Ibrahim Assane Mayaki, secrétaire exécutif du Nouveau partenariat pour l’Afrique (Nepad), expert du secteur minier, fut ministre des affaires étrangères puis premier ministre du Niger (1997- 2000). En 2009, il rejoint le Nepad. Cette organisation, créée il y a quinze ans, est une émanation de l’Union africaine. Son rôle est de coordonner les politiques de développement socio-économiques du continent. Il contribue au financement des infrastructures et de l’agriculture.
A quelles réalisations concrètes en Afrique le Nepad a-t-il contribué de façon décisive ?
Créé sous l’égide de l’Union africaine en 2001, le Nepad remplit une fonction d’opérateur de référence depuis son intégration à l’Union africaine. Il identifie et viabilise les projets, définit des règles claires qui apportent de la visibilité aux investisseurs, coordonne les initiatives aux niveaux national et régional. Aujourd’hui, les premiers grands projets d’infrastructures portés par le Nepad sont en train de sortir de terre.
Parmi eux, cinq projets dont la réalisation n’est plus qu’une question d’années : le corridor Abidjan-Lagos, la ligne de chemin de fer Dakar-Bamako, les barrages hydroélectriques de Sambangalou en Guinée et de Ruzizi III au Rwanda, la route Serenje-Nakonde en Zambie. Nous travaillons également avec plus de 40 Etats africains dans le cadre du Programme détaillé de développement de l’agriculture africaine (PDDAA), qui défend des changements durables en matière de pratiques agricoles. Le Rwanda, qui a mis en œuvre le PDDA, a transformé son secteur agricole en croissance de 5,8 % par an ; entre 2006 et 2011, le pays a tiré au moins un million de Rwandais de la pauvreté, alors que 80 % de la population travaille dans le secteur primaire.
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Quel est l’agenda post-2015 du Nepad ?
Nous serons à New York à la fin du mois pour porter notre vision sur les objectifs de développement durable qui a été construite sur la base de la position commune africaine et de l’agenda 2063. De même, le Nepad représentera l’Union africaine lors des débats de la COP 21 qui se tient à Paris fin novembre. Ces deux grands événements donneront le cap de notre stratégie post-2015. Mais nous continuerons à œuvrer autour des six grands piliers de notre action : l’agriculture et la sécurité alimentaire, le changement climatique, les infrastructures, le développement humain, la gouvernance et les questions transversales, notamment l’égalité homme-femme. Nous mettrons un accent particulier sur la réalisation des seize projets identifiés à Dakar lors du sommet sur les infrastructures organisé en juin 2014.
Etes-vous inquiet du défi démographique qui se pose à l’Afrique avec l’arrivée chaque année de dizaines de millions de jeunes en âge de travailler, mais sans emplois ?
L’Afrique verra effectivement 122 millions de personnes s’ajouter à la main-d’œuvre africaine entre 2010 et 2020. L’Afrique comptera 1,2 milliard de jeunes en 2063 et semble donc le continent le mieux placé pour récolter le dividende démographique. Mais vous avez raison, cette promesse n’est pas garantie. Pour que la démographie ne soit pas un fardeau, les Etats d’Afrique doivent poursuivre les politiques d’intégration régionale, condition de notre développement. Je voudrais souligner deux points cruciaux : l’intégration des femmes ainsi que le domaine agricole. Le dividende démographique implique l’intégration des femmes dans l’économie car nous ne pourrons pas pleinement en tirer partie en laissant de côté la moitié de notre population. Par ailleurs, je crois fermement que l’un des moyens pour le continent africain de capitaliser sur le dividende démographique passe par une transformation agricole, secteur qui emploie 60 % de la population active africaine !
Le premier ministre que vous fûtes évoquait la nécessité de réformer le mode de fonctionnement des Etats africains. Comment et dans quel dessein ?
Nous devons repenser le rôle de l’Etat et donner plus de pouvoir au niveau décentralisé. Si nous voulons enclencher le développement, nous avons deux points d’entrée : le local et le régional. Nous ne les avons pas encore suffisamment pris en compte. Le niveau local permet de résoudre la question de la multi-sectorialité et conduit à une réforme de l’Etat qui laisse plus de pouvoir au développement local. Ensuite, le niveau régional qui est un facteur de changement parce que c’est au niveau régional que les innovations se produisent. Pensez par exemple aux réserves régionales de nourriture ou bien au libre commerce de produits agricoles. Les solutions optimales au développement du continent se situent fondamentalement au niveau régional.