Sept pavillons, de l’ère des dinosaures à l’âge du nucléaire, un zoo et même un centre de formation : le Musée national Boubou-Hama est à la hauteur des ambitions qui entourèrent sa naissance, en 1959.
«L’établissement est aussi ancien que le Niger indépendant », annonce fièrement Moussa, 36 ans, guide au Musée national Boubou-Hama (MNBH), à Niamey. Depuis douze ans, il arpente les pavillons de ce lieu riche en histoire(s), créé en 1959, ainsi que les allées du parc zoologique, où sont hébergées une cinquantaine d’espèces. Également artisan, spécialiste des peintures sur tissu à la cire, Moussa fait partie de la centaine de personnes qui dépendent de l’activité touristique du musée.
En ce vendredi après-midi d’août, les visiteurs sont peu nombreux. Loin de l’affluence des week-ends et des jours de fête, comme la Tabaski, durant lesquels on peut à peine circuler. Ce jour-là, seuls quelques enfants déambulent sous le regard attentif de leurs parents.
Un véritable lieu historique
Pour eux, les animaux restent les vedettes incontestées de la sortie. Lions du Niger, hyènes tachetées ou rayées, babouins, chimpanzés d’Afrique centrale, aigles royaux, vautours, crocodiles… Dans leurs cages exiguës, les quelque deux cents pensionnaires du zoo ont tous les faveurs du public. Eux aussi semblent souffrir de la chaleur du jour – bien au-dessus des 40 °C. Depuis leur enclos, immergés jusqu’aux oreilles, les hippopotames semblent narguer les visiteurs. Peut-être sont-ils nostalgiques de leur Niger natal, tout proche.
Le musée et son jardin s’étendent en effet sur un terrain de 24 ha jouxtant le fleuve, là où furent construites les premières habitations de la cité historique de Niamey. Aujourd’hui, l’une des entrées du MNBH donne sur une route goudronnée toute neuve et, de l’autre côté de la chaussée, sur l’hôtel Gaweye, construit sur la rive du Niger en 1980. L’entrée principale se situe quant à elle en face du Centre culturel franco-nigérien.
Si le musée a bien été inauguré par le premier président du Niger indépendant, Hamani Diori, en 1959, il a été créé à l’initiative de Boubou Hama, alors directeur de l’Institut français d’Afrique noire (Ifan), soutenu par l’archéologue français Pablo Toucet (qui travaillait aussi au Musée du Bardo, à Tunis). Homme de sciences et de culture, linguiste et président de l’Assemblée nationale entre 1958 et 1974, Boubou Hama donna son nom au premier pavillon, ouvert en 1958, qui abrite les collections ethnographiques.
Inauguré quatre années plus tard, le pavillon Pablo-Toucet présente une architecture traditionnelle typique ; y sont exposés les costumes de différents groupes ethniques, dont un tissu brodé datant du VIIIe siècle. Viennent ensuite les pavillons des instruments de musique (1969), de l’art rupestre (1969), de la paléontologie et de la préhistoire (1973), et de l’archéologie (1980), lequel donne à voir les résultats des fouilles réalisées dans les régions du Dallol, du Liptako, de l’Aïr et du Ténéré (outils et statuaire funéraire).
Des souvenirs des habitations traditionnelles
Avant d’atteindre le pavillon suivant, au cœur du parc, l’exposition des dinosaures ne manque pas de passionner les plus jeunes. Star de la collection, un squelette de tyrannosaure découvert dans la région d’Agadez par le paléontologue français Philippe Taquet et rapatrié depuis le nord du pays à l’occasion des Jeux de la Francophonie de 2005 (année où fut installée l’exposition). Il côtoie un congénère plus massif mais plus pacifique (un herbivore), originaire de la même région, ainsi qu’un crocodile long de 11 m.
Quelques pas de plus et c’est le retour à l’époque moderne avec le pavillon de l’uranium. Construit en 1985 grâce au soutien de la Société nationale des transports nigériens et de la Cogema (devenue Areva NC Niger en 2006), il présente les activités de recherche et d’exploitation du minerai, ainsi que la vie dans les cités minières d’Arlit et d’Akouta.
Enfin, outre les pavillons et les expositions en plein air, l’un des incontournables du musée est le mausolée de l’arbre du Ténéré : il abrite un ensemble d’habitations traditionnelles du pays et, surtout, les vestiges du vénérable végétal qui constitua pendant longtemps l’unique repère cartographié dans le désert du Ténéré… jusqu’à ce qu’il soit terrassé par un camionneur indélicat et que ses restes soient transportés au musée par les forces armées nationales, en 1974.
Héritier de l’Ifan et anciennement Musée national du Niger, l’établissement public d’administration prend le nom de Musée national Boubou-Hama du Niger en 2008. Trois ans plus tard, une loi lui confère le statut d’établissement public à caractère scientifique, culturel et technique, avec à la clé une augmentation de son budget et des objectifs plus ambitieux : contribuer à la collecte d’objets muséologiques ainsi qu’à la promotion et à la mise en valeur du patrimoine, et assurer la formation de jeunes grâce à un centre éducatif et artisanal.
Désormais, le MNBH accueille un grand centre d’artisanat où travaillent une centaine de sculpteurs, tailleurs, couturiers et maroquiniers qui perpétuent les traditions artistiques et techniques du Sahel et proposent leurs produits aux visiteurs. Tissus cousus main, sculptures réalisées sur commande, bijoux… C’est un véritable marché couvert.
Un cruel besoin d’entretien et de modernisation
Le musée abrite également un établissement scolaire, qui accueille des jeunes âgés de 12 à 16 ans exclus du système traditionnel. Il dispense un cursus d’enseignement général de niveau cours moyen (CM2) pour mettre les élèves au niveau du certificat de fin d’études du premier degré, ainsi qu’un cursus d’enseignement professionnel (du CM2 à la 3e). Au programme des spécialités : l’informatique, la couture, l’électricité, la plomberie, la mécanique, la soudure ou encore la menuiserie.
« Le musée national Boubou-Hama est un joyau que nous devons entretenir davantage », déclarait en mai Assoumana Mallam Issa, le ministre de la Renaissance culturelle, en recevant des mains du styliste nigérien Alphadi le prix de préservation du patrimoine décerné au MNBH par le Musée d’art africain du Maryland, aux États-Unis.
Les installations des pavillons, dont beaucoup sont défraîchies, et celles du parc zoologique, qui accordent peu de confort à ses pensionnaires, méritent d’autant plus d’être modernisées que l’établissement ne manque ni d’attraits ni de fréquentation. Le Musée national Boubou-Hama fait pleinement partie de la vie des habitants de Niamey : 100 à 200 visiteurs locaux, enfants et adultes, franchissent ses portes chaque jour, pour un nombre d’entrées oscillant entre 8 000 et 15 000 par mois (selon les périodes de vacances), dont une centaine d’étrangers.
Jeune Afrique