La Consécration de la facture

Vous l’aurez, sans doute, remarqué, les écueils de jets de discrédit sur une décision de justice ne nous ont pas permis d’aller plus en profondeur dans notre analyse dans cette affaire MNSD. Néanmoins, nous estimons que pour la stabilité politique et institutionnelle de notre pays à laquelle le camp Albadé aura largement contribué, une autre décision de justice aurait été souhaitable. Dans cette affaire deux camps s’affrontaient : le camp deceux qui se soucient de la stabilité politique et institutionnelle du pays et celui des partisans de l’insurrection comme mode d’accession au pouvoir, incarné par Hama, Seini et Mahamane Ousmane. Malheureusement pour le Niger, ce genre de décision n’est pas là pour arranger les choses dans un pays aussi fragile que le Niger, confronté à de multiples défis sécuritaires, économiques, alimentaires et autres.

Le verdict au fond tant attendu du Tribunal de Grande Instance (TGI)Hors-classe de Niamey dans l’affaire MNSD/Nassara opposant les deux ailes du parti, Seini Oumarou et Albadé Abouba, est enfin tombé au milieu de la semaine écoulée. En effet, comme le disait si justement le vénérable Soly Abdourahamane, à l’issue d’un procès, il y a toujours une partie contente de la décision rendue et une autre partie mécontente. Dans son dispositif final, le TGI de Niamey a déclaré nul et de  nul effet le Conseil National du 28 novembre 2014 et le congrès ordinaire du 29 novembre 2014 du Palais du 29 Juillet organisé par le camp Albadé, et a aussi confirmé les exclusions prononcées contre neuf membres du Bureau Politique du MNSD pour participation au gouvernement d’union nationale voulue par le Président de la République. L’addition fut donc salée pour Albadé et ses camarades qui espéraient certainement mieux de la justice nigérienne pour maintenir le MNSD/Nassara dans le giron de la mouvance présidentielle ! Cette décision de justice, même si elle n’est pas définitive, puisque susceptible d’appel puis de pourvoi en cassation, sonne quand même comme un désaveu cinglant pour Albadé et ses camarades qui se retrouveraient sans parti dans la perspective des échéances électorales de 2016.Ont-ils été victimes de leur appartenance au régime en place ? Parfois, la justice humaine est encline à prendre le parti du faible, face au fort suivant le postulat que la vérité se trouverait rarement du côté du fort,et que le plus souvent, c’est le faible qui saisit la justice pour se protéger des abus et autres excès de pouvoir! Cette inclinaison naturelle à protéger le faible contre le fort, l’opprimé contre l’oppresseur, a souvent conduit la justice humaine sur la voie du progressisme social et politique qui était à l’avant-garde des idées républicaines et démocratiques du monde moderne. Le TGI de Niamey, dans ce jugement, s’était peut-être laissé tenter par cette conception misérabiliste de la justice en estimant que l’opposition politique, occupant la place faible, devrait l’emporter face aux protégés du pouvoir incarnant le fort. N’oublions pas que la justice est une institution sociale et qu’à ce titre, elle n’échappe pas aux influences du corps social. Ainsi,on peut penser que la Justice nigérienne dans cette affaire MNSD n’a pas pu transcender les différents courants politiques contradictoires qui caractérisent la vie de la nation. Sinon, comment comprendre que des présidents de section, structures de premier plan dans l’organisation pyramidale du MNSD, soient exclus par une instance dénommée Conseil National, dès lors même que ces présidents de section tirent leur légitimité d’un congrès tenu en bonne et due forme ? Mais pour comprendre tous les tenants et aboutissants de cette décision de justice, au demeurant critiquable, un flash-back dans un passé récents’impose.

