils de cabinet ou de ministres ?
Pléthore et complaisance
Visiblement, il n y a pas eu de rigueur dans la formation de ce gouvernement qui s’illustre par sa pléthore, la complaisance dans certains choix, l’émiettement des secteurs ou l’érection de simples directions en Ministères pour trouver de strapontins à des militants ou de gens recommandés. Interrogé sur la taille du premier gouvernement, un membre du présidium du PNDS Tarayya, avait confié qu’il était pléthorique. En fait, il a relayé et partagé un sentiment général y compris des militants du PNDS qui n’étaient pas du tout à l’aise avec un tel gouvernement qui était lourd. Or la lourdeur est par excellence synonyme d’inefficacité.
Avec ce nouveau gouvernement, le cri de cœur des militants PNDS et des Nigériens n’a pas été entendu par les autorités de nomination. En parlant de ce gouvernement dans une tribune libre parue sur le site Niger Inter, Kalilou Seydou Moussa, socio anthropologue à l’université de Tahoua, a écrit ceci : « Je le trouve aussi pléthorique, bâti sur une logique de partage et budgétivore dans un pays où comme on le dit, « tout est prioritaire ».
Ce n’est pas de trop que de rappeler la pléthore qui caractérise ce gouvernement. Jamais dans l’histoire du Niger, on a connu une taille aussi démesurée du gouvernement en totale désharmonie avec la situation réelle du pays. Le plus important dans la prise en charge des défis que connait le pays, ce n’est pas tant le nombre de portefeuilles ministériels mais la capacité du gouvernement à faire fonctionner l’administration publique pour offrir les services que les citoyens sont en droit d’attendre de l’Etat. En cette matière, nous ne sommes pas bien lotis tant l’administration est outrancièrement politisée à travers la nomination des militants ou de connaissances pas tout à fait qualifiés pour exécuter les tâches ou qui bénéficient de blanc-seing pour gérer les affaires de l’Etat à leur guise.
Quelles conséquences…
Il y a eu les ministres. Il y a aussi les ministres conseillers, une trouvaille qui consiste à repêcher ceux des ministres qui sont mis à la porte. Le plus curieux, c’est que des membres des partis alliés, remerciés par leurs structures, sont recyclés par le président pour on ne sait quel usage. Etre ministre n’est pas une profession mais une mission.
Doit-on dans ce Niger de la Renaissance continuer à penser que certains sont faits exclusivement pour être ministres ? Un changement de mentalité de nos dirigeants s’impose absolument si l’on veut créer la rupture avec cet esprit d’ « enfants gâtés de la République ». Ces derniers jours, des ministres conseillers ont été nommés. Ils viennent allonger la liste de plus en plus longue de ces messieurs et dames dont on se demande bien ce qu’ils font exactement. Dans ce contexte de morosité financière, est-il pertinent de nommer presque à la pelle des ministres conseillers qui coûtent autant chers à l’Etat que les ministres titulaires ?
Une des conséquences de ce gouvernement c’est que certains ministres chassent sur les mêmes terres que des collègues à eux. Ce qui va créer de querelles de prérogatives car les frontières entre certains secteurs sont trop étanches pour identifier les lignes de démarcation. Or pour l’efficacité du travail gouvernemental et éviter que les uns et les autres ne se marchent sur leurs platebandes respectives, il aurait fallu regrouper certains secteurs. Des couacs sur les attributions ne sont pas bons pour la cohésion gouvernementale.
Par ailleurs, si les ministres du 1er gouvernement de la 2è mandature avaient été évalués, certains auraient été recalés. Il n’y aurait pas ce mouvement de chaises musicales dans la formation du gouvernement, le 19 octobre dernier. L’absence de renouvellement du personnel ministériel donne un air du déjà connu. Un renouvellement en profondeur aurait créé un nouvel espoir qui aurait permis de relancer la machine.
On peut se poser bien de questions : Peut-on être dans un gouvernement lorsqu’on a un casier judiciaire terni ou lorsqu’on a un dossier non encore vidé par la justice ? Qu’en sera-t-il de ces ministres si jamais leur responsabilité est établie par les inspections en cours ?
Important : être ministre c’est le couronnement d’un parcours professionnel. Le ministre est un serviteur ; il sert l’intérêt général et non le sien propre.
Tiémogo Bizo