Comme nous l’avions écrit dans notre précédente livraison, l’affaire dite Taiwan n’a certainement pas encore fini de nous livrer tous ses secrets, car, au fil des jours, de nouveaux éléments apparaissent, mieux, des zones d’ombre s’éclaircissent d’un jour nouveau grâce à de nouvelles traces retrouvées par votre journal.
De prime abord, une chose demeure certaine et rien ne change dans cette affirmation : les 10 millions de dollars de Taiwan ont bel et bien été bouffés, carottés, mieux »manzés » ! Mais par qui à part le grand présumé coupable, celui qui attire sur lui tous les soupçons, puisqu’il était au four et au moulin au moment de l’affaire : Mahamane Ousmane alias Nafarko…
De quoi s’agissait-il en fait ?
Nous ferions volontiers l’économie à nos lecteurs des premières péripéties qui avaient émaillé l’obtention »kiri-kiri » de ce fameux prêt de 10 millions de dollars par le régime de Mahamane Ousmane en 1994 (Voir OPINIONS 264). Aujourd’hui, grâce à des investigations poussées, vos serviteurs sont en mesure de vous révéler la traçabilité gondolée de ce magot taïwanais volé à l’Etat du Niger (il n’a, hélas, pas d’autres termes) par son premier serviteur de l’époque.
En effet, une convention de prêt de 10 millions de dollars entre l’Etat du Niger et la République de Taiwan avait été préparée et signée en juin 1993 comme l’avait dit justement le SGG du Gouvernement Gandou Zakara. Il faut ouvrir ici une petite parenthèse pour signaler que si nous avions écrit 1994 dans notre dernière parution, c’était uniquement sur la base du bon sens, car Mahamane Ousmane ayant été investi en avril 93 et le gouvernement formé en mai de cette même année, il nous avait semblé impossible la signature de cette convention en 93, quoiqu’aujourd’hui, d’après le Journal Officiel ci-joint en facsimile, ladite convention eût bel et bien été signée par le Ministre des Finances de l’époque, Abdallah Boureima. Il est vivant et est actuellement Commissaire à la Commission UEMOA à Ouagadougou.
Cependant, entre la signature de la convention et les premiers décaissements, plus d’une année s’était écoulée, puisque le premier décaissement avait eu lieu en novembre 94, et à cette période, Abdallah Boureima n’était plus Ministre des Finances, car entre-temps, le PNDS Tarrayya dont il était militant avait claqué la porte à l’AFC. Donc, que les choses soient claires, signer une convention est une chose, recevoir les premiers décaissements en est une autre. C’est bien justement au niveau des décaissements que résidera tout le flou digne d’une affaire de gangster, voire de la Camorra, de ce dossier ténébreux.
Comme nous l’avions déjà écrit, les 10 millions de dollars avaient été logés dans un compte numéroté en Suisse avant d’être transféré par les soins de Mahamane Ousmane à Oklahoma City aux USA. C’est à ce niveau que nous avions perdu les traces de cet argent dans notre dernière livraison. Aujourd’hui, à l’aide de recherches pointues, nous avons découvert quelques mouvements subis par cet argent : une partie du pognon avait transité par la BCEAO à Dakar pour être certainement converti en francs CFA. Le Trésorier Général de l’époque, le bien nommé Amadou Nouhou, en transféra une partie une partie au Niger.
Pour le compte de qui avait-il fait cette opération ?
Nous ne saurions vous le dire pour le moment, mais là aussi le sieur Amadou Nouhou est bien vivant et il pourrait indiquer à qui il avait remis cet argent. Ce n’est pas fini, puisque, quelques temps après, une autre partie de cet argent s’était retrouvée dans une banque au Nigéria. L’argent n’est sûrement pas allé de lui- même là-bas aussi, quelqu’un avait dû certainement l’y apporter, mais pour le compte de qui ?
Voilà, chers lecteurs, les nouvelles traces des 10 millions de dollars de Taiwan que votre journal a découvertes en creusant davantage cette affaire fumeuse du prêt taïwanais contracté en catimini par Mahamane Ousmane en Juin 93. Comme vous le voyez, ce prêt de 10 millions de dollars de Taiwan n’avait jamais fait l’objet d’une ratification par le Parlement nigérien de l’époque afin de donner un cachet populaire à cette convention comme l’exige notre loi fondamentale.
Ce prêt de 10 millions est l’affaire du seul Mahamane Ousmane, il était au début, au milieu et à la fin du processus de conclusion de ce prêt. Alors, demeurent des questions importantes aux quelles il va falloir apporter des réponses claires dans les prochains jours afin de faire la lumière, toute la lumière sur cette affaire de forfaiture suprême. Il faut dire que certains esprits ne manqueront pas de voir dans le débroussaillage de cette pénible affaire une manœuvre politique du pouvoir en place pour écarter un adversaire politique de la course pour le fauteuil présidentiel en 2016. A ceux-là nous répondons d’abord que depuis longtemps Mahamane Ousmane a cessé d’être un adversaire pour le Président Issoufou pour la simple et bonne raison que celui-ci est désormais à des années lumière d’un Nafarko relégué dans les poubelles de l’histoire politique du Niger.
Ensuite, comme le dit un adage, le mensonge a beau courir, la vérité finit toujours par le rattraper, Mahamane Ousmane devra s’expliquer devant la Justice nigérienne pour dire là où il avait mis cet argent qui appartenait à l’Etat du Niger et qu’aujourd’hui, l’Etat du Niger est sommé de payer.
Comment en effet, dans un pays comme le Niger, l’un des plus pauvres de la planète, son premier magistrat pouvait-il faire mains basses sur une si grosse somme et penser qu’on allait le passer par pertes et profits ?
Non, Nafarko devra rendre gorge. Dans cette affaire, ce qui écœure le plus, c’est l’inertie et le mutisme presque complice de notre représentation nationale qui n’avait jamais eu le bon réflexe de bon gardien des deniers publics d’interpeller les autorités actuelles du pays afin qu’elles viennent devant l’Hémicycle pour un débat public en direct autour de cette honte nationale qui n’a fait que trop duré !
A défaut de cela, certaines organisations de défense des droits de l’homme et de la bonne gouvernance envisageraient, devant la défaillance des pouvoirs publics, de porter plainte en justice et de se constituer partie civile pour faire rentrer l’Etat du Niger dans ses légitimes droits.
Adamu Bako (OPINIONS N° 265 DU 21 JUILLET 2015)