De la participation du MNSD au gouvernement d’union nationale

Comme vous le savez, le Président de la République avait voulu et souhaité la formation d’un gouvernement d’union nationale, estimant que pour un pays en transition démocratique comme le Niger, un tel gouvernement,après les élections générales, était la meilleure façon de rassembler toutes les énergies et toutes les intelligences nationales pour bâtir ensemble une nation forte et durable à même de relever tous les défis de développement. Cette grande aspiration présidentielle n’était pas née hier seulement, mais remonte bien loin dans le temps car répétée comme un leitmotiv tout au long de sa carrière d’opposant. Elu Président de la République en 2011, il n’avait point renoncé à ce principe, mieux, il l’avait immédiatement proposé à son allié stratégique de l’époque qu’était le LUMANA aujourd’hui Kay na turay. D’un revers de la main, le président de cette formation, aujourd’hui le Fugitif ou HP (Honorable Parisien), avait rejeté l’offre du Président Issoufou. En réalité, HP avait rejeté cette idée lumineuse non pas parce qu’elle était mauvaise dans le fond, mais simplement parce qu’elle ne venait pas de lui, car plus tard, il créa la surprise, du haut de son perchoir à l’Assemblée, en déclarant que le Niger avait plus que besoin d’un gouvernementde ce genre ! Alors le Président Issoufou, face à la nouvelle situation, décida de passer à l’acte et renoua des contacts avec les dirigeants du MNSD Nassara pour arrêter les modalités pratiques de formation d’un gouvernement d’union nationale. Des discussions entre les deux parties étaient tellement avancées qu’un accord était envisageable dès que quelques menus détails seraient réglés. Mieux, une réunion du Bureau Politique (BP) du MNSD en date du 25 juillet 2013 avait voté à une écrasante majorité le principe de la participation du MNSD au gouvernement d’union nationale ! Malheureusement, en même temps qu’il était en pourparlers avec le pouvoir en place, le chef de file de l’opposition, Seini Oumarou, était aussi en contacts permanents avec Hama Amadou dit HP et Mahamane Ousmane en vue de la formation d’une nouvelle majorité pour mettre le Président en cohabitation ! Voilà comment Seini Oumarou n’avait pas pu aller jusqu’au bout de ses engagements avec le PNDS. Certains membres du BP du MNSD, sans doute fidèles à l’esprit et à la lettre de la réunion du 25 juillet 2013, avaient estimé que le MNSD devait respecter son engagement d’entrer dans le gouvernement. C’est de là que partira la fracture au sein du MNSD, par la faute, il faut le reconnaitre, de Seini Oumarou qui était plongé dans un autre agenda avec HP. Comme convenu alors, le Président Issoufou nomma des personnalités du MNSD dans son gouvernement. C’est ainsi que Seini Oumarou, non content de cet état de fait, décida de faire exclure neuf membres du BP du MNSD pour leur participation àce gouvernement. La première guerre interne du MNSD  venait d’être déclarée.

De la saisine de la justice par le camp Albabé

Exclus du MNSD par une décision du morceau de Bureau Politique acquis à la cause de Seini Oumarou, Abouba Albadé et huit autres de ses camarades d’infortune avaient saisi la justice aux fins d’annulation de cette décision d’exclusion. Le Tribunal de Grande Instance (TGI) Hors Classe de Niamey, à son audience publique du 03 septembre 2014, avait rendu le jugement civil N°430/14 au terme duquel il déclarait ‘’nulle et de nul effet la décision d’exclusion’’issue de la réunion du morceau du BP de Seini en datedu 13 février 2014. Dans ce même jugement, le TGI de Niamey dit que ‘’les demandeurs restent et demeurent membres du MNSD et demeurent dans les organes du parti pour lesquels ils ont étéélus’’ Comme on le voit bien, laJustice avait été très claire dans cette décision. Cependant, au lieu d’en prendre acte pour ressouder le parti, Seini Oumarou choisit la fuite en avant, c’est-à-dire en contournant carrément la décision de justice, pour faire prononcer des ‘’suspensions temporaires’’ contre ses adversaires dans le but de procéder, en catimini, au renouvellement des structures du parti en vue de la tenue du Conseil National et du Congrès Ordinaire sans eux ! Or,au moins cinq sur les huit sections que compte le MNSD étaient avec Albadé Abouba : il s’agissait des sections de Niamey, Tillabéri, Dosso, Tahoua et Zinder. Alors, au vu de ce qui précède, qui des deux camps a-t-il foulé aux pieds une décision de justice ? De quel côtése trouvait la majorité des sections et des députés du MNSD ? La réponse à ces deux questions estsans appel : c’est le camp Seini Oumarou qui n’a pas respecté la décision de justice annulant les exclusions pour avoir pris, subrepticement, une décision de ‘’suspension provisoire’’ contre ses adversaire sa fin de les remplacer à leur poste alors même que la décision du TGI était claire et limpide à ce sujet : ‘’Les demandeurs restent et demeurent membres du MNSD et demeurent dans les organes du parti pour lesquels ils ont été élus’’Rien de plus, mais rien de moins !En réaction à cette décision surprenante et injuste, le camp Albadé adressa une correspondance en date du 28 octobre 2014 au morceau du BP, correspondance dans laquelle le Secrétaire Général (SG)du MNSD, Albadé Abouba, attirait l’attention du président Seini Oumarou sur son devoir de respecter et faire respecter la décision de justice du 03 septembre 2014 et aussi pour dénoncer les renouvellements irréguliers des structures du parti qui étaient en cours sans la participation des cinq présidents de section cités plus haut. Toujours dans cette correspondance, le SG Abouba, soucieux de préserver l’unité et la cohésion du MNSD, invitaitson protagoniste Seini à rechercher tous les voies et moyens pour trouver un terrain d’entente et préserver la quiétude dans les rangs du parti tout en sauvegardant les intérêtsde tous. Malheureusement,cette correspondance fut restée lettre morte, car l’agenda de Seini ne lui permettait plus de reculer : il avait décidé d’offrir le MNSD à Hama Amadou alias HP.

