56 millions de Nigérians sont appelés ce samedi aux urnes pour élire un nouveau président. C’est la cinquième élection libre depuis 1999. Une campagne de plusieurs mois qui a moyennement convaincu.
Les préoccupations sont nombreuses. Elles tournent autour des questions de l’emploi, de l’accès à l’électricité ou aux soins de santé et témoignent d’une attente sociale forte. Dans le milieu urbain comme rural.
« Ici, dans le milieu rural, nous sommes tous des agriculteurs. Nous tenons de petites entreprises familiales. Nous dépendons largement de ce que nous produisons. Le problème, c’est que nous sommes aussi affectés par le manque d’intrants et de produits fertilisants pour nourrir nos sols. Nous n’avons pas non plus moyen de nous équiper correctement, avec des tracteurs par exemple. Autant d’éléments qui nous permettraient d’accroître nos rendements », déplore un vieil agriculteur. L’homme plaide pour davantage de soutien de l’Etat en direction des producteurs. « Ce qu’il nous faudrait, c’est un appui conséquent du gouvernement ou des banques, pour accéder plus facilement au financement de nos récoltes. Cela nous permettra d’agrandir nos exploitations. »
Face à ces doléances, la réponse des politiques manque de souvent de contenu. Car au cours de la campagne électorale, les militants ont régulièrement versé dans l’invective, plus que sur des programmes économiques et sociaux construits. C’est en tout cas le constat dressé par Ize Onyekpere, chercheur au Centre pour la justice sociale. « Je n’observe malheureusement pas de réelle alternative. Les électeurs n’ont pas tellement de choix. Il n’y a pas une distinction nette entre des partis qui revendiquent des idées de gauche, et en face, des formations de droite ou du centre. Tous ces candidats expriment exactement la même vision de ce qu’est la gouvernance. Il n’y en a pas un qui va se distinguer en dénonçant des erreurs de gestion. C’est toujours la même bande de leaders issus du PDP, qui ont simplement changé de parti pour rallier l’opposition. »
Crainte de violences postélectorales
Au-delà du programme des candidats, la sécurité et le respect du verdict des urnes est unenjeu majeur de cette élection. On observe régulièrement au Nigeria des heurts à l’issue du vote. En 2011, on comptait plus de 1 000 morts suite à des violences postélectorales. Pour cette élection, les tensions peuvent se produire dans des Etats où le scrutin est serré. C’est le cas de l’Etat de Rivers, situé dans la zone pétrolifère du delta du Niger, la région d’origine du président sortant Goodluck Jonathan. Or récemment, cet Etat a été repris par la vaste coalition de l’opposition conduite par Muhammadu Buhari.
Les observateurs craignent d’éventuels troubles au moment de l’annonce des résultats, qui peuvent être contestés par des militants. « Le gouvernement n’est selon moi, pas parvenu à dissuader ce type de violence, estime Ize Onyekpere. Si quelqu’un commet un meurtre, ou un viol, en prétextant des activités postélectorales, l’urgence c’est de résoudre ce problème. Si les gens voient des personnes être condamnées à de fortes peines de prison pour avoir commis des violences, cela va les dissuader de reproduire de tels actes. C’est cette impunité qui a pourri le système. C’est pourquoi nous craignons toujours des violences après les élections. »
Bineta Diagne , RFI