La colonne : « Maï Boulala »…

Bien des choses sont en train d’être dites sur la lutte contre la corruption au Niger, depuis qu’il y a quelques jours, le président de la République a reçu en audience les responsables de la HALCIA (Haute Autorité de lutte contre la corruption et infractions assimilées) et de Transparency Niger, respectivement Issoufou Boureima et Maman Wada. Et de fait, nombre de nos compatriotes sont dubitatifs quant à la réelle volonté des autorités politiques de combattre la gangrène, au vu de la moisson de la saison 2011-2015 : certes, le Niger a durant cette période gagné des points dans l’indice de perception de la corruption de Transparency International.

Mais, dans le même temps, les citoyens épris de justice et d’égalité ont déploré les mises en liberté provisoire accordées à tours de bras à des délinquants notoires, la non interpellation d’autorités administratives ayant « carotté » des aides humanitaires destinées aux victimes d’inondations, la course effrénée aux sièges de députés comme refuge pour des gestionnaires qui n’ont pas la conscience tranquille, la jouissance de toutes leurs libertés et de tous leurs droits de personnalités impliquées dans des fraudes aux concours.

Les citoyens épris de justice et d’égalité n’ont pas manqué de relever qu’au cours du premier mandat du président Issoufou, de nombreux dossiers ont été bouclés, mais sont restés sans suite, dans les tiroirs de la HALCIA, des Inspections d’Etat ou des Finances, ou dans les arcanes et procédures judiciaires.

En matière de lutte contre la corruption, il y eut, durant cette période, beaucoup d’actions engagées, et peu de sanctions tombées.

Peut mieux faire, c’est l’appréciation généralement attribuée aux pouvoirs publics dans leur croisade contre la corruption au cours du mandat précédent, qui malheureusement n’a pas vu s’interrompre les passe-droits, les détournements de deniers et biens publics, les enrichissements illicites, les surfacturations, les entorses diverses aux procédures de passation de marchés, etc. Si elle n’a pas prospéré, l’impunité est néanmoins restée prégnante dans les mœurs de notre Etat, malgré la volonté affirmée du chef de l’Etat d’instaurer une gouvernance vertueuse.

A présent que Issoufou Mahamadou est réélu et a prêté serment pour un second mandat à la tête du Niger, la donne change : si l’on comprend que durant les cinq dernières années la lutte contre la corruption a été plombée par le souci de ménager l’avenir (la quête d’un deuxième mandat), tous les espoirs de voir s’engager maintenant le combat contre la prédation des ressources et biens de l’Etat sont fondés. N’ayant plus de réélection dans le viseur, le Président peut maintenant sévir. N’ayant plus à plaire à personne, il devra plutôt chercher à bien faire pour, le moment venu, quitter la scène avec les honneurs populaires et le sentiment du devoir accompli.

Les causeries de salon, les medias privés et les réseaux sociaux principalement, prêtent au président Issoufou l’intention de lancer (et même d’avoir lancé) une opération dite « Boulala » ou « Maï Boulala » (chicotte en hausa, ou celui qui s’en sert), contre les indélicats. Si tel est le cas, c’est salutaire. Si cela n’est pas, c’est ardemment souhaité par les citoyens épris de justice et d’égalité. Une telle opération doit surtout être menée sans faiblesse. Pas seulement pour que les actes rejoignent la parole, ou que nos ressources arrêtent de s’évaporer dans des voies méprisables ; mais pour qu’enfin notre administration, très malade, renoue avec les bonnes pratiques de gestion sans lesquelles aucun développement national n’est possible.

Maï Riga (Le Républicain no 2076)