De la tenue simultanée des deux congrès

Les positions étant devenues antagoniques et inconciliables pour les raisons que nous venons de vous exposer plus haut, le fossé entre les deux ailes du MNSD n’avait donccessé de se creuser au point d’aboutirà l’organisation de deux congrès parallèles pour un même parti. Pour ce qui est de l’aile Albadé forte de ses cinq sections sur huit, elle s’était fondée sur l’Article 120 des statuts du MNSD qui dispose :’’ Le Conseil National se réunit une fois l’an en session ordinaire. Il se réunit en session extraordinaire sur convocation de son président ou la majorité de ses membres’’C’est donc sur la base de cette disposition statutaire que l’aile Albadé s’était appuyée pour tenir son Conseil National et son congrès ordinaire du 28 et 29 novembre 2014 au Palais du 29 juillet à Niamey. Le reliquat du BP de Seini Oumarou, fort de seulement trois sections du MNSD, avait préféré ‘’pique-niquer’’ son congrès à quelques encablures de la capitale dans un entrepôt privé situé sur la route de Tillabéri ! C’était inédit au Niger qu’un même parti tînt deux congrès en même temps ! Mais que voulez vous, on ne partage jamais le repas du diable ou du Fugitif sans en payer un jour le prix fort : Hama alias HP avait déjà tout réussi, car faute d’avoir tout le parti, il le fractura avec l’aide de Seini ! Entre-temps, le Ministère de l’Intérieur, en charge des associations et des partis politiques, donna quitus de reconnaissance à l’aile de Albadé. De son côté, Seini et son reliquat de BP saisirent la justice aux fins d’annulation du congrès de l’aile Albadé qui avait …exclu  Seini Oumarou du MNSD !

