Finalement la cause du président Issoufou Mahamadou a été entendue. Les nigériens viennent de lui accorder un deuxième mandat avec une majorité confortable au parlement. Un véritable plébiscite. Dès le premier, le peuple nigérien avait exprimé sa volonté de voir le président sortant en place pour continuer les bonnes œuvres de construction nationale. On ne change pas une équipe qui gagne, dit-on. Avec plus de 48% des suffrages et une majorité confortable au parlement au premier tour à Issoufou face à 15 candidats, l’opposition politique désaxée avait simplement jeté l’éponge. Au vu de son coup de maître à la tête de l’Etat au premier, Issoufou Mahamadou était sans conteste le favori à sa propre succession. Analyse.
Une stratégie de campagne inédite
L’opposant historique est un fin stratège. Il est grand adepte de l’art de la guerre. Au lancement de son programme de campagne au palais des Congrès, il avait commencé par dire à ses partisans avec beaucoup d’émotion : « Vous me manquez, cette chaleur militante c’est ce qui me manque depuis cinq ans ».
Dans un grand oral, en présentant son programme, Issoufou disait à ses alliés et partisans que : « Le bon politique c’est celui qui sait gagner la guerre avant de la déclarer ». Ce jour-là, il avait magistralement convaincu ses partisans de sa confiance en lui-même mais aussi et surtout pourquoi il doit gagner.
Pour les raisons, il en avait avancé trois : son bilan, son programme et son alliance inédite en amont du premier tour de l’élection. Cette intervention à notre sens visait surtout à motiver les militants pour qu’ils soient sur la même longueur d’ondes que le candidat car on le sait : plus on a confiance en soi, plus l’on est prédisposé à atteindre ses objectifs.
Après cet effet d’annonce à l’endroit des militants, le candidat Issoufou à rechercher un effet d’entrainement au niveau des populations. Il avait entrepris pour ce faire, un véritable périple de proximité auprès des populations à travers le pays. Il a fait sportivement les huit (8) régions du pays haranguant les masses avec en toile de fond ses réalisations, ses promesses tenues et son programme qu’il considère comme le programme par excellence pour sortir le pays de l’ornière.
En mathématicien très habile, Issoufou Mahamadou sait que les 80% de l’électorat nigérien se trouvent dans le monde rural. Dans cette dynamique, un an avant, il a confié la charge pour baliser le terrain à son charismatique compagnon Bazoum Mohamed, président du PNDS en le déchargeant de son poste de ministre des affaires étrangères qu’il occupait brillamment pendant 4 ans.
C’est environ 500 villages du Niger profond que Bazoum a visités sans tenir compte de la kyrielle de meeting dans des centres urbains. Pendant un an, Bazoum organisait en plein temps le parti et les « troupes » car comme dirait l’autre « A temps nouveau, attitude nouvelle ».
Et Issoufou est conscient qu’il est boudé dans certaines grandes villes du pays comme Niamey et Zinder, fiefs traditionnels de Hama Amadou et Mahamane Ousmane. Et l’analyse des résultats du premier tour comme ceux du second traduit bien que c’est bel et bien le monde rural qui a rendu possible la victoire d’Issoufou Mahamadou. Le monde rural a bien suivi de sorte qu’aujourd’hui le PNDS tarayya apparait comme le seul parti qui a une assise véritablement nationale.
A propos de son programme, Issoufou accompagné de ses 43 alliés au premier tour, il dit aux nigériens de manière proverbiale : « Celui qui propose de te donner une chemise, regarde la sienne pour avoir une idée de son sérieux ». En brandissant son programme aux populations, il dit « moi j’ai une belle chemise à vous offrir » à savoir le programme de renaissance 2. Dans cette randonnée du candidat président infatigable, un proche à lui nous a confié que certains de ses alliés lui reprochaient le fait de ne pas se reposer pendant la campagne. Et le vieux sawabiste Issoufou Assoumane connu pour son franc parler avait dit directement à Issoufou : « Moi je suis fatigué, je vais te fausser compagnie, je ne peux plus continuer avec toi ».
Et justement les nigériens étaient surpris de cette énergie déployée par le candidat président. C’était une campagne inédite au Niger et franchement ses meeting se démarquaient de ceux de ses adversaires. On nous dira c’est aussi un président de la République en exercice. Soit. Mais son prédécesseur Tandja Mamadou confiait à Hama Amadou cette tâche. Ce qui n’est pas le style d’Issoufou qui même au plan diplomatique s’était aussi démarqué de la « dance sur place » de Tandja.
L’atomisation de l’opposition comme atout majeur…
L’émiettement de l’opposition politique avait également laissé la voie libre à Issoufou dont le parti était le seul grand parti qui a échappé à la cassure. En effet, les principaux partis de l’opposition ont été victimes de crises de leadership. Autant les opposants reprochaient au président Issoufou de « concasser » leurs partis, autant les ténors du PNDS répliquaient que c’est de bonne guerre même si c’était le cas.
Et déjà fragilisée, l’opposition nigérienne est allée aux élections en rangs dispersés comptant sur un vote statique en se promettant une éventuelle alliance en cas de second tour. Cette mauvaise stratégie de l’opposition avait à coup sûr fait l’affaire du président Issoufou qui paraissait aux yeux du peuple comme le plus cohérent et le plus fiable des candidats avec une vision, des réalisations concrètes et innovantes pour le pays.
A la vérité, l’opposition face à Issoufou n’avait qu’une unité de façade car elle traine en son sein une véritable crise de leadership. Parmi les trois principaux leaders : Hama Amadou, Mahamane Ousmane et Seini Oumarou, chacun a la prétention d’être aux commandes, personne n’acceptera d’être à la touche s’il fallait présenter un candidat unique au nom de l’opposition face à Issoufou. Et l’attitude de la COPA à l’encontre de leur candidat au second tour en dit long sur leurs contradictions internes.
D’aucuns disent d’ailleurs que la situation de Hama Amadou était une affaire avant tout de son parti Lumana. Les opposants Seini Oumarou et Mahamane Ousmane ne se sont pas mouillé les boubous pour soutenir leur camarade Hama Amadou même lorsque celui-ci était courageusement revenu de sa longue fuite pour se faire écrouer à Filingué.
En plus de ces leaders de l’opposition officielle, l’on a enregistré sur la ligne de départ de la présidentielle des jeunes novices. Ces derniers constituaient des menaces réelles pour certains leaders, issus de leurs fiefs, ces jeunes leaders allaient mettre en ballotage la vieille garde locale. C’est dire également que la diversité des candidatures a conforté le choix des populations sur le candidat Issoufou.
Le statut de chef d’Etat
Dès l’entame de la campagne, l’on a entendu l’opposition pleurniché en dénonçant le traitement inégal aux candidats et l’usage des moyens de l’Etat par le président sortant. Soit. Mais il faut le dire la loi encadre bien tous ces aspects. Et comme l’a si bien dit Ouhoumoudou Mahamadou, directeur de campagne d’Issoufou, le président même étant candidat reste président de la République et sa sécurité doit être assurée notamment dans un contexte assez préoccupant avec la nébuleuse Boko Haram dans les environs.
On le voit, le statut de président candidat a été d’un apport certain pour Issoufou dont le déplacement bénéficie d’une manière ou d’une autre de l’administration publique. En région, il peut faire des rencontres utiles avec tous ceux dont les voix comptent dans la mobilisation de l’électorat. Chefs traditionnels, leaders religieux et hommes d’affaires, toutes ces personnes influentes peuvent être reçues en tête à tête par le président candidat pour des missions précises.
Le leadership du candidat Issoufou
On ne le dira jamais assez : les vrais leaders savent se fixer des objectifs dans la vie et aussi les atteindre. Le président Issoufou incarne véritablement son sobriquet de Zaki (lion). Depuis ce jour, gamin déjà, où son père lui dira que tu deviendra « gouverneur » (cf sa biographie Issoufou Mahamadou « Zaki »), Issoufou Mahamadou avait, pourrait-on dire, la motivation essentielle de manière prémonitoire que tout jeune leader avait besoin. Durant les joutes électorales, ses concitoyens étaient très surpris de sa certitude sur son coup K.O, sa réélection dès le premier tour.
Cette stratégie de coup K.O –même si elle n’avait pas marché – avait porté très certainement puisqu’elle avait déstabilisé plus d’un opposant. En effet, les adversaires d’Issoufou s’attendaient à un hold up de sa part alors que lui savait que la compétition se passera selon les règles de l’art. Il dira à Jeune Afrique « Cette élection, je la sens », tant l’homme était confiant sur sa force politique.
Il disait dans un message à la nation que ce serait un reniement de soi, un échec personnel s’il organisait une élection truquée. Et à notre sens cette élection en dehors de quelques ratés pourrait être considérée comme la plus démocratique au Niger. Toutes les exigences et caprices de l’opposition ont été satisfaits avant d’aller aux élections. Le fichier électoral avait été audité par l’organisation Internationale de la Francophonie, tous les candidats ont été validés ; le Conseil national pour le dialogue politique avait fonctionné pour dégager le consensus sur beaucoup de questions litigieuses ; la commission électorale indépendante, la Cour Constitutionnelle ont fait montre d’indépendance en dépit du procès d’intention à leur encontre par l’opposition politique.
Issoufou a réussi alors le pari d’organiser une élection en bonne et due forme tout en remportant face à ses principaux adversaires. Une autre qualité du président Issoufou durant toute sa campagne personne ne l’a entendu critiquer ses adversaires. Et il avait en amont instruit ses partisans de débattre programmes contre programmes, arguments contre arguments. La force des arguments en fait dont se réclame le PNDS Tarayya.
Ce qui n’est pas le cas de ses adversaires qui passaient plus de temps à parler d’Issoufou que de leurs programmes. Mais tout cela n’est pas étonnant nous confie un compagnon d’Issoufou qui pense que son candidat est un démocrate convaincu et il ne pourrait être l’auteur d’un hold up électoral pour se maintenir au pouvoir.
Les moyens de ses ambitions
Même pendant sa traversée de désert à l’opposition, le président Issoufou a toujours surpris ses adversaires. Il a même l’habitude de leur accorder des appuis malgré leur position de pouvoir. Ce privilège, il le détient grâce aux relations que son parti le PNDS Tarayya avait tissées à travers le monde.
Et selon ses camarades et compagnons du parti, Issoufou n’a pas ce rapport scandaleux avec l’argent au sens mercantile mais il considère l’argent comme un moyen. C’est pourquoi il se donne les moyens de ses ambitions.
C’est dire que ses adversaires savent avec qui ils ont affaire connaissant sa générosité et ses ouvertures certaines pour se donner les moyens de son ambition. Qui plus est, comme l’a dit le chercheur Jean Olivier De Sardan, en Afrique –comme ailleurs – l’argent constitue « le nerf de la guerre » notamment en période électorale. Aux Etats-Unis, cette vérité crève l’œil.
L’on a vu les adversaires d’Issoufou après 10 ans au pouvoir, ils ont cru le réduire à jamais en outsider de la politique nigérienne, mais la force du destin était telle que les circonstances historiques avaient décidées autrement. Et véritablement, avec un second mandat la voie est tracée à Issoufou pour rentrer dans l’histoire au regard de son potentiel après sa première mandature.
Le silence de Tandja, une pierre angulaire pour Issoufou
L’opposition avait beaucoup misé sur un éventuel soutien de l’ancien président de la République, Tandja Mamadou pour briser l’élan d’Issoufou dans sa quête du second mandat. Tandja avait lui-même suscité cet espoir à l’endroit de ses anciennes ouailles lorsqu’il s’était permis de critiquer la gouvernance d’Issoufou en présence d’un groupe de ses partisans en visite de courtoisie chez lui. Ses propos avaient fait le buzz sur les réseaux sociaux.
Et c’était à cette occasion que Hama Amadou, Mahamane Ousmane et Seini Oumarou avaient envisagé que Tandja soit leur candidat face à Issoufou en 2016. C’était un scénario très accrocheur pour ces opposants affaiblis par la crise de leadership au sein de leurs formations politiques.
Mais le pouvoir en place avait trouvé aussi de quoi faire taire Tandja avec la levée de son immunité pour qu’il soit entendu par le juge à la suite de ses propos selon lesquels il aurait laissé 400 milliards dans les caisses de l’Etat. Et le vieux sage, sachant également qu’on pourrait aller loin en fouillant ses affaires, il s’était ravisé. Pour la petite histoire, Tandja est conscient de son parjure avec son tazarce.
Et lorsque le président Tandja a compris les enjeux, tenaillé également par la maladie, il s’est rétracté. On a même lu dans la presse qu’il aurait instruit les uns et les autres de ne pas utiliser ses images dans la campagne électorale. Et en dehors d’une image de Seini Oumarou où on voyait Tandja derrière lui, nulle part on a vu les effigies de Tandja dans la campagne.
D’aucuns disent que Tandja aurait été séduit par le travail abattu par Issoufou et d’une certaine manière il préfèrerait que ce dernier continue son œuvre de construction nationale. Et la suite est connue : Seini Oumarou était désaxé et désarmé, lui qui n’a de programme que celui de Tandja, il avait désespérément pensé que Tandja allait sortir publiquement lui apporter son soutien.
Sans l’appui de Tandja, on a vu justement ces anciens disciples réduits à leur simple expression. Les résultats de la présidentielle et des législatives en disent long sur la déconfiture du MNSD et ses alliés.
Il va sans dire que le silence de Tandja a joué le rôle de la pierre d’angle pour Issoufou. Et qui sait encore la nature de la relation Issoufou/Tandja ?
Et comme le peuple a besoin des icônes, il a choisi Issoufou Mahamadou comme l’homme de la situation. Celui qui est capable de sortir le pays des ténèbres de la pauvreté vers les lumières de l’opulence.
Un autre élément décisif de la victoire d’Issoufou c’est incontestablement l’arrivée de la majorité des candidats du premier et les plus significatifs dans son camp. Cette alliance avait convaincu l’opposition que le second tour serait simplement une simple formalité pour le président candidat Issoufou Mahamadou qui détenait dès les premiers tours les clefs de la primature et le parlement.
Et au lieu de jouer franc jeu jusqu’au bout, l’opposition COPA 2016 a opposé au processus électoral une attitude inédite de mauvais perdant où mauvaise foi rivalise avec son déficit démocratique. Et si on n’y prend garde c’est en looser que l’opposition nigérienne entreprend d’instaurer l’anarchie dans le pays à la fin du mandat actuel du président Issoufou.
C’est un truisme de le dire la COPA face à la victoire éclatante d’Issoufou a préféré opter pour la mauvaise foi. Et comme l’a dit Jean Dutourd « On n’a jamais le dernier mot avec les personnes de mauvaise foi ! » Tout comme « Il est des gens logiques dans leur inconséquence ; on n’en rencontre pas de justes dans leur mauvaise foi. », selon Louis-Philippe Robidoux.
Elh. Mahamadou Souleymane