De la décision du TGI en date du 15 avril 2015

Saisi d’une demande de l’aile Seini Oumarou, le TGI de Niamey, après plusieurs mois, a finalement rendu son verdict dans l’affaire dite du  MNSD Nassara ‘’ Au fond, le Tribunal déclare nul et de nul effetle congrès ordinaire du 29 novembre tenu au Palais du 29juillet de Niamey. Confirme lesexclusions prononcées contre les neuf membres du BP par la réunion du 13 février 2014’’ La première observation qui découlede la lecture de ce jugement du TGIde Niamey, c’est manifestement la contradiction flagrante entre ce jugement et celui intervenu le 03 septembre 2014 qui déclarait que les exclusions prononcées contre les neuf membres du BP du MNSD étaient irrégulières et par conséquent,‘’les demandeurs restaientet demeuraient membres du MNSD’’, mieux, ces derniers ‘’demeurent membres des organes du parti pour lesquels ils ont été élus’’ Franchement, en tant qu’observateur de la chose judiciaire, nous avouons notre incapacité à comprendre la teneur et la portée de ces deux jugements rendus dans une même matière et par la même juridiction. En outre, toujours dans ce jugement du 15 avril 2015, le TGI de Niamey ‘’dit constater que les articles 2 et 9 de l’Ordonnance du 16 décembre 2010 portant statut de l’opposition n’ont pas été violés’’ Pour vous rafraichir la mémoire, l’article 2 et 9 de cette ordonnance portant statut de l’oppositionsont ainsi libellés : Art 2 : «Les partis politiques sont des associations à but non lucratif qui, conformément à la Constitution, regroupent des citoyens nigériens autour d’un projet de société et d’un programme politique, en vue de concourir à l’expression du suffrage universel et de participer à la vie politiquepar des moyens démocratiques qui leur incombent. »Art 9 : « Tout parti politique appartenant à l’opposition peut accepter de partager la responsabilité du gouvernement. Dans ce cas, il renonce à sa qualité de parti de l’opposition et fait une déclaration publique. Une copie de la dite déclaration est transmise sans délai au ministre chargé de l’Intérieur. »Or, le morceau de BP de Seini Oumarou avait justement tiré argumentde sa décision d’exclusion des neuf membres de ces deux dispositionsdu statut de l’opposition pour justifier la décision d’exclusion ! Cependant, dans ses motifs, le TGI de Niamey avait conclu à une non violation de ces dispositions par lesexclus. Alors, comprenne qui pourra ! Mieux, la Cour Constitutionnelle, gardienne du temple constitutionnel, sur saisine du Premier Ministre, par Avis N°27 du 26 juillet 2013, déclarait que l’appartenancedes membres de l’opposition augouvernement ne constitue pas uneviolation de la charte de l’opposition.Face à tout ce qui précède, le citoyen lambda que nous sommes est complètement perdu et dépassé par les évènements. Sans vouloir jeter l’anathème sur la Justice, on demande plus de clarté, plus de suite dans certaines décisions afin de ne pas paraitre, aux yeux de l’opinion, comme partiale ou parcellaire. Sans la Justice il n’y a pointd’Etat de droit et la société basculedans l’anomie, ce qui signifie l’absence de règles dans une société donnée. Mais pour satisfaire cette grande aspiration sociale, la Justice doit être rigoureuse dans ses déductions et péremptoire dans ses délibérations.

Conclusion

Vous l’aurez, sans doute, remarqué, les écueils de jets de discrédit sur une décision de justice ne nous ont pas permis d’aller plus en profondeur dans notre analyse dans cette affaire MNSD. Néanmoins ,nous estimons que pour la stabilité politique et institutionnelle de notre pays à laquelle le camp Albadé auralargement contribué, une autre décision de justice aurait été souhaitable.Dans cette affaire deux camps s’affrontaient : le camp de ceux quise soucient de la stabilité politique et institutionnelle du pays et celui des partisans de l’insurrection comme mode d’accession au pouvoir,incarné par Hama, Seini et Mahamane Ousmane. Malheureusement pour le Niger, ce genre de décision n’est pas là pour arranger les choses dans un pays aussi fragileque le Niger, confronté à de multiples défis sécuritaires, économiques, alimentaires et autres. Au demeurant, Abouba Albadé et ses camarades n’entendent point laisser le MNSD aux mains d’un  irresponsable comme Seini Oumarou qui appelle à une guerre civile au Niger, toutes choses contraire saux nobles idéaux prônéspar le MNSD Nassara depuis une trentaine d’années. Ils ont déjà interjetéappel de ce jugement du TGI de Niamey, et compteraient se pourvoiren cassation s’il le fallait. En toutétat de cause, le camp Albadé neprêche pas dans le désert, car il draine derrière lui cinq sections etune quinzaine de parlementaires MNSD. Dans tous les cas, ce n’estpoint la justice qui donne un parti à Xou Y, mais bien les militantes etmilitants de ce parti, et sur ce terrain,Alba et ses camarades peuventêtre tranquilles.

Dossier réalisé par la Rédaction

OPINIONS N° 260 DU 21 AVRIL